Des agriculteurs irriguants appellent au rassemblement mercredi 22 mai 2024 à Tarbes (Hautes-Pyrénées). Ils sont en conflit avec l'institution départementale Adour et la Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne (CACG) qu'ils estiment être à l'origine d'une augmentation du prix de l'eau de 300%.
L'association des irriguants de l'Arros et de l'Esteous appelle à un regroupement ce mercredi 22 mai 2024 pour protester contre l'augmentation du prix de l'eau. D'après les organisateurs, plus d'une centaine d'agriculteurs devraient être présents en début de matinée devant la CACG, chemin de Lalette à Tarbes, dès 9 heures.
"On met en cause l'augmentation de la redevance à l'hectare du prélèvement de l'eau, explique Laurent Theye, adhérent de l'association et cultivateur de soja, maïs, colza bio à Ladevèze. Elle avoisine les 300%. Ça fait un moment que ça bout. Aujourd'hui, on est obligé de faire une action, une grosse action".
300% d'augmentation ?
Les protestataires pensent être rejoints par les agriculteurs irriguant d'autres secteurs des Hautes-Pyrénées aux Pyrénées-Atlantiques. Tous estiment, d'après lui, subir des augmentations tarifaires impressionnantes. "Ils veulent se rallier à nous parce qu'ils ne peuvent plus payer" affirme Laurent Theye.
Il y a des agriculteurs qui rendent même leur droit d'eau, ils ne veulent plus arroser. Ça leur coûte trop cher. Ils ne s'y retrouvent plus, ils n'ont pas le potentiel sur leur exploitation. La charge est trop importante".
"Nos redevances vont tripler, confirme Lionel Dupont, le président de l'association, lui-même producteur de pommes et éleveur de bovins viande à Clarac dans les Hautes-Pyrénées. On passe d'un forfait qui est, pour la majorité d'entre nous, à 36 euros de l'hectare à potentiellement 96. Je dis potentiellement, car une année où un agriculteur n'arrosera pas, il aura au minimum une part fixe qui sera de 66 euros par hectare".
Les agriculteurs qui prélèvent de l'eau sur les cours de l'Arros et de l'Esteous sont tenus de signer ces nouveaux contrats. Beaucoup refusent et l'association les y encourage. Sur les 8.000 hectares que possèdent ses membres, 6.500 seraient en suspens, les contrats n'ayant pas été signés. C'est le moyen de pression qu'ont trouvé les protestataires pour se faire entendre des institutions.
Un contrat très avantageux
"On a fait plein de réunions, plein d'entrevues avec les uns, avec les autres. On n'est pas entendu", poursuit Lionel Dupont qui ne veut pas se résigner tout comme les 150 membres de l'association. "On veut ramener l'eau auprès de tout le monde" plaide-t-il.
L'Institution Adour, elle, dément le fait que le prix soit multiplié par trois. Elle explique en outre qu'il s'agit d'une tarification unifiée à laquelle tous les agriculteurs du bassin sont soumis. Ceux qui manifestent bénéficiaient jusque-là d'un tarif très avantageux.
"On ne peut pas supporter ces argumentations, réagit Didier Portelli, directeur de l'institution Adour. On n'augmente pas de 300% du jour au lendemain. Ensuite, les autres irriguants du bassin paient déjà ça depuis longtemps. Les agriculteurs de l'Arros avaient une situation particulièrement avantageuse. Ils n'ont pas eu d'augmentation durant 30 ans. C'était un contrat avec un prestataire qui était favorable aux irriguants".
Lissage sur 5 ans
Or ce contrat vient de prendre fin. Et l'ouvrage qui permet la sécurisation de l'étiage via le lac de l'Arrêt-Darré, a vieilli. Il a des coûts d'entretien inhérents à cet âge et aux normes d'aujourd'hui en termes de sécurité et de surveillance des ouvrages, explique encore Didier Portelli. "Les élus ont anticipé le fait que ça ferait pour eux une augmentation importante et l'ont lissée sur 5 ans".
Pour le directeur de l'établissement public territorial du bassin, l'Institution Adour, cette augmentation est d'autant plus légitime qu'elle reflète le vrai coût du service. "Tous les frais d'investissement sont payés, assumés depuis la création de tous ces ouvrages, les premiers, fin des années 80, et encore aujourd'hui, tout est financé par nos départements membres. Donc, ce qui est demandé aux irriguants, ce n'est que le prix coûtant. Aucun frais d'investissement. Ce qui est demandé, c'est le prix de l'eau stockée. Et c'est ce qu'assume l'ensemble des irriguants sur le bassin depuis très longtemps".
"Personne ne s'enrichit"
Personne ne s'enrichit, conclut-il en reconnaissant volontiers que le contrat atypique sur l'Arros prend fin dans la douleur. Mais que ce changement puisse condamner des exploitations, comme le laissent entendre les protestataires, Didier Portelli en doute. "Tous les autres vivent avec ces tarifs-là, et demandent à avoir des contrats d'eau. S'ils pouvaient en avoir davantage, ils prendraient".
Il s'étonne en outre que les agriculteurs demandent davantage de stockage d'eau. "Quand ils disent : il faut créer du stockage ou il faut rehausser l'ouvrage pour qu'on en ait plus, qu'on soit plus sécurisés, on répond : si vous nous expliquez que vous ne pouvez pas vivre et payer ce qui existe déjà, comment voulez-vous, demain, après-demain, prétendre avoir davantage de stockage ?".
Ce mercredi matin, les agriculteurs comptent faire brûler leurs contrats devant la CACG. Celle-ci n'a pas donné suite à notre demande d'interview, car elle agit en tant que prestataire pour l'Institution Adour.
Les protestataires ne veulent pas parler d'une manifestation. Ils souhaitent se rassembler pacifiquement et devraient venir sans leurs tracteurs. Leur objectif : la création d'une table ronde pour obtenir une moindre augmentation des tarifs de l'eau prélevée.