Avec de nombreuses naissances, la population des gypaètes semble bien se porter, en réalité ce n'est pas si simple

Dans le parc national des Pyrénées, 22 couples de gypaète font l'objet d'un suivi d'observation. Et cette année, la reproduction de l'espèce est plutôt bonne avec 17 pontes et 10 envols confirmés. De bon augure pour la survie de cet oiseau emblématique des montagnes, classé en danger ?

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C'est le plus grand rapace d'Europe. Espèce protégée, classée en danger, le gypaète barbu fait l'objet d'un important et soigneux suivi scientifique en France et en Espagne. Et le massif des Pyrénées est une zone de sauvegarde de l'oiseau. Vingt-deux couples de gypaètes sont généralement observés au sein du parc national, sachant que d'une année sur l'autre, ils peuvent aller nicher de l'autre côté de la frontière. Après les 17 pontes confirmées cet hiver, dix gypaètons ont pris leur envol. C'est plutôt une bonne nouvelle. Et surtout, pas gagné d'avance. Voici pourquoi.

"Priorité donnée à la survie de l'adulte"

La moyenne pour un couple de gypaètes, c'est de "mener un jeune à l'envol maximum tous les trois ans", selon Franck Reisdorffer, chargé de mission faune au Parc national des Pyrénées. Alors, ces dix envols observés après les dix-sept pontes comptabilisées début 2024, "ce n'est pas la meilleure année qu'on ait eue, on a quand même un taux d'échec qui n'est pas négligeable, mais ça reste ce qu'on va considérer comme une bonne année."

Chez les gypaètes, l'élevage d'un oisillon n'est pas gagné d'avance. Avec des causes d'échec naturelles liées au régime alimentaire de l'espèce. Surnommé le casseur d'os, le gypaète se nourrit uniquement d'os et de tendons. "C'est un oiseau complètement en bout de chaine, le dernier à passer sur les carcasses, et dont la ressource est limitée en quantité et qualité nutritive", rappelle le spécialiste du suivi des rapaces.

On est sur des espèces où la priorité, elle est donnée à la survie de l'adulte.

Franck Reisdorffer, chargé de missio faune au Parc naturel des Pyrénées

Une ponte de deux œufs est rare. Et quand bien même, il n'y aura jamais l'élevage de deux gypaétons car pour ses parents, il est très compliqué de trouver de quoi nourrir un petit et eux-mêmes.

"S'il y a un risque, il y a un manque de nourriture, s'il y a des contraintes météo, de la prédation, le gypaète préférera sacrifier le jeune pour mettre toutes les cartes de son côté pour une reproduction l'année prochaine", explique Franck Reisdorffer.

Typiquement, avec des hivers doux comme on a tendance à avoir ces dernières années, où il y a peu de mortalité naturelle des ongulés sauvages et donc peu de ressources alimentaires disponibles, eh bien, on peut avoir des taux d'échec un peu plus supérieurs à la moyenne.

Franck Reisdorffer

Quelle chance de survie après l'envol ?

Pas facile de répondre à cette question. C'est la limite de l'exercice, reconnaît le spécialiste., "dans la mesure où les os des gypaètes ne sont pas identifiables et qu'ils ne restent pas sur place." Ce que l'on sait, c'est qu'après l'envol, le jeune rapace va rester dans le secteur jusqu'au démarrage de la nouvelle saison de reproduction qui intervient au mois de novembre. "À ce moment-là, les parents vont l'éjecter du territoire".

Il va très souvent partir côté espagnol, y passer 3, 4, 5 ans. Et ensuite, il reviendra côté français, plutôt dans la zone où il est né, mais pas forcément sur le même territoire.

Une fois devenu mature, le gypaète va donc chercher une zone où s'installer et former un couple. Avec un autre jeune ou en prenant la place d'un oiseau décédé dans un couple existant. Il peut aussi partir sur un autre massif.

Et les observateurs de l'espèce misent beaucoup sur la génétique et la récolte d'ADN environnemental pour obtenir des informations sur la survie d'un individu. "C'est comme ça qu'on a fait un suivi génétique sur un couple qui avait émigré et s'était reproduit dans les Alpes", nous confie le chargé de mission faune au Parc naturel des Pyrénées. Et l'oiseau peut parcourir d'énormes distances. La piste d'oiseaux réintroduits dans les Alpes ou le Massif central a ainsi été retrouvée jusqu'en Hollande.

Ne pas déranger

Le gypaète est relativement placide. Peu agressif. "Ce n'est pas comme un aigle. Il n'a pas de force dans les pattes. Il n'est donc pas très armé pour être agressif." Des morts après combat entre oiseaux, cela arrive, mais en cas d'attaque ou de "dérangement", le rapace est plutôt du style à prendre la fuite, mettant ainsi en danger son gypaéton.

Pour les spécialistes, la lutte contre les causes de ce dérangement est une importante piste de travail pour la protection de l'espèce. "Cela peut être dû aux activités de loisirs, aux activités professionnelles, notamment tout ce qui est héliportage", précise Franck Reisdorffer.

Considéré comme diabolique, l'oiseau du diable qui pouvait emporter enfants et agneaux, le gypaète a été quasiment exterminé de pas mal d'endroits, dont les Pyrénées, rappelle le chargé de mission. Aujourd'hui, l'espèce reste particulièrement sensible et à fort enjeu. D'où les moyens de suivi engagés pour mieux connaître les causes d'échec de reproduction et favoriser l'augmentation du nombre de cet oiseau emblématique de nos montagnes.

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