Alors que le GIEC a publié le 9 août un rapport alarmant sur le dérèglement climatique généralisé, les mesures pour limiter la circulation et donc réduire le réchauffement ne sont pas légion. Des projets comme celui du RER toulousain sur des lignes existantes semblent à l'arrêt. Explications.
Alors que le GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) a publié un rapport aussi concret qu'alarmant sur l'urgence à se mobiliser contre le réchauffement climatique au vu de son intensification, aucune retombée concrète n'a pour l'heure émergé. Or un projet comme celui du RER toulousain porté par l'association "Rallumons l'étoile !" permettrait à la fois de réduire les émissions de CO2 dues au trafic routier et de désengorger la ville. Où en est-il aujourd'hui ?
"Le RER toulousain est un exemple emblématique des difficultés à avancer, réagit Benoît Lanusse, président de l'association "Rallumons l'étoile" qui milite pour la création d’un RER à partir du réseau existant de lignes ferroviaires. On a réussi depuis plus de trois ans et demi à faire émerger un consensus transpartisan sur un RER qui s'étendrait sur 25 km autour de Toulouse mais on n'a obtenu aucune avancée".
Blocage institutionnel ?
Pour le porte-parole de l'association, la raison principale réside dans un blocage institutionnel. Traduction : le projet qui doit être porté par la Région et Tisséo, volontaires sur le plan de l'affichage, est au point mort. "En conseil syndical, Tisséo était ok en février mais il ne s'est rien passé depuis. On peut comprendre que la pandémie, les élections régionales n'aient pas favorisé l'action, mais on espère vivement que maintenant que tout le monde étant aux manettes, on va pouvoir avancer".
Un souhait d'autant plus pressant que Bordeaux a réussi là où Toulouse patauge. "La ville a voté en décembre 2018, la création d'un RER bordelais et une première ligne traversante a été créée voilà bientôt un an", souligne Benoît Lanusse, en précisant que là-bas la métropole s'est engagée à contribuer financièrement au RER, ce qui n'est pas le cas à Toulouse. "A partir du moment où on a un large consensus avec des maires, des citoyens, des entreprises (le Medef est adhérent de notre association), on ne comprend pas la situation".
Peu nous importe la teneur de l'accord entre Tisséo et la Région, il faut que ça bouge !
S'il sait qu'une étude à un million d'euros dont on n'a pas encore les résultats, a été financée en avril par la Région et l'Etat, le président de l'association n'est pas pour autant rassuré. Car rien n'est annoncé, aucune échéance concrète n'est fixée.
Le coup de boost de la ZFE
Or, pour le président de "Rallumons l'étoile !", l'avènement de la ZFE (zone à faibles émissions), zone urbaine dont l'accès est réservé aux véhicules les moins polluants, plaide encore plus pour la mise en circulation rapide du RER.
En effet, les propriétaires des véhicules les plus anciens ne devraient plus pouvoir circuler d'ici juillet 2024 dans un vaste périmètre de l'agglomération pour protéger les populations. L'agence Santé Publique France évalue à 6600 le nombre de décès prématurés du fait de la pollution atmosphérique. La Commission européenne a d'ailleurs mis en demeure la France pour dépassement des valeurs limites de dioxyde d’azote et de particules fines.
500.000 véhicules interdits de circuler
Pour circuler dans une ZFE, la vignette Crit’Air doit être apposée sur le pare-brise. Elle permet de distinguer les véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques. Les plus polluants et les "non classés" ne pourront pas rouler dans la ZFE.
"A l'échelle de la métropole toulousaine, d'après les données qu'on a pu obtenir du ministère de la Transition écologique, c'est 180.000 personnes qui vont être impactées, 500.000 pour la grande agglomération, argumente Benoît Lanusse. Or les élus ne peuvent pas donner le sentiment que la lutte pour la sauvegarde du climat se fait contre les gens. Il faut qu'on passe à l'action et qu'on leur propose des solutions. Dans ce sens, la ZFE est à la fois une nécessité et une opportunité".
