Des nez, des bouches, des yeux capables d'analyser un produit, son odeur, son goût, l'attractivité visuelle. Depuis 20 ans, Alpha Mos, société basée à Toulouse (Haute-Garonne), fabrique des organes électroniques, utilisant l'intelligence artificielle, pour l'industrie agroalimentaire.
"C’est un roc ! … c’est un pic !... c'est un nez électronique !" aurait pu faire déclamer Edmond Rostand à Cyrano de Bergerac. Et du nez, la société toulousaine Alpha Mos en a eu en 1993 lorsqu'elle a lancé sur le marché son premier nez électronique. Depuis, l'entreprise est devenue le leader mondial de l'analyse sensorielle. Présente en Amérique du Nord, en Chine et en Asie, travaillant à 95% à l'export, ses clients sont les 100 plus grands groupes mondiaux de l'agroalimentaire.
Leurs outils reproduisent ce que font les goûteurs, les testeurs humains dans ce secteur.
Un outil pour assister, accélérer les tests
"Il n'est pas là pour remplacer, souligne Joël Mba Obame, ingénieur support technique Alpha Mos. Il est là pour assister, accélérer, booster et permettre de s'affranchir de la subjectivité humaine. Il vient numériser, digitaliser l'essence. On utilise des algorithmes d'analyses statistiques qui permettent de donner une empreinte olfactive numérique, c'est-à-dire des valeurs aux composés dans l'odeur."
"On ne remplace pas l'humain à l'aide de nos inventions, on le complète, assure Pierre Sbabo, directeur général Alpha Mos. On donne des capacités beaucoup plus fines et beaucoup plus grandes de tests à nos clients, mais l'humain reste au centre. C'est l'humain qui va décider de la recette pour cette boisson, pour ce yaourt, ce cookie. Par contre, la machine, l'intelligence artificielle permettra de répliquer les tests et d'aller beaucoup plus vite."
Un nez électronique va effectuer le travail de 10 à 12 goûteurs humains, 24 heures sur 24, sans tomber malade.
Entre 50 et 120.000 euros
Le procédé a intéressé la société Agrotec qui a investi entre 50 et 120.000 euros pour cette technologie, tout en conservant ses testeurs humains.
"Le nez électronique, il va avoir un intérêt pour nous de compléter de manière objective les résultats de nos testeurs sur la partie olfactive" explique Sylvène Brianceau, responsable recherche chez Agroctec.
Actuellement, Agrotec scrute la conservation du houblon. Congélé, sous forme de pellet ou laissé à l'air libre, les analyses de la plante seront ensuite transmises aux brasseurs.
"On a un résultat qui est très rapide, complète Sylvène Brianceau, qui demande très peu de préparation d'échantillons. Donc, pour nous, c'est quelque chose de très intéressant."
Un nez, une langue et un oeil électronique
L'intelligence artificielle, au service de l'agroalimentaire. Une technique séduisante, mais qui pourrait conduire à l'uniformisation des produits. Ce que rejette le patron d'Alpha Mos :
"Nos goûts changent beaucoup plus rapidement qu'avant. On veut des produits qui soient plus simples, des recettes durables, avec des nutriscores meilleurs. Et de l'autre côté, vous avez des chaînes d'approvisionnement perturbées d'autant plus depuis le Covid. Nos clients, ces grands industriels, sont obligés de s'adapter pour survivre. Il leur faut sortir très rapidement de nouveaux produits qui plaisent aux consommateurs et qu'ils puissent les tester. Ils ne peuvent y arriver maintenant qu'avec le soutien et l'augmentation de l'intelligence artificielle."
Et la société toulousaine ne s'est pas arrêtée là : une langue artificielle a pointé son nez au début des années 2000. Puis un œil 10 ans plus tard. L'aspect, le goût et l'odorat d'un produit n'échappent plus à l'intelligence artificielle de l'entreprise toulousaine.