Témoignages. "Au rugby, ça ne change rien si on est homosexuel" comme leur idole Antoine Dupont des joueurs prônent la tolérance

Publié le Écrit par Apolline Riou
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La prise de parole d'Antoine Dupont contre l'homophobie, mercredi 19 juin, trouve son écho dans le monde du rugby amateur. À Toulouse (Haute-Garonne), parents, enfants et éducateurs se portent aujourd’hui garants d'une tolérance sur le terrain. Le combat continue pour que les supporters et le grand public se libèrent aussi des préjugés.

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Sur la pelouse du Stade Gironis, dans le quartier de Lafourguette à Toulouse (Haute-Garonne), ils sont moins d'une dizaine, ce mercredi 19 juin, à se passer le ballon ovale. Encadrés par leur éducateur, Matthias Maurière, également coprésident du TAC Rugby (Toulouse Athletic Club), les enfants ont entre 6 et 12 ans et viennent ici, chaque semaine, pratiquer leur sport. Un point commun les rassemble : leur admiration pour Antoine Dupont. "Le meilleur joueur du monde" est pour eux une star, un vrai modèle.

Ce jour-là, le joueur du Stade Toulousain a accordé une interview au média LGBT Têtu, dans laquelle il s'engage contre l'homophobie. Il souhaite qu'il n'y ait plus "de tabou ni de honte" et assure que "si le rugby peut être vu comme macho, on est très ouverts d'esprit, et aujourd'hui tous capables d'accepter les orientations sexuelles des uns et des autres". Un message de tolérance, soutenu par la Ligue Nationale de Rugby (LNR), dans le cadre de son programme "Célébrons la diversité", lancé en 2020.

La force du collectif 

Chez les enfants, la parole du rugbyman résonne. Nathan, 11 ans, clame, d'un ton assuré, qu'il est "d'accord avec Antoine Dupont. Il ne faut pas discriminer les gens parce qu'ils aiment d'autres personnes. Pour jouer au rugby, ça ne change rien si on est homosexuel". Même son de cloche pour Hamza, 12 ans et Romain, 8 ans. Ce dernier affirme même qu'il a "déjà des copains homosexuels" et que dans le sport "ce doit être normal." 

À lire aussi : "Je doute fort qu'il n'y ait qu'un seul gay sur les terrains !" la star du rugby, Antoine Dupont s'engage contre l'homophobie 

Matthias Maurière, leur éducateur, juge la sortie d'Antoine Dupont "extrêmement bénéfique". Il raconte : "Un de mes amis a arrêté le rugby à 19 ans, parce qu’il était homosexuel, alors qu’il aurait pu devenir semi-professionnel. Il vivait mal les remarques homophobes de ses coéquipiers." Jusqu’ici, le co-président du TAC n’a pas encore eu besoin de parler homophobie avec les plus petits. Mais il se tient prêt à réagir.

Matthias poursuit : "S’ils agissent mal, je les pénalise en leur demandant de courir seul ou en les mettant en situation d’infériorité numérique. Pour leur montrer qu’ils ont besoin des autres et de leur soutien pour avancer."

Sensibiliser à la cause sur le terrain

C'est sur cette même pelouse, du stade Gironis, que l'équipe de Tou'Win s'entraîne, une fois par semaine. Le club est né en 2006, à l'initiative d'une poignée d'homosexuels toulousains passionnés de rugby.  Alain Mirepoix, coprésident du TAC, s'en souvient : "Il y a plus de 20 ans, j'étais employé AZF et je travaillais sur la zone. Un jour, j'ai vu des hommes se changer derrière des voitures, avant d'aller jouer au rugby. Ils n'avaient pas de vestiaires. Lorsque je leur ai proposé de jouer contre nous, ils m'ont expliqué qu'ils étaient une équipe de gays." Aucun problème pour le TAC, qui finit même par leur prêter leurs terrains.

Le message de Dupont fait écho au combat que les Tou'Win mènent depuis toutes ces années : "On veut détruire les clichés en montrant qu'on peut faire du rugby et être gay, voire efféminé", déclare Xavier Besson, membre et porte-parole. Le club mélange aujourd’hui toutes les sexualités et affronte des équipes "classiques" pour sensibiliser à la cause.

On n’est pas seulement une équipe homo, mais aussi un refuge, une "safe place" pour des joueurs qui ont subi des violences et insultes dans d'autres clubs.

Xavier Besson

Il ajoute : "C'est important d'être vigilant dès l'école de rugby", période où les insultes de"pédés" fusent et où certains adolescents découvrent leur sexualité. 

Une parole d'allié essentielle 

Dans son interview pour Têtu, Antoine Dupont s'attarde sur la rareté du coming out dans les clubs professionnels : "Je doute fort qu'il n'y ait qu'un seul gay sur les terrains." Ce "seul" joueur, dont parle la star des bleus, est Jérémy Clamy-Edroux. Le pilier qui évolue en Fédérale 1 au CM Floirac est sorti publiquement du placard en 2021. À aujourd'hui 33 ans, il a toujours assumé son homosexualité dans les différents clubs qu'il a fréquentés. "Quand j'étais jeune, je n'avais pas de représentation, avoue-t-il. Il y avait bien Gareth Thomas mais il était gallois et blanc. Je n'arrivais pas à m'identifier à lui." Il décide alors de se placer en "role model pour les jeunes sportifs noirs et gays."

La prise de parole d'Antoine Dupont constitue, pour lui, une possibilité de faire changer les choses : " C'est important d'avoir des alliés pour porter une cause aussi noble. Il peut être entendu par des personnes plus réfractaires qui le suivent."

Ses mots vont aider. Je lui dis mille fois merci.

Jérémy Clamy-Edroux

Jérémy Clamy-Edroux insiste, comme les Tou'Win, sur l'importance de la sensibilisation "dès l'enfance" à la tolérance. "Plus on apprend les différences tôt, moins il y aura d'incompréhension et de violence", conclut-il. "Les entraîneurs doivent endosser ce rôle." 

L'homophobie autour du terrain

Au TAC, les parents voient d'un bon œil la prise de position de Dupont, que leurs enfants admirent tant. "Il a raison d'associer son image à cette cause, assure la mère de Romain. Si on en parle assez tôt aux enfants, ça deviendra normal pour eux."  Cyril, père d'un petit garçon de 4 ans, a été préparateur physique dans des clubs professionnels. "Il y a toujours eu des homosexuels dans les équipes, confie-t-il. C'est surtout du côté des supporters et du grand public qu'il y a des incivilités et de l'intolérance. Il faut éduquer les gens là-dessus. Pour les enfants, les éducateurs font comme ils peuvent."

L'homophobie semble plus grande autour du terrain qu'entre les joueurs. Jérémy Clamy-Edroux le rappelle :"Au rugby, la somme des différences de tous les joueurs fait la force de l'équipe, dans son jeu. On va à la guerre tous les week-ends ensemble, les coéquipiers deviennent des frères, on doit alors tout accepter d'eux." 

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