Augmentation du nombre de passagers
Un constat que partage Jean-Luc Gibelin, vice-président du Conseil régional en charge des mobilités pour tous et des infrastructures de transport. "Toulouse a besoin de mailler le territoire, d'anticiper la circulation, la ZFE va entraîner une appétence pour les transports en commun que nous sommes disposés à accompagner par l'amélioration des dessertes. Nous l'avons déjà fait en augmentant la capacité (c'est-à-dire le nombre de trains et de rames) de 45% entre 2016 et 2021 et nous continuons".
Le vice-président du Conseil régional explique également que les dessertes de Montauban, Auch et Foix ont été nettement améliorées, ce qui se traduit par une augmentation du nombre de voyageurs. Mais pour lui, la question d'un RER toulousain est une question complexe pour plusieurs raisons précises et elle ne peut être réglée dans un délai court.
Améliorer l'existant
"La question d'avoir une ligne transversale emblématique qui traverserait Toulouse n'est pas pertinente car l'organisation y est radiale (soit en rayon) : on va à Toulouse le matin et on rentre de Toulouse le soir. L'intérêt n'est donc pas d'avoir toute la journée un train qui parcourt une seule ligne. Bordeaux est beaucoup moins construite en étoile et une partie de son activité est transversale, c'est donc plus simple".
Par ailleurs, la notion de RER est trompeuse selon l'élu car elle induit des lignes spécifiques, ce qui n'est pas à l'ordre du jour pour Toulouse. Cela impliquerait des travaux d'envergure sur du long terme. Et des financements en conséquence. "Nous pensons primordial de développer ce qui existe et de l'améliorer". C'est d'ailleurs la piste que suit "Rallumons l'étoile".
Saturation de la gare Matabiau
"La question est complexe car nous devons rassembler autour d'une table l'Etat, propriétaire de l'infrastructure confiée à SNCF Réseau, la Métropole, le Département, la Région, Tisséo pour réfléchir et avancer sur ce qui peut se faire. Mais il n'y a pas de blocage", estime l'élu qui assure que la Région Occitanie est mobilisée pour amortir le passage à la ZFE.
L'un des problèmes provient de la saturation de la gare de Toulouse Matabiau. "L'intérêt serait de pouvoir faire des relais avec le transport urbain, le métro notamment via des gares situées avant Toulouse, ajoute-t-il. Il faut aussi améliorer les liaisons entre les modes de transports".
Des points de désaccord
Ce que confirme "Rallumons l'étoile !"qui préconise de faire coordonner les horaires des bus avec ceux des trains pour faciliter les correspondances souvent approximatives actuellement. L'association table aussi sur une densification du trafic sur la ligne Toulouse-Castelnaudary, par exemple, pour permettre à des gens du nord d'aller travailler à Labège comme à des gens de Baziège de venir à Eurocentre.
Le blocage réside pour Benoît Lanusse dans l'allongement des quais de plusieurs gares, comme Montlaur, Escalquens, Baziège ou encore Labège. "Il serait possible que plusieurs trains relient ainsi matin et soir le nord et le sud. Quand les transports sont performants, les gens laissent leurs voitures". Un enthousiasme que ne partage pas Jean-Luc Gibelin qui pose notamment la question des sites à trouver pour le retournement de ces trains.
Un atlas des gares
Tandis que Jean-Luc Gibelin affirme qu'il vaut mieux ne pas s'enférer dans des promesses mais continuer à travailler sur le maillage du réseau autour de Toulouse, l'association, elle, s'intéresse aux potentionalités à court terme des 44 gares existantes et d'une quarantaine qui pourraient être créées. Elle va animer des ateliers avec ses adhérents et proposer un atlas des gares d'ici la fin de l'année. Atlas destiné à répertorier leur positionnement, leur accessibilité et l'aménagement du territoire dont elles bénéficient.
L'un des principaux maîtres d'oeuvre que nous avons sollicité, Tisséo, le réseau de transports en commun de Toulouse et de son agglomération, a fait savoir qu'il laissait la Région s'exprimer sur le sujet.