Témoignage. "On est paysans, ils sont paysans. Il n'y a pas de frontière pour ça" au cœur de la journée d'action commune des agriculteurs français et espagnols

Publié le Écrit par Aude Henry
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200 agriculteurs, français et espagnols, ont bloqué plusieurs accès à la frontière entre les deux pays, ce lundi 3 juin 2024. Une mobilisation commune pour avoir plus d'impact et porter la voix des paysans jusqu'aux oreilles des députés européens qui seront élus dans quelques jours. Parmi les manifestants : Jérémie Briol, 24 ans.

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Éleveur de bovins et céréalier dans le Comminges, en Haute-Garonne, Jérémie Briol est sur le point de blocage, ce lundi 3 juin 2024, à la frontière entre la France et l'Espagne, entre Fos et Bossost. À la question de savoir les raisons de sa participation à cette manifestation, il répond : "un peu tout. C'est un peu un ras-le-bol général qui s'exprime. Trop de restrictions, trop de charges, à commencer par le prix du gazole non-routier et peu d'argent qui rentre."

"L'envie de travailler ne manque pas, mais ça commence à nous démoraliser un peu, c'est sûr." Le jeune agriculteur veut y croire. Mais pour cela, "il va falloir agir, c'est pour ça qu'on est là." Et aujourd'hui, c'est un front commun avec les agriculteurs espagnols. "Parce qu'on a les mêmes soucis."

"Il n'y a pas de frontière pour s'entraider"

Pour Jérémie Briol, l'action du jour et ce blocage des deux côtés de la frontière avec un point de ralliement à Fos, c'est plus que symbolique. "On s'entraide entre paysans."

On est paysans, ils sont paysans. Il n'y a pas de frontière pour ça.

On est paysans, ils sont paysans. Il n'y a pas de frontière pour ça.

Jérémie Briol, jeune agriculteur de Haute-Garonne

Au début du mouvement de colère des agriculteurs, il y a quatre mois, des camions espagnols avaient pourtant été interceptés et leurs cargaisons de fruits et légumes déversés sur les routes. Jérémie reconnaît que cela leur a causé du tort. Mais aujourd'hui, ce qui importe, c'est de "peser plus fort ensemble."

La concurrence ? Pour Jérémie, elle commence avec n'importe quel voisin du coin. "La concurrence, elle est partout. Même le plus petit dans le petit village voisin est un concurrent.  On fait quand même tous partie du même bateau même si on est concurrents. Comme je le disais, il y a des frontières, mais pas pour tout."

Au final, on est quand même là, les voisins, ensemble, en train de manifester. On n'est pas là pour batailler sur nos querelles passées, on va dire. Moi, c'est comme ça que je le vois. On est tous ensemble, là.

Jérémie Briol, agriculteur manifestant

Cause commune

À une petite dizaine de kilomètres du point de blocage français, les agriculteurs espagnols se sont installés sur un rond-point de Bossost. "On ferme ici parce qu'on n'est pas d'accord avec l'Union européenne. C'est la même chose que côté français, c'est la PAC, la paperasserie. Et c'est toute l'Europe qui manifeste. La Roumanie, la Bulgarie, l'Italie...", nous dit Eric, éleveur de brebis.

À la mi-journée, les agriculteurs espagnols ont rejoint leurs homologues français pour une déclaration commune. Ce qu'ils réclament de part et d'autre de la frontière, une harmonisation des taxes et des normes, limiter les importations.

Il y a des gens qui ont jeté tous les fruits, ils ne les ont même pas cueillis ici en Espagne parce qu'il y a des fruits d'autres pays qui rentrent. Ce n'est pas rentable.

Eric, éleveur de brebis en Espagne

À 24 ans, Jérémie Briol est en cours d'installation pour mener sa propre exploitation. Agriculteur jusqu'à la retraite ? "Moi, c'est ce dont je rêverai en tout cas. Mais je ne suis pas sûr qu'on puisse. Si ça continue comme on est là, ça n'arrivera sûrement pas. C'est triste à dire, mais les vieux aujourd'hui en ont ras-le-bol et les jeunes ont peur."

Mais pas question de lâcher. À l'image de cette mobilisation commune, entre agriculteurs français et espagnols, unis pour se faire entendre des députés européens qui seront élus le 9 juin prochain. Et si ce n'est pas le cas, ils promettent de repasser à l'action.

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