Pyrénées : les opposants au projet de scierie industrielle à Lannemezan dénoncent une menace sur la ressource forestière

Développé par le groupe italien Florian, le projet de scierie industrielle qui devrait voir le jour à Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées inquiète les élus et les associations de défense de l’environnement qui craignent les conséquences d’une telle activité sur la ressource forestière.
 

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A Lannemezan, rien ne va plus entre les défenseurs du projet de scierie industrielle et les opposants qui dénoncent un non-sens écologique et économique. Associations, élus et syndicats ont créé le collectif « Touche pas à ma forêt » pour s’opposer à l’importante menace d’un tel projet sur l’environnement, la biodiversité et l’écosystème des entreprises locales.

Dans le viseur du collectif, le groupe italien Florian qui projette la création sur la commune d’une scierie industrielle XXL capable de débiter 50.000 M3 de bois de hêtre chaque année, ce qui représente un prélèvement forestier de 250.000 M3 dans les hêtraies, l’équivalent en surface de 1200 terrains de football. Le collectif « Touche pas à ma forêt » s’est donné pour objectif de s’opposer à ce projet surdimensionné au regard de la ressource forestière pyrénéenne.

Le collectif a été créé pour arrêter immédiatement les coupes de notre forêt parfaitement injustifiées et dénaturant avec brutalité notre environnement

Communiqué du collectif "Touche pas à ma forêt"

 

Désastre écologique

Dans son projet, le groupe Florian envisage de produire annuellement 50.000 M3 de bois d’œuvre de hêtre de haute qualité pendant 15 ans, soit quasiment le double de ce qui est récolté dans toute la région Occitanie s’insurgent les opposants au projet. Pour Olivier Clément, secrétaire départemental Europe Écologie Les Verts Hautes-Pyrénées et élu à Hèches, la scierie bois d’œuvre hêtre a un dimensionnement incompatible avec ce que la forêt peut nous offrir sans risquer d’être dégradée. Prélever 200 à 250.000 M3 par an n’est pas raisonnable. Cela pourra peut-être se faire durant 3, 4 ou 5 ans mais au-delà, c’est impensable sans dégrader la forêt dans sa qualité et sa diversité. Sans compter que pour certains arbres inaccessibles, il faudra pour les atteindre créer de nouvelles routes ou de nouveaux sentiers forestiers et donc, là encore détruire une partie de la ressource.

Selon le collectif, le transport du bois produit par Florian aurait également un impact néfaste sur l’environnement puisqu’il entrainerait la mise en circulation de 5 000 camions grumiers supplémentaires sur les routes de la vallée.

Conscients de l’importance de la filière dans l’économie régionale, le collectif se dit donc favorable à la transformation du bois issu des forêts pyrénéennes à la seule condition de le faire dans le respect des équilibres permettant la préservation et le renouvellement des hêtraies. Or, selon lui, l’ampleur du projet présenté par Florian ne respecterait pas ces équilibres. Pour les associations, l’industriel cherchera en priorité à couper les arbres de gros diamètre. Or, le respect des forêts exige de prélever de façon équilibrée, gros, moyen et petit bois.

Reprise du titre d'un film culte pour alerter les internautes, sur la page Facebook du collectif "Touche pas à ma forêt"

Désastre social

Dans son manifeste, le collectif dénonce les dangers d’une scierie industrielle qui mettrait en péril le tissu économique local lié à la filière bois. En effet, une scierie XXL créerait, à coup sûr, une situation de monopole, qui entrainerait inévitablement la faillite de toutes les scieries locales. Plusieurs élus se sont insurgés contre ce projet jugé flou et irrespectueux des règles. Selon eux, le groupe Florian, avec sa scierie industrielle, provoquera le pillage méthodique des hêtraies de toutes les Pyrénées et du sud Massif central et fragilisera le tissu économique local.

L’industrie régionale du bois est en difficulté. Il est impératif pour la relever d’y associer tous les acteurs et non pas de laisser un géant comme Florian prendre une place prépondérante qui fragiliserait encore plus les petites entreprises du secteur au risque de les faire disparaître

Olivier Clément Bollée, secrétaire départemental Europe Écologie Les Verts Hautes-Pyrénées

Désastre économique

Pour installer sa scierie, le groupe Florian devra investir 11 millions d’euro, dont une partie devrait être financée par l’État, la Région Occitanie et la communauté de communes du plateau de Lannemezan.  Un gaspillage d’argent public dénoncent certains élus qui avancent une participation des collectivités avoisinant 50 à 60% de l’investissement total.

« Il s’agit d’un très gros investissement public de la Communauté de Communes du Plateau de Lannemezan (CCPL) et de la Région, au bénéfice d’une entreprise privée, pour créer uniquement 20 à 25 emplois » s’insurge Olivier Clément -Bollée, d’autant que, « vu la façon dont est envisagé le projet, on peut craindre que l’industriel ne s’en aille au bout de 5 à 6 ans avec ses machines quand il s’apercevra que la forêt ne fournit pas assez de volumes. L’investissement serait donc à fonds perdu avec en plus une dégradation de la forêt »

Aucun engagement pris

Affirmer que la communauté de communes apporterait son concours financier à l’installation du groupe Florian sur la commune de Lannemezan relève de la spéculation selon un membre de la CCPL qui préfère rester anonyme. Il affirme que ce projet est un projet privé pour lequel la communauté de communes n’a pour l’heure pas été sollicité par le porteur de projet. « Nous ