Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole, présenté en Conseil des ministres le 3 avril, suscite des réactions mitigées. Alors qu'il répond en partie aux revendications du principal syndicat agricole FNSEA, Jérôme Bayle, exploitant de Haute-Garonne Invité au journal ICI 19/20 de France 3 Occitanie, exprime ses préoccupations et ses espoirs concernant ce projet de loi.
Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole a été présenté en Conseil des ministres, mercredi 3 avril. Ce projet, remanié pour répondre en partie aux demandes du principal syndicat agricole FNSEA, comprend des engagements tels que des fonds d'urgence et des simplifications administratives. Prévu pour être examiné à l'Assemblée nationale à partir du 13 mai, le texte est critiqué par les ONG et l'opposition de gauche pour son manque d'ambition environnementale et son orientation vers une industrialisation de l'agriculture. Invité au journal ICI 19/20 de France 3 Occitanie, l'exploitant de Haute-Garonne et figure de la mobilisation agricole, Jérôme Bayle a donné son point de vue sur ce projet de loi.
France 3 Occitanie : Est-ce que ce projet de loi répond enfin à vos attentes ?
Jérôme Bayle : Bien sûr que non. Après, comme je l'ai dit, on ne connaît pas encore ce qui va réellement y avoir dedans. On connaît seulement les grandes lignes, mais parfois entre les lignes, il peut y avoir des choses intéressantes. Parce que je pense et j'espère que le gouvernement a compris que le monde agricole français est très mal en point et touche le fond. Nous vivons vraiment un tournant pour notre avenir.
France 3 Occitanie : Ce projet aborde l'aide à l'installation pour les jeunes agriculteurs avec un guichet unique, la suppression de sanctions pénales en cas de dommages sur l'environnement, des simplifications administratives. Est-ce que cela va dans le bon sens ? Est-ce que le 26 janvier, lorsque vous avez rencontré le Premier ministre, vous avez été entendu ?
Jérôme Bayle : Je ne sais pas si nous avons été écoutés, mais il est venu et a répondu à certaines revendications. Cependant, dans ce projet de loi, ce qui est proposé est très intéressant, mais le nerf de la guerre n'est toujours pas présent. On peut parler de l'installation des jeunes, mais aujourd'hui, on peut envisager une réinstallation, mais qu'en est-il de l'avenir ? Je ne sais pas si aujourd'hui, un jeune qui s'installe va s'endetter pour les 30 à 40 prochaines années au prix du matériel, au prix du foncier, et sans aucune garantie de revenus derrière.
France 3 Occitanie : Effectivement, le revenu des agriculteurs n'est pas abordé, ni les questions de libre-échange. Ça manque dans ce projet de loi ?
Jérôme Bayle : Bien sûr, mais ce n'est pas facile. Comme je l'ai dit, nous partons de 40 ans de défaillance agricole. Je pense qu'il faut que le gouvernement nous aide sur un projet d'avenir avec une visibilité. Nous aider à réduire les charges, à réduire les coûts, à mettre en place la clause de l'effet miroir, tout cela pour un avenir pour l'agriculture. Nous aider à trouver une solution simple. On parle de revenus, et aujourd'hui, ce sont des investisseurs qui viennent dans nos fermes, qui utilisent le toit de nos bâtiments pour faire du photovoltaïque, et ce sont eux qui ont un revenu. Nous n'en retirons rien. Pourquoi le gouvernement n'aide-t-il pas les agriculteurs français à utiliser, à aider à financer ou à se porter caution auprès des banques pour qu'on puisse mettre en place du photovoltaïque chez nous ? Il y a plein de choses à faire.
France 3 Occitanie : Vous aviez demandé des aides d'urgence pour la MHE (Covid de la vache). Est-ce que vous les avez obtenues ?
Jérôme Bayle : Elles ont été débloquées pour les cheptels qui déclaraient un "foyer". Pour les "non-foyers", c'est encore un peu long. J'espère que le versement va s'accélérer pour eux. Parce que malheureusement, les cheptels qui n'étaient pas déclarés "foyer" sont durement impactés dans notre secteur. Donc, le gouvernement a tenu son engagement, mais par contre, je leur avais demandé, et on leur avait demandé, de ne pas nous laisser juste avec une enveloppe, de nous aider sur des recherches, sur des mises en place. Ils ont lancé des fermes expérimentales. Et au final, on n'a aucun retour aujourd'hui. Nous ne voulons pas qu'ils nous laissent à l'abandon, parce que nous faisons face à une maladie que nous ne connaissons pas, que personne ne connaît, et nous avons vraiment besoin de leurs services et de leur soutien.
France 3 Occitanie : Justement, où en est le monde agricole ? Vous êtes toujours autant en colère ? De nouvelles manifestations sont-elles prévues ces prochains jours, ces prochaines semaines ?
Jérôme Bayle : Ce n'est pas de la colère que nous ressentons. Nous sommes juste au bord du gouffre, et nous voulons juste survivre. C'est plutôt un instinct de survie qui ressort chez nous, et qui montre que nous ne pouvons pas rester ainsi. C'est comme si nous ne pouvions pas crever la bouche ouverte, comme je l'ai souvent dit. Bien sûr, nous sommes prêts à repartir au combat s'il le faut, si nous ne sommes pas entendus, si nous ne sommes pas écoutés, et même si les périodes ne sont pas propices, parce que c'est la période des gros travaux dans les champs. Mais nous ne pouvons pas rester comme ça, nous ne pouvons pas nous lever tous les matins sans savoir si nous serons là le lendemain. Il y a bien entendu de la souffrance.