Les membres du Collectif Midi-Pyrénées pour les Droits des Femmes ont organisé une ronde devant le Palais de Justice de Toulouse, le 7 octobre, pour exprimer leur colère face au traitement judiciaire des violences conjugales et familiales. Voici leurs témoignages.
Comme chaque premier mercredi du mois, les femmes du Collectif Midi Pyrénées pour les Droits des Femmes se sont réunies le 7 octobre devant le Tribunal de Toulouse. Les avis de décès des victimes de féminicides de la région ont été placardés sur la façade du tribunal. Elles dénoncent le "laxisme" des autorités judiciaires. Ces femmes se sentent parfois abandonnées par la justice.
Un sentiment d'injustice
Carole Elicha-Giraud participe à toutes les rondes du collectif. Elle a perdu confiance dans la justice en 2008 à la mort de sa fille, Sarah. "On m’explique que Sarah s’est suicidée avec des cachets mais quand je vois son corps à la morgue, il est tellement marqué de coups que je ne reconnais pas ma fille. Je ne sais pas comment ils ont fait leur enquête mais j’en suis convaincue c’est son compagnon qui l’a tuée". Elle se bat alors pour accéder aux pièces du dossier et met tout en oeuvre pour que justice soit rendue à sa fille, "j'y ai cru mais ça n'a pas été le cas".Reconnu coupable de non assistance à personne en danger et violences, l'ancien compagnon de Sarah écope de trois ans de prison dont 18 mois avec sursis. La condamnation semble dérisoire pour Carole "notre peine on ne pourra jamais nous l’enlever, nous on a pris perpétuité". Le pensant derrière les barreaux, elle est soulagée de savoir qu'il ne recommencera pas. "Bête et naïve je pensais qu'il partait en prison mais je me promène en ville et je le rencontre, je me suis dit c'est la justice qui se fout des victimes."
"J'en veux à la justice, elle ne respecte pas les victimes". Animée par un fort sentiment d'injustice, la mère de Sarah fait en 2016 une grève de la faim. L'accusé a été placé sous bracelet électronique mais n'a jamais été incarcéré. Aujourd'hui Carole se mobilise pour les autres femmes "mon seul moyen de continuer à vivre c'est de défendre les victimes, il faut souvent des années pour qu'elles se fassent entendre, je veux que leur parole soit prise en compte et que les peines soient appliquées".A quoi sert la justice ? Elle ne l'a pas puni
De victime à coupable
Depuis plus de cinq ans, Fanny Thiel ne se sort pas des procédures judiciaires. "J'y passe tout mon temps libre : je travaille la journée, je récupère ma fille à l'école le soir et dès qu'elle est couchée je me plonge dans les dossiers".
En 2015, Fanny subit les violences de son mari depuis trois ans. Enceinte elle est hospitalisée en urgence et doit accoucher avant terme pour être sauvée. Elle décide de porter plainte pour violences conjugales."Il a été condamné à un mois de prison avec sursis, c'est peu mais je n'ai pas fait appel car j'étais contente d'être reconnue comme victime". Elle demande le divorce mais les violences persistent, "il m'envoyait des menaces de mort, j'ai donc pris la fuite, j'ai quitté Rouen et je suis venue m'installer avec ma fille à Toulouse".
Fanny pense enfin pouvoir retrouver une vie normale et sa fille continue de voir son père. Mais en 2018 les voisins de son ex-mari signalent des violences "il battait sa nouvelle conjointe jusqu'au sang en présence de ma fille". Une enquête est ouverte et l'enfant âgé de trois ans révèle avoir été violé par son père. "Malgré cette révélation, le principe de précaution n'a pas été appliqué et il pouvait continuer de la voir", pour la mère de famille, cette décision est insupportable. C'est décidé sa fille ne verra plus son père. Elle entre dans l'illégalité "pour protéger ma fille, j'encours de la prison ferme".
Fanny est en colère, pour elle la justice n'est plus du côté des victimes "le cadre juridique existe mais il n'est pas appliqué. Il y a un fossé entre les promesses faites et la situation socio-judiciaire". Une colère partagée par les membres du Collectif Midi-Pyrénées pour les Droits des Femmes qui poursuivront leurs rondes devant le Trinunal de Toulouse tous les premiers mercredis du mois.Le système se retourne contre nous, on arrive comme victime et on devient coupable