Lourdes cherche sa voie pour compenser la baisse constante du nombre de pèlerins et de malades, son fondement même depuis la première apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous, dont le sanctuaire fête jeudi le 158e anniversaire.
Lourdes en déclin"Depuis des années, on disait: on a cinq millions de visiteurs, c'est extraordinaire! Lourdes ne s'est pas vu descendre, n'a pas réagi. Elle a gardé son image désuète", juge Josette Bourdeu, maire PRG de Lourdes depuis 2014.
Une note récente de la sous-préfecture, dont l'AFP a obtenu une copie, dresse un bilan sévère de la situation: entre 2009 et 2014, elle observe une "diminution concomitante" des arrivées (-24%), des nuitées (-23%) et du nombre d'établissements (-25%). Dans cette ville de 15.000 habitants, qui compte 220 magasins de souvenirs et 169 hôtels (avec 4.600 emplois saisonniers), les entreprises touristiques se portent "de plus en plus en plus mal". Résultat: chute du "chiffre d'affaires de 9% et (...) du résultat comptable de 61%", relève l'étude. Et de craindre à "l'horizon de trois ans" pour l'avenir de 60 hôtels, victimes notamment d'une "spirale déflationniste" avec un prix des nuitées "le plus bas de France". Déjà dix hôtels ont fermé en un an.
La crise économique en Espagne et en Italie
La baisse des pèlerinages à laquelle s'ajoute celle de la durée des séjours ont sans aucun doute à voir avec la crise économique, notamment en Espagne et Italie qui apportaient le plus fort contingent d'étrangers. Mais elles s'expliquent aussi par les comportements des touristes qui délaissent désormais souvent les groupes, au profit des voyages individuels plus axés sur la découverte que sur le religieux.
Concurrence cultuelle
Les difficultés de Lourdes sont également la conséquence de la nouvelle concurrence cultuelle. A Medjugorje (Bosnie-Herzégovine) en particulier, les apparitions de la Vierge attirent de plus en plus d'Italiens. "On a perdu la moitié de notre clientèle transalpine", calcule Pascale Fourticq, directrice de l'office de tourisme.
Au final, ces pertes altèrent toute l'économie de Lourdes. Jusqu'au sanctuaire, qui se finance avec les pèlerinages et réunit jeudi et vendredi un congrès pour aborder ce sujet.
Tourisme spirituel
Douzième cité touristique française, Lourdes veut réagir. Sans altérer le pèlerinage, qui doit rester son coeur de métier, la ville vise le "tourisme spirituel" qui peut apporter une clientèle plus aisée.
Cette montée en gamme, Benoît Casterot, président de l'Union des métiers de l'industrie hôtelière, en a fait le pari. Il a réalisé d'importants travaux pour que son établissement passe de trois à quatre étoiles.
"On avait une clientèle low-cost qui ne permettait plus de travailler", affirme M. Casterot. "Il faut suivre l'évolution des goûts de la clientèle", ajoute ce patron très touché par les inondations de 2013, qui admet que "la visite du Pape François" ferait beaucoup de bien à l'économie, comme en 2008 celle de Benoit XVI.
"On veut vendre Lourdes avec la région, les Pyrénées", complète Mme Fourticq qui aimerait faire de la ville une "référence européenne" du tourisme spirituel. Début octobre, Lourdes organise le premier salon sur ce thème avec des tour-opérateurs du monde entier. Les autres acteurs français du secteur (Mont-Saint-Michel, Lisieux, Chartres...) sont conviés.
La cité mariale se veut également plus accueillante. "L'idée est de faire sortir les gens du sanctuaire", souligne la maire. Le parcours de vie de Bernadette a été refait. Et avec le printemps, les jardins vont se parer aux couleurs du Jubilé de la Miséricorde (bleu, blanc, ocre et rouge).
Cependant, pour Mme Bourdeu, Lourdes doit placer le malade au coeur de ses priorités. Elle va entreprendre des travaux pour obtenir le label "destination pour tous" qui pourrait relancer fortement la fréquentation, selon les experts. Il s'agit de faciliter partout la circulation des handicapés en fauteuil, des invalides et des familles avec poussettes.
Mais la réforme n'est pas facile à faire accepter. L'été dernier, Mme Bourdeu avait été critiquée par les cafetiers et marchands du temple quand elle avait exigé qu'ils dégagent de l'espace sur les trottoirs. Or, dans sa note, l'État juge aussi que Lourdes "pâtit" d'une présence "excessive" des commerces religieux.