Sécheresse : après un été record, les départements sommés de trouver des solutions pour l'avenir

Durant tout l’été, la sécheresse a frappé l’Occitanie. La région a été l’une des plus touchées en France. Face au réchauffement climatique, les départements sont contraints d'agir. Le magazine Enquêtes de région diffusé mercredi 26 octobre à 23h sur France 3 Occitanie revient sur cet été de tous les records et sur les solutions mises en place par le conseils départementaux.

Les traces sont encore visibles partout sur le paysage. Malgré l’arrivée de l’automne, partout, des pâturages ont été brûlés par la chaleur et le manque d’eau.

3 camions-citernes par jour pour ravitailler Thérondels

En Aveyron, la sécheresse a été telle, que durant les mois d’août et de septembre, un village a été contraint de se faire ravitailler par camion-citerne. Chaque jour, 3 poids-lourds effectuaient les 2h de trajets quotidiens sur les routes sinueuses de l’Aubrac.

Un effort indispensable pour soutenir les habitants de la commune de Thérondels. Une population qui passe chaque été de 3 000 à 6 000 personnes. Au total, ce sont des centaines de milliers de litres d’eau qui ont été déversés dans les cuves de l’usine de pompage, chargée d’alimenter le village en eau potable.

Durant tout l’été, pas une goutte n’est tombée sur l’Aubrac. “C’est une situation inédite”, déplore Jean Valadier, le président de la communauté de communes Aubrac-Carladez et Viadène. “La situation de manque d’eau sur le nord Aveyron et en particulier sur la communauté de communes Aubrac-Carladez et Viadène, est une situation totalement inédite. Évidemment nous avions connu des épisodes de sécheresse. On se souvient de 2003, certains se souviennent de 1976, certains disent que 1906 était une année extrêmement difficile mais comme cette année, jamais !”

Le plateau de l’Aubrac est pourtant connu pour ses nombreux cours d’eau. L’hiver, la neige recouvre ses étendues granitiques. La sécheresse n’avait jamais été une menace jusqu’ici, mais cet été, la météo a fait trembler habitants et agriculteurs. Le Sinique, la rivière qui alimente Thérondels s’est asséchée.

La communauté de communes Aubrac-Carladez et Viadène a donc été contrainte de prélever l’eau sur la commune de Laguiole, à 45 kilomètres de Thérondels. Ces ravitaillements ont permis d’éviter la coupure d’eau potable. 15 000 litres d’eau ont été acheminés depuis Laguiole, la commune voisine. “Nous avons eu la chance de pouvoir prélever sur une autre partie de territoire sur de l’eau que nous détenions en régie, ça a atténué le coup du rachat de l’eau”, ajoute Jean Valadier. “Mais nous avons dû faire face au coût du transport. Il y a eu 520 rotations de camions à 950 euros le camion.” Soit un total de près de 500 000 euros.  

Fermeture du centre aqualudique

L’Aveyron est le département le plus touché par la sécheresse en Occitanie. Tout l’été, il a été soumis à de nombreuses restrictions. La communauté de communes Aubrac-Carladez et Viadène a souhaité aller au-delà de ces restrictions. Mi-août et en plein cœur de la saison touristique , les élus ont choisi de fermer leur centre aquatique. “Nous avons été contraints de choisir nos priorités”, explique Annie Cazard, la vice-présidente de la communauté de communes. “Nous avons priorisé l’eau potable, l’eau pour approvisionner les bêtes dans les exploitations. Ça a été nos priorités et donc nous n’avons pu maintenir l’ouverture de cet espace.” 

De voir fermer ce centre, je ressens de la tristesse un petit peu, et un peu d’inquiétude aussi. Il faut rester optimiste, on espère tous qu’il va pleuvoir et que notre ressource en eau va se stabiliser.”

Emilie Boyer, directrice du centre Natura Bien Etre à Brommat

Grâce à cette mesure, le site économise 10 m3 d’eau par jour. “La partie piscine-balnéo représente une grosse partie de notre centre sportif” se désole Emilie Boyer, la directrice du centre Natura Bien-Etre à Brommat. “C’est là où l’on brasse du monde, où l’on reçoit les écoles. De le voir fermer, je ressens de la tristesse un petit peu et un peu d’inquiétude aussi. Il faut rester optimiste, on espère tous qu’il va pleuvoir et que notre ressource en eau va se stabiliser.” Fermé au départ pour 10 jours, ce centre ne rouvrira finalement qu’en décembre. 

À Toulouse, la Garonne asséchée

Près de 250 kilomètres plus loin, à Toulouse, la sécheresse fait aussi des ravages. Le niveau de la Garonne est au plus bas, au point de parfois pouvoir la traverser à pied.

