Les Toulousains se souviennent de ce vendredi 21 septembre 2001. A 10 heures 17, le hangar 221 de l'usine AZF de Toulouse explose, anéantissant tout autour de lui. Parmi les milliers d'images témoignant de cette catastrophe, en voici cinq qui ont pu marquer les esprits. #AZFLes20ans
A 10 heures 17, le 21 septembre 2001, l'explosion de l'usine chimique d'AZF, située dans la banlieue sud de Toulouse, provoque le plus important accident industriel depuis la deuxième guerre mondiale. Le stock de nitrate d'ammonium contenu dans le hangar 221 explose, entraînant la mort de 31 personnes et blessant 2.500 autres.
21 septembre 2001, 10h17
A 10 h 17, ce 21 septembre, Michel Gaubert, cadre au sein d'un bureau d'études d'AZF, est en train de finir de préparer une réunion. "Brutalement, il s'est produit une explosion. Elle a été souterraine, sourde, elle a secoué le bâtiment à tel point que les enjoliveurs des néons de mon bureau sont tombés." Puis, deuxième explosion. "Aérienne, beaucoup plus forte que la première, accompagnée de bruits de verre, de cloisons qui tombent". Michel Gaubert descend, voit du verre et des tâches de sang. "C'est là que des gens qui arrivaient du nord du site nous ont dit qu'il y avait un grand cratère dans la zone nord de l'usine."
Un cratère de 70 mètres de diamètre
Ce 21 septembre 2001, Christophe Ghiani, sapeur-pompier, fait partie de l'équipe de garde du Centre de Secours de Toulouse-l'Union. L'équipe prépapre sa manoeuvre journalière. 10h17, il y a 20 ans, une violente explosion les projete à terre.
Arrivé sur le site d' AZF, Christophe Ghiani éprouve une certaine incompréhension. "On n'a pas plus de repères géographiques. C'est une entreprise qu'on connaissait bien parce qu'on y manoeuvrait très régulièrement. Mais là, il y a un sentiment de ne pas reconnaître les lieux. Il y a des fumées oranges qui se propagent au-dessus du site et très rapidement, quand on arrive à la porte A, un nombre très important de victimes, qui sont plus ou moins valides".
Le pompier se souvient aussi de la forte impression ressentie aux abords de ce qu'était devenu le hangar 221 de l'usine. "Au départ, on travaille pour les victimes. On sait qu'il y a eu une explosion mais on ne sait pas où elle a eu lieu." Le sapeur-pompier se doute que là où cela a explosé, tout doit être détruit. Les équipes de secours commencent à s'organiser. Et Christophe Ghiani s'aperçoit de la présence d'un énorme monticule de terre à proximité.
"Par réflexe, on escalade ce monticule de terre... et là, on découvre un cratère qui fait 70 mètres de diamètre. Là, forcément, on prend pleinement l'ampleur de la catastrophe. Et on s'assoie au bord pour essayer de digérer l'information visuelle qu'on vient de recevoir."
Le nuage orange
À 10h17, le colonel Christian Pizzocaro, lui, est en réunion au SDIS (Service Départemental d'Incendie et de Secours) de Colomiers (31). "On entend un grand bruit, de la puissance d'un avion qui passe le mur du son, mais dans une octave bien inférieure. On sent que quelque chose d'anormal s'est passé. Là, je vois tous les numéros du 18 en rouge avec des appels qui font état d'explosions dans le métro, à la Camif, dans des grands magasins, à la Sécurité sociale, etc."
Le responsable des sapeurs-pompiers de Haute-Garonne a un autre scénario en tête. Il monte sur le toit. "On s'était tous fait des films mais le mien, c'était qu'un avion d'essai s'était crashé parce qu'Airbus n'est pas loin de là où on était. Et c'était déjà arrivé. Arrivé là haut, je vois ce panache roux qui monte vers le ciel au sud de Toulouse. Et c'est là que je comprends immédiatement qu'il y a eu un problème majeur sur le site chimique où se trouvaient AZF et la SNPE, la Société Nationale des Poudres et Explosifs."
