Souvenez-vous, c’était il y a 20 ans. 21 septembre 2001 à Toulouse, l’explosion du hangar 221 de l’usine AZF fait 31 morts et des milliers de blessés. Christian Virenque, chef du Samu 31 à l'époque, était à Paris. Rapatrié en urgence, il se souvient d'un "spectacle d'une tristesse sans fin".
Ils sont ouvriers, professeurs, commerçants, à la retraite, médecins, pompiers, élus. Ils ont tous les âges. Ils sont Toulousains. Le 21 septembre 2001, à 10h17, ils ont vécu l'explosion d’AZF. "Impression de chaos". "C’était l’horreur, la guerre…". Tous ont été marqués, choqués. Qu'ils soient indemnes ou blessés, sinistrés ou dans le deuil. 20 ans plus tard, Christian Virenque, chef du Samu 31 à l'époque, se souvient.
"L'événement était imprévisible dans son évolution"
"Ce jour-là, à cette heure-là, je n'étais pas à Toulouse, ça surprend toujours tout le monde mais j'étais à Paris pour les Nationales de la médecine d'urgence, avec la moitié des effectifs médicaux et para-médicaux de mon service", explique-t-il. "Tout à coup, quelqu'un est venu me dire : il se passe quelque chose à Toulouse de très important, il faudrait essayer de rentrer en liaison avec le Samu pour savoir ce qu'il se passe." Quelqu'un a entendu l'information à la radio. Sans plus de précision. Immédiatement, Christian Virenque essaye d'entrer en liaison avec son service. Et là, surprise. Le Samu 31 est injoignable.
C'est vraiment une caractéristique de cette catastrophe, le fait qu'il n'y ait plus de liaisons téléphoniques entre Toulouse et l'extérieur, et à l'intérieur de Toulouse. L'événement était imprévisible dans son évolution puisqu'on ne savait vraiment pas ce qu'il se passait.
Cela nous a vraiment pris de court, se souvient Christian Virenque pour qui la seule solution a été de se rapatrier avec ses collègues à Toulouse, le plus rapidement possible. "Nous avons bénéficié d'un avion spécial de l'armée de l'air, à bord duquel a embarqué tout le personnel toulousain, avec d'ailleurs le ministre de la Santé, Bernard Kouchner. Nous avons débarqué à l'aéroport militaire de Francazal en début d'après-midi".
"Un spectacle d'une tristesse sans fin"
Christian Virenque et ses collègues rejoignent alors les hôpitaux de Purpan et Rangueil. "Nous avons traversé la zone sud de Toulouse, proche d'AZF, et c'était un spectacle extrêmement préoccupant, d'une tristesse sans fin. Il y avait des ruines partout..."
Christian Virenque et ses collègues retrouvent ensuite les équipes restées à Toulouse pour en assurer la relève. "Elles étaient complètement épuisées et cela a été un côté positif, le fait que des troupes fraîches débarquent en début d'après-midi pour renforcer celles qui étaient sur le pont depuis le matin." La prise en charge des blessés est compliquée, le CHU ayant été touché par l'explosion.
Bris de verre, personnels et malades blessés, les ascenseurs bloqués... A Rangueil, impossible d'accueillir des blessés pendant plusieurs heures.
Autre particularité de la catastrophe soulignée par Christian Virenque : les blessés légers ont cherché à tout prix à s'éloigner de la zone du sinistre, parfois même en dehors de Toulouse, ce qui a compliqué la tâche des secours pour les répertorier. Et puis, "le plan de secours de l'AZF était chimique, avec un risque toxique. Ce n'est pas du tout ce qu'il s'est passé puisqu'on n'avait pas du tout envisagé la possibilité d'une explosion".
L'expérience AZF
Le plan de secours a dû être modifié en temps réel, explique Christian Virenque. "Les hôpitaux mobiles qui étaient prêts et équipés n'ont servi à rien, il a fallu en créer un, à Croix-de-Pierre dans l'Institut des invalides civils. On y a mis en place l'hôpital de campagne créé pour l'occasion et le poste de commandement installé pour pallier le manque de communication".
Etant donné l'importance des dégâts, il aurait pu y avoir beaucoup plus de morts, même s'il y en a eu trop, affirme Christian Virenque. "Mais on a la maîtrise sanitaire et on fait des efforts pour éviter surtout la saturation de l'hôpital. Parce que tous ces malades ambulatoires, ils envahissent l'hôpital et donc nous sommes à court, par exemple dans les services d'urgence, de matériel de suture. On fait des sutures dans le service de pneumologie, avec les moyens du bord. On ne fait pas de dossier sanitaire".
La médecine de catastrophe, on ne le sait pas assez, même si on l'a évoqué avec la pandémie, c'est avant tout un triage. On sélectionne les gens qui sont dans un état grave et qui vont mourir plutôt que ceux qui sont déjà en train de mourir. Cette notion éthique, elle émerge. Donc ça, c'est aussi un changement profond, qui est conforté par l'expérience AZF.
Retrouvez l'ensemble des témoignages recueillis pour la série anniversaire : il était 10h17, les 20 ans de l'explosion de l'usine AZF.