Le compte à rebours est lancé : à 365 jours du début des Jeux Paralympiques, les athlètes attaquent leur préparation pour cette compétition d'une vie. À Toulouse (Haute-Garonne), une équipe s'entraîne à l'abri des regards : le club de rugby-fauteuil du Stade Toulousain. Parmi eux, le capitaine de l'équipe de France, Jonathan Hivernat, qui a cet objectif en tête depuis longtemps.
La saison est terminée depuis quelques jours mais en ce midi de fin juin mais on aurait presque l'impression que l'équipe de rugby-fauteuil du Stade Toulousain peaufine une préparation pour une nouvelle saison. Les consignes du coach sont précises et incisives, les joueurs se percutent avec leurs fauteuils comme s'ils se disputaient une place de titulaire. Le bruit des fauteuils qui s'entrechoquent devient parfois assourdissant.
"Chaque fauteuil a sa spécificité"
Ils sont quelques-uns à défendre les couleurs de l'équipe de France en plus de leur carrière en club. Parmi eux, le capitaine Jonathan Hivernat, récent champion d'Europe avec les Bleus début mai 2023. Âgé de 32 ans, il s'entraîne quatre fois par semaine avec les Rouge et Noir, entrecoupés de stages et compétitions avec l'équipe de France.
On le retrouve au Gymnase de l'Hers, à l'est de Toulouse, pour une séance d'entraînement. Comme chacun de ses coéquipiers, il a son rituel de préparation qui nécessite beaucoup de temps. "Chacun a son propre équipement, sa routine autour de ça" explique Jonathan Hivernat, en train d'enfiler son attirail et de scotcher jambes sur son fauteuil.
"L'objectif est de compenser notre dysfonction motrice pour pouvoir pleinement s'exprimer sur le terrain. Chaque fauteuil a sa spécificité, fait sur mesure en fonction de la morphologie de la personne. L'assise, plus ou moins large, est aussi faite selon la capacité fonctionnelle de chaque athlète."
Une saison royale pour Jonathan Hivernat
Il scotche aussi ses gants pour ne pas les perdre pendant le jeu. Une fois prêt, il lance ses premiers coups de roue à pleine vitesse histoire de s'échauffer. Dans la salle, il fait très lourd : pas de quoi perturber le capitaine du Stade Toulousain, le sourire aux lèvres et attentif aux consignes du coach. Entre deux exercices, il détaille les règles de ce sport atypique. "Tout est réglementé pour ne pas mettre en péril les joueurs" rassure-t-il lorsqu'on l'interroge sur les bruits assourdissants des fauteuils qui se percutent.
Chaque joueur peut se percuter à toute allure sauf par l'arrière. Les capacités fonctionnelles de chacun représentent un quota de points qu'il ne faut pas dépasser pour constituer une équipe. Comme au rugby, le but est de se faire des passes (en avant ou en arrière) et franchir la ligne d'en but adverse avec le ballon en 40 secondes maximum. Cela vaut un point.
Cette année a été couronnée de succès pour Jonathan Hivernat. Une nouvelle fois champion de France avec le Stade Toulousain, champion d'Europe avec les Bleus pour la 2e fois en six mois, le capitaine ultra dynamique sur le terrain savoure. "On travaille toute l'année ces différents tournois. C'est une année pleine, avec de la réussite, signe que le travail paye" sourit-il, déjà tourné vers l'échéance d'une vie dans un an pile.
"Le mouvement paralympique, c'est du sport de haut-niveau"
"On a une réelle détermination pour défendre au mieux nos couleurs" avoue-t-il sobrement lorsqu'on lui évoque ces Jeux Paralympiques à la maison. Une compétition qu'il connaît bien pour l'avoir vécu à Rio en 2016 puis à Tokyo en 2021. "Les Jeux, ça m'inspire beaucoup de choses. On fait du sport pour vivre ces émotions-là. c'est une fête sportive, avec du partage. On aura à coeur de bien y figurer" reconnaît-il.
Compétiteur dans l'âme, Jonathan Hivernat veut emmener son équipe le plus loin possible. Mais pas que. "On a des messages à faire passer. Il reste beaucoup de choses à faire, même si beaucoup vont déjà dans le bon sens. On veut démontrer que le mouvement paralympique, c'est aussi du sport de très très haut niveau" porte-t-il.
Son exemple est parlant. Souffrant d'une maladie dégénérative, il "n'était peut-être la personne la moins destinée à faire du très haut-niveau" comme il le dit. Mais à force de courage et de résilience, il n'a jamais lâché. "Si je m'étais arrêté à ce qu'on me disait sur ma pathologie, j'aurais dû être paralysé de tous mes membres à 21 ans. Ce sport est synonyme de forme, de résilience. Quelque soit qui on est, notre forme, la vie mérite d'être pleinement vécue en s'exprimant de la meilleure des façons" philosophe-t-il.
Mais hors de question de se mettre la pression sous prétexte que les Jeux sont à domicile. "On se sert de la pression et on va croquer les Jeux à pleines dents devant un public, nos familles et nos amis. On n'a rien à perdre car on a moins de moyens par rapport à d'autres nations" rappelle-t-il. Mais la France du rugby-fauteuil ne cesse de franchir les paliers. Et aimerait bien montrer aux yeux du monde qu'elle mérite plus de reconnaissance.