Les pêcheurs parviennent à lancer leur ligne depuis le centre du lit du fleuve. Jean-François Lainé est l’un d’entre eux, il y vient depuis plus de 15 ans, mais n’avait jamais vu le fleuve dans cet état. “Là elle est remontée un petit peu, ça peut aller. Il y a 8-10 jours, nous pouvions pratiquement traverser au pont des Catalans, c’est un truc inimaginable”, s’alarme le passionné de pêche. “Moi je l’ai rarement vue comme ça. J’habite à Portet, et à Portet aussi, ça fait peur. Il y a un niveau d’eau qui n’est pas naturel du tout, ça fait des flaques. Ce n’est pas normal, il y a un truc qui se passe.” Ce truc, ce symptôme dont souffre la Garonne, c’est le réchauffement climatique. 

Un fleuve sous perfusion

Depuis plusieurs mois, les spécialistes du SMEAG, le syndicat en charge de la gestion de la Garonne, font le même constat. Le débit de la Garonne est actuellement de 35m3 par seconde, contre 50m3 par seconde en temps normal. “Elle a commencé à être vraiment basse début juillet et elle est toujours aussi basse aujourd’hui, c’est assez inédit”, précise Nicolas Cardot , prévisionniste d’étiage au SMEAG. “Il y a déjà eu ponctuellement des passages aussi bas, mais il y a plusieurs années avant que le soutien d’étiage soit mis en œuvre."

Le soutien d’étiage, orchestré par le SMEAG, c’est ce jeu de vase communiquant. Des stocks d’eau sont effectués en amont du fleuve, et des lâchers sont régulièrement effectués pour en maintenir le niveau entre les mois de juillet et d’octobre. “Durant la période où la Garonne était la plus basse, début août, nous lâchions 30 à 40% du débit d’eau que l’on voyait à Toulouse”, ajoute le prévisionniste d’étiage. “Donc sans le soutien d’étiage ou aurait eu 30 à 40% d’eau en moins à Toulouse.”

Au cœur de l’été, le SMEAG a pourtant été contraint de fermer les vannes. Dès le mois d’août, la quantité d’eau lâchée dans la Garonne était déjà équivalente à celle habituellement lâchée au 31 octobre. “Au mois de juillet, nous savons que nous avons lâché 2 fois plus d’eau que le maximum qu’on avait fait pour le mois de juillet”, analyse Loïc Guyot, prévisionniste d’étiage au SMEAG. “Nous devons continuer à alimenter le cours d’eau jusqu’au 31 octobre. Mais nous n’avons pas des volumes inépuisables, nous avons 71 m3 d’eau à notre disposition. Si nous avions continué les déstockages avec les mêmes volumes et puissances qu’au mois de juillet, nous aurions eu de très forts risques de ne pas terminer la campagne de soutien d’étiage.”

Le plan d’action du Département pour sécuriser l’eau

Cette sécheresse est inédite par son intensité et sa durée mais ce phénomène ne devrait que s’accentuer dans les années à venir avec le changement climatique. 

Face à ces prévisions, le conseil départemental de Haute-Garonne a fait de la gestion de l’eau une priorité, et lancé un vaste plan d’action pour sécuriser la ressource. “Cette année a été exceptionnelle, si l’on se tourne vers le passé. Mais si l’on se tourne vers le futur, ce ne sera pas une année banale mais ce sera une année que l’on va retrouver très souvent” alerte Jean-Michel Fabre, le vice-président du conseil départemental de Haute-Garonne en charge de la transition écologique. Il est aussi président du SMEAG. 

Cette année a été exceptionnelle, si l’on se tourne vers le passé. Mais si l’on se tourne vers le futur, ce ne sera pas une année banale mais on va la retrouver très souvent

Jean-Michel Fabre, vice-président du conseil départemental de Haute-Garonne en charge de la transition écologique

Entre 2011 et 2013, l’Agence de l’eau Adour-Garonne a réalisé une étude prospective intitulée “Garonne 2050”. Mais la sécheresse telle qu’elle y était annoncée n’a pas attendu 2050 et s’est invitée cet été sur le territoire. Fin 2017, le Département a lancé une grande concertation au sujet de la préservation de l’eau et à l’issue, établi un programme d’action. “Maintenant, tout le monde doit se dire que tout le monde a quelque chose à faire. Il faut agir à tous les niveaux. Moi, j’ai quelques règles simples. Il faut que l’eau reste là où elle tombe, donc les zones naturelles il faut les préserver parce qu’elles gardent l’eau. Il faut que dans les champs on ait des terres qui gardent l’eau, il faut que dans les villes on apprenne à désimperméabiliser, et il faut que l’eau soit stockée là où elle tombe. Et bien sûr, il faudra apprendre à économiser chacun à son niveau.”

Aménagements derniers cris sur les canaux, classement des zones humides, ou encore, prélèvement d’eau dans les gravières… Au total, c’est une enveloppe de 19 millions d’euros qui a été débloquée par le Département. À laquelle s’ajoutent 400 millions d’euros pour lutter contre les fuites d’eau potable sur le réseau public.

