Des médecins aux restaurateurs en passant par les kinés ou les esthéticiennes, de plus en plus de professionnels se plaignent de rendez-vous ou réservations non honorés. Les gens ne viennent pas, ne préviennent pas. C'est un manque à gagner important qui a des conséquences sur l'ensemble de la collectivité. Témoignages.
Alors que l'exécutif songe à instaurer une "taxe lapin" pour les rendez-vous médicaux non honorés, beaucoup de professionnels manifestent leur agacement, voire plus, face à ces pratiques qui semblent en plein essor.
"J'y suis confrontée en permanence, affirme Patricia Saint-Guily, médecin généraliste à Toulouse. ça va de une à quatre consultations par jour sur une moyenne de trente-cinq environ. En France, ça représente 28 millions de rendez-vous non honorés par an et l'équivalent de 4.000 médecins à temps plein par an. C'est monstrueux !".
4.000 médecins à temps plein
"Et on est face à des pouvoirs publics qui refusent d'éduquer, poursuit-elle. Pour moi, ce qui est le plus important, c'est d'éduquer les populations. Apparemment ce n'est plus à la mode de parler comme ça mais bon... C'est un vrai fléau. Nous on perd de l'argent, du temps. Or on a besoin de dégager du temps médical donc vous imaginez bien que le temps de 4.000 médecins par an, ce serait énormément de travail en plus, sachant qu'on est 20.000 en France".
Pour Patricia Saint-Guily, la règle est simple désormais dans son cabinet : si une personne qu'elle n'a jamais vu, ne vient pas et ne prend pas la peine d'annuler son rendez-vous, elle ne lui offre pas la possibilité de caler une autre date. "Je n'ai pas besoin de patients impolis dans ma patientèle. Je n'ai pas besoin de perdre de l'argent. Je n'ai pas besoin de perdre du temps ni de faire perdre du temps à mes patients".
C'est "au revoir"
Pour un patient qu'elle suit, les choses sont différentes. "La fois d'après, j'éduque en disant que ce n'est pas comme ça que je souhaite fonctionner et je préviens qu'au bout de trois rendez-vous non honorés, c'est "au revoir".
Pour la généraliste, ce phénomène existait déjà avant le Covid, en 2018, il était déjà signalé par le corps médical. Mais il s'est peut-être amplifié. Elle constate que ce sont les jeunes de moins de 30 ans, qui ont le plus de mal à respecter leur engagement et à prévenir en cas d'empêchement. "Je leur dis : si vous avez rendez-vous avec un ami dans un café et que vous n'y allez pas, je suis sûre que vous allez appeler. Moi je ne mérite pas moins. Si je ne peux pas honorer un rendez-vous, je vais vous prévenir. N'en doutez pas ! Je suis une personne, pas une machine. Il est vrai que peut-être que la prise de rendez-vous en ligne "machinifie" un peu les choses, vous n'avez pas affaire à un être humain. Peut-être que ça joue ?".
Manque à gagner
Pour le chef cuisinier toulousain à la tête du restaurant gastronomique "Les jardins de l'opéra", Stéphane Tournié, même constat. Il publie une vidéo sur TikTok pour déplorer ce manque de respect.
Quelles que soient les professions, le fléau est identique. Emmanuelle Ruggieri est esthéticienne à l'institut Davy à Montauban. "Rien que ce matin, nous avons eu deux annulations. Nous avions un créneau de 2 heures avec une salle réservée pour une personne bloquée pour rien. Des soins à 150€. C'est un manque à gagner. Certaines préviennent au dernier moment, d'autres pas du tout et il arrive qu'on n'ait plus de nouvelles".
Des SMS de rappel de rendez-vous
Pour cette esthéticienne, la situation s'est quand même améliorée depuis que la responsable du salon a choisi de souscrire un abonnement chez "Planity", une plateforme qui envoie des SMS de rappel sur les portables, y compris les veilles de rendez-vous. "Malgré cela, on a des personnes qui ne viennent pas", déplore-t-elle.
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Marie Prim est kiné à Mirepoix en Ariège. Elle est habituée aux coups de fil de dernière minute. "Je prends des personnes à l'acte, c'est 3/4 d'heure de rendez-vous. Je n'ai pas une grosse plateforme sur laquelle je fais tourner plusieurs patients. Donc quand les gens ne viennent pas, je ne suis pas rétribuée. Que quelqu'un ait des problèmes, ça peut se comprendre, mais c'est souvent les mêmes personnes...".
Marie Prim explique que ces rendez-vous manqués lui coûtent du temps et de l'argent. La plupart des patients sont surpris d'apprendre qu'elle n'est pas payée s'ils ne viennent pas. "C'est comme si les soins étaient dus", explique-t-elle.
"Je travaille dans une maison médicale avec infirmiers, sages-femmes, médecins, pédicures... On se plaint tous ! Je vais installer un clapier dans la salle d'attente pour y mettre tous les lapins !" finit-elle par dire dans un sourire.