Au moment de l'explosion, Robert Bettini, lui est chez le médecin. Ce Toulousain en a encore la voix qui tremble. "On a tous entendu une détention énorme. Vraiment énorme. Pour l'anecdote, ses fenêtres donnaient sur une cour intérieure. Et c’est devenu complètement noir. Le souffle a soulevé toutes les feuilles qui étaient sur le toit et les tuiles. Ça a chuté et obscurci le soleil. C’était très impressionnant."
Un paysage de guerre
Trente et une personne ont perdu la vie ce 21 septembre 2001 et 2.500 blessés ont été recensés depuis le périmètre de l'usine AZF jusqu'au centre-ville. L'onde de choc est d'une violence inouïe. Elle a été ressentie à des dizaines de kilomètres autour de l'épicentre.
Ce matin-là, Patricia est en congés annuels. Elle a rendez-vous pour son fils à l'hôpital Rangueil et le plus petit de ses garçons n'a pas école. Tous les trois arrivent au feu rouge du rond-point de Tisséo, route d'Espagne, à quelques dizaines de mètres de l'usine AZF.
"Une forte détonation, une forte explosion a écrasé la voiture sur nous. C'était horrible. Peur immense. Mon fils n'a pas parlé pendant 3 heures. Je vois un paysage de guerre, les voitures complètement écrasées, cette poudre jaune partout, les gens en sang, apeurés, prostrés et muets. Quelques minutes après, les gens ont commencé à gémir, à souffrir."
Un centre-ville défiguré
Sur plusieurs kilomètres à la ronde, le souffle de l'explosion a provoqué des dégâts matériels considérables. En ressortant de chez le médecin, Robert Bettini Robert se souvient de la panique dans la rue qui jouxtait le marché couvert. "Y avaient les sirènes des voitures qui sonnaient, les alarmes de magasins qui sonnaient, les vitres brisées et des gens qui couraient."
Le matin de la catastrophe Christine Belloc est aide-soignante en réanimation à l'hôpital de Rangueil. Elle a ressenti une première secousse en allant lever un patient. "Quelques secondes après, il y a eu une deuxième secousse et nos pieds se sont soulevés de terre". Christine Belloc rentre difficilement chez elle vers 19 heures. "Il y avait de la cendre avenue de Muret. Les gens partaient, les voitures chargées. C'était comme l'exode. Les gens partaient de chez eux. C'est comme si c'était la guerre..."
Robert Bettini, lui, vit l'angoisse de ne pas retrouver immédiatement son fils Mathieu. "Il était à l'école Lamartine. On arrive et y a déjà plein de monde. Le portail de l’école est fermée, et les gens qui sont là nous disent qu'on ne peut pas récupérer les enfants." Robert et son épouse doivent attendre l'heure normale de sortie pour la pause déjeuner. "Je pense que c’est là où l’angoisse est vraiment montée", évoque aujourd'hui ce père de famille. L'attente devant l'école va durer une heure. 20 ans plus tard, avec les larmes aux yeux que Robert Bettini a du mal à décrire l'instant des retrouvailles avec son fils. "Il s’est jeté dans les bras de sa mère", dit-il simplement.
Une fois chez elle, Christine Belloc se souvient des murs de sa maison toujours droits. Les vitres, elles, sont cassées, et les portes du garage enroulées. "Là-haut, c'était à ciel ouvert, les plafonds tombaient, les placos étaient par terre. Mais nous, on était en vie..."
L'aide-soignante ira dormir chez des amis qui lui recommande "de ne pas rester là. Pour ne pas rester seuls et pouvoir en parler aussi. Mais encore une fois, le matériel, pour moi, ce n'était pas important. Puisqu'on allait bien".
Retrouvez l'ensemble de la série de témoignages recueillis à l'occasion des 20 ans de l'anniversaire de l'explosion de l'usine AZF.