Symbole de la Libération de Toulouse (Haute-Garonne), il y a 80 ans, la prison Saint-Michel accueille une exposition temporaire de dessins sur ce thème. Longtemps laissé tel quel, l'établissement va devenir une "cité judiciaire", 15 ans après sa fermeture. L'occasion de revenir sur la riche histoire de cette prison.
Le 19 août 1944, Toulouse (Haute-Garonne) a été libérée. Depuis, la prison Saint-Michel, sorte de château fort en briques rouges où ont été enfermés bon nombre de résistants, est devenue un musée.
C'est dans la cour du "Castelet", nom de l'entrée de la prison, que l'exposition permanente sera accompagnée, jusqu'au 5 janvier 2025, de mangas géants sur le thème de la Libération, réalisés par des étudiants de l'Ecole internationale de manga et d'animation (EIMA) de Toulouse. L'occasion de transmettre ce pan d'histoire aux plus jeunes.
Symbole de la résistance
Construite à la fin du XIXe siècle, la prison a été le premier établissement carcéral français bâti sur le modèle du panoptique, permettant à un seul gardien de surveiller depuis un point central toutes les cellules de son étage. Dans les années 1940, le régime de Vichy y incarcère d'abord tous ceux qu'il considère comme ennemis à sa "Révolution nationale". Mais à partir de 1942 les résistants arrêtés à Toulouse et dans les départements voisins y sont rassemblés.
Plusieurs figures majeures de la Résistance y ont été exécutées. C'est le cas de Marcel Langer, chef de la brigade régionale des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans - main-d’œuvre immigrée). D'autres ont réussi à s'en échapper, comme l'écrivain André Malraux le 19 août 1944, en pleine Libération de Toulouse. "Cette prison représente la souffrance politique des gens face à une idéologie totalitaire", rappelle Michèle Cros-Dupont, 76 ans, secrétaire du comité de quartier et fille de résistant. "Raser ce lieu, ça aurait été comme raser leur mémoire", ajoute-t-elle. Surtout qu'à Toulouse, les traces de l'Occupation "sont seulement ancrées dans la mémoire et dans la cour de la prison Saint-Michel", insiste David Madec, directeur des musées et des monuments de la ville.
Le reportage de Sandra WACHLEWICZ et Marie-Lou ROBERT.
Une prison en plein centre-ville
Après la guerre, la vie de la prison y a repris son cours, non sans difficultés. "Parloirs sauvages" et tentatives d'évasion dérangeaient les habitants du quartier. Ces derniers se sont réunis en association pour s'ériger contre ces nuisances. "On est même allés visiter la prison : leurs conditions de vie étaient minables, les cellules surchargées...", se souvient Louis Ambid, l'un des fondateurs de l'association, 80 ans aujourd'hui.
Dans les années 2000, face à la vétusté du lieu, le transfert des détenus est décidé vers Seysses, au sud de Toulouse. Les habitants, jusqu'ici remontés contre la présence de la prison, décident alors... de prendre sa défense pour la conserver. Louis Ambid justifie ce retournement de situation : "On était des gens curieux, capables de voir la qualité de son patrimoine architectural."
Bientôt une "cité judiciaire"
Des manifestations sont organisées et une pétition lancée pour l'inscrire aux monuments historiques. Mais jusqu'à ce jour, seul le Castelet est protégé. Les briques rouges bien entretenues de ce dernier contrastent avec les murs décrépits du reste de la prison. Le bâtiment, dont les pigeons sont aujourd'hui seuls pensionnaires, n'a pas changé depuis sa fermeture. Sur les murs des cellules, les graffitis des détenus y sont toujours lisibles : "Raison d'être, d'être en vie, et de ne pas la subir" ou encore "gueuler sa rage et son envie de vivre".
Ce n'est qu'au mois de juillet 2024 que l'ancienne prison est fixée sur son sort : ce sera une "cité judiciaire", extension du Palais de justice, situé à quelques centaines de mètres. Un concours d'architectes sera lancé d'ici 2025 et les travaux de rénovation et d'adaptation du site à sa nouvelle fonction devraient débuter en 2028.