20% de perte sur le réseau d’eau potable en Haute-Garonne

En Haute-Garonne, près de 20% de l’eau qui circule dans les canalisations est perdue chaque seconde. Le département se situe dans la moyenne nationale, contrairement à l’Ariège, le mauvais élève de la région, et dont le taux de fuite se situe entre 30% et 40%. 

Cierp-Gaud est un village de 750 habitants situé au pied des Pyrénées. Dans cette commune, entre les fontaines et les fuites, les pertes sur le réseau représentent 54% du volume d’eau. Réseau 31, responsable du réseau potable a donc lancé une opération de détection de fuites sur Cierp-Gaud.

Zone par zone, rue par rue, les agents inspectent les près de 18 kilomètres de réseau que compte la commune. À l’aide de capteurs, des enregistrements de bruits sont réalisés en pleine nuit, lorsque l’activité humaine est au plus bas. C’est justement grâce à la consommation nocturne, que Réseau 31 parvient à estimer la quantité de fuite pour une commune. “Nos réservoirs sont équipés d’appareils qui renvoient des informations sur des serveurs”, explique Olivier Billiard, responsable du pôle action mutualisé eau potable Réseau 31. “A partir de là, nous pouvons savoir en pleine nuit combien il y a eu de débit, combien il y a eu de consommation sur 24h. Et donc, ça va nous alerter, par exemple si sur une commune, il commence à y avoir beaucoup de consommation en pleine nuit, c’est qu’il y a peut-être une fuite.”

Le village ne souffre jamais de pénurie car il est alimenté par 8 sources et l’eau d’une rivière, la Pique. Mais pour son maire, limiter ces fuites est indispensable. “Nous avons des fuites importantes”, confirme Claude Guiard, le maire de Cierp-Gaud. “C’est important de les détecter et de les réparer ne serait-ce que pour alléger la facture. Mais c’est vrai qu’on en perd beaucoup ici de l’eau, rien qu’avec les fontaines.”

Accompagner les agriculteurs pour optimiser l’usage de l’eau

Tout l’été, le manque d’eau a fait des ravages chez les agriculteurs, premiers impactés par le changement climatique. Pour les accompagner dans cette difficulté et toujours pour économiser l’eau, le conseil départemental de Haute-Garonne emploie 27 conseillers en agroenvironnement. Elian Routelous est l’un d’entre eux, il est spécialisé dans l’irrigation. Ce spécialiste travaille aux côtés de Jean-Pierre Bernat, un cultivateur de maïs près de Carbonne, depuis maintenant 12 ans. Sa mission : optimiser les réserves d’eau des agriculteurs. “L’agriculteur, lui, face à la sécheresse, son seul levier c’est l’irrigation”, analyse Elian Routelous. “Il doit apporter de l’eau là où elle ne tombe pas. Et là où il peut jouer c’est sur l'efficience, sur l’amélioration de la qualité d’apport de l’irrigation. Ici, Monsieur Bernat à installé des pivots, des systèmes d’irrigation qui apportent l’eau plus près du sol. Cela permet moins de prise au vent, et donc moins de perte par évaporation.”

Ensemble, le conseiller et l’agriculteur ont également mis en place un système de sondes. Placées sous ses champs, elles permettent à Jean-Pierre Bernat de contrôler en temps réel et grâce à son téléphone, l'hygrométrie de ses terres. “Avec ces tensiomètres, sur une récolte on va économiser une à deux irrigations, peut-être même trois. Ça aide bien à maîtriser la gestion de l’eau”, se réjouit le cultivateur. Car une année comme celle-ci ne donne pas le droit à l’erreur en matière d’irrigation.

Sondes tensiométriques, systèmes d’irrigation moins gourmands… Le bénéfice est aussi bien économique qu’écologique. Le maïs est l’une des cultures les plus consommatrices d’eau. Son avenir en Occitanie serait-il menacé ? “Clairement, les études ont montré qu’on aura beaucoup, beaucoup moins d’eau. L’une des idées, je pense, ce serait de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs”, propose  Elian Routelous. “Ailleurs, pas si loin que ça, il y a l’Aude et l’Hérault par exemple, il y a le climat méditérranéen. Là bas, des cultures je n’en vois pas trop. Je vois plutôt de la vigne, de l’arboriculture, des cultures pérennes qui sont peut-être mieux adaptées à ce climat. Ce changement climatique, pour s’adapter, je pense que l’une des solutions est de ne rien s’interdire.”  

Ne rien s’interdire, trouver des solutions innovantes… Aujourd’hui un impératif face au changement climatique. Mais pas certain que cela suffise. L’agriculture est le secteur le plus consommateur d’eau, devant la consommation domestique, l’industrie et l’énergie.

Pour plus d'information, rendez-vous ce mercredi 26 octobre, à partir de 23h dans Enquêtes de région sur France 3 Occitanie.  

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