TEMOIGNAGE. "Il faut condamner, bien sûr toutes les attaques contre les civils" Momin Abujami, en France depuis 2018, a peur pour sa famille restée à Gaza

Momin Abujami est arrivé en France en 2018 et travaille à l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Au 24e jour du conflit, ce Palestinien de 32 ans témoigne de son inquiétude envers sa famille qui est réfugiée au sud de Gaza. "J'ai peur de perdre ma famille ou un des membres de ma famille".

Le conflit israélo-palestinien est l'un des plus vieux conflits au monde. Mais depuis plus de trois semaines, il ne cesse de s'amplifier après l’assaut mené par le mouvement islamiste.

À Toulouse, une équipe de France 3 Occitanie a rencontré Momin Abujami, Palestinien de 32 ans arrivé en France en 2018. Ce Gazaoui témoigne de son inquiétude envers sa famille qui s'est réfugiée au sud de Gaza.

France 3 Occitanie : dans quel état d'esprit êtes-vous ? Comment arrivez-vous à vivre avec cette inquiétude permanente de savoir si vos parents, votre frère et votre sœur sont encore vivants et s'ils ne sont pas sous un déluge de bombe ?

Momin Abujami : Cela fait des années que je suis loin de la famille. Malheureusement, j'ai l'habitude de dire ça, que je suis loin. Actuellement, c'est plus difficile parce qu'il y a un risque de mort continuelle qui existe à Gaza pour tout le monde.
Je pense particulièrement à ma famille parce que ça fait longtemps que je ne les ai pas vues. J'espère bientôt les voir. J'arrive quelques fois à les appeler et quelques fois non. Surtout, les deux dernières journées, il n'y avait pas d'Internet. C'est la première fois que je n'arrive pas à avoir de leurs nouvelles.

France 3 Occitanie : Vous devez être très inquiet, j'imagine. Comment vous vivez avec ça ?

Momin Abujami : Je suis très inquiet pour ma famille. Surtout aujourd'hui, parce qu'actuellement, il y a le risque qui existe continuellement. J'ai peur de perdre ma famille ou un des membres de ma famille.
Je n'arrive pas à avoir les nouvelles de Gaza mais j'essaie de contrôler mes émotions. Je vais accepter toutes les nouvelles qui vont venir de Gaza. Mais ça sera difficile.

France 3 Occitanie :  Vous disiez que vous essayiez de vous protéger un peu de toutes les informations. Qu'est-ce que vous faites ?
Momin Abujami : Depuis que je suis sorti de Gaza, j'ai décidé d'être moralement et physiquement en France. Parce que c'est difficile d'être moralement là-bas et physiquement ici. Pour commencer une nouvelle vie ici, trouver du travail, réussir, apprendre la langue et la culture et se faire des amis.

France 3 Occitanie : Mais en ce moment ?

Momin Abujami : En ce moment, je pense à eux tout le temps et je suis inquiet. Moralement, je suis pris, même au travail, je suis préoccupé. À Gaza, on est habitué à vivre des moments comme ça. Parce que moi, j'ai déjà vécu trois guerres à Gaza et j'ai réussi à les oublier. J'ai remplacé ces expériences avec d'autres en France. Grâce à ma nouvelle vie ici. Mais actuellement, c'est particulier.

France 3 Occitanie : Pour vous, c'était prévisible qu'Israël réagisse ainsi ? Avec cette violence-là ?

Momin Abujami : Oui, on attendait une réaction forte comme ça. Le matin du 7 octobre, lors de l'action que le Hamas a menée vers l'Israël et les villages autour de Gaza, j'ai essayé de me dire que c'était un film, que c'était un cauchemar et que ce n'était pas normal. Mais j'ai regardé d'autres chaînes et j'ai vu que c'était vrai, c'était dingue ce qui se passait.

France 3 Occitanie : Vous avez été choqué ?

Momin Abujami : Ah oui, bien sûr, choqué. Comme n'importe quelle personne a été choquée, soit en Israël, soit en Palestine. Je suis sûr que les islamistes à Gaza et au Hamas, ils préparent ça depuis longtemps.
La réaction d'Israël était attendue. On comprend qu'ils essaient de faire quelque chose à la hauteur de la gravité. Moi aussi, je suis triste pour les civils des deux côtés. J'ai condamné, je regarde beaucoup d'interviews avec des ambassadeurs palestiniens et d'autres dans le monde qui ne condamnent pas.
Il faut condamner, bien sûr, toutes les attaques contre les civils. J'ai condamné et je condamne toujours parce qu'à cause de cette action irresponsable, on vit des moments très difficiles.

France 3 Occitanie : Quand vous dites que vous condamnez tout le monde, vous condamnez à la fois le Hamas et les actions militaires d'Israël contre les civils ?
Momin Abujami : Dans les guerres, il y a toujours des situations tragiques comme ça. Oui, je condamne les deux côtés quand la cible est civile. C'est triste, après, toujours dans toutes les guerres, il y a des civils, malheureusement, comme en Ukraine, par exemple, ou n'importe quel pays. Il faut respecter la loi internationale, respecter aussi le côté humain et juste cibler les militaires.

France 3 Occitanie :  Est-ce que pour vous, c'est un crime contre l'humanité ce qu'ils ont fait ? Ou c'est du terrorisme ? Comment vous qualifiez ce qu'ils ont fait ?
Momin Abujami : Je ne sais pas quel mot j'utilise pour décrire ce qu'ils ont fait. Mais alors, attaquer des civils, ce sont des crimes. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres mots, mais je trouve plus simplement que ce sont des crimes.


France 3 Occitanie :  Et des deux côtés, il y a des crimes, malheureusement, actuellement. Est-ce que vous êtes inquiet pour l'existence même de Gaza ? Quand on voit le déluge de feu, quand on voit que tout est détruit, on se demande, qu'est-ce qui restera de Gaza ?

Momin Abujami : On a de l'inquiétude parce qu'on sait que c'est possible que l'on doit aller du nord vers le sud. C'est-à-dire que c'est un plan pour nous dégager vers l'Égypte.
Depuis longtemps, même quand je suis parti en Égypte, j'ai demandé la carte de séjour. Ils m'ont dit non, vous n'avez pas de carte de séjour pour les Gazaouis. Donc oui, il y a l'inquiétude chez les Gazaouis, chez moi et chez les Égyptiens. Ce déluge de bombe pousse les Gazaouis vers l'Égypte. Visiblement beaucoup de bâtiments, beaucoup d'endroits ont été rasés entièrement. Mais les Gazaouis ne vont pas partir ainsi. D’autant plus que l'Égypte n'en veut pas. Bien sûr, les Gazaouis préfèrent mourir là-bas, la plupart. Il arrive qu'il y ait des Palestiniens qui préfèrent partir loin de la mort mais beaucoup vont préférer rester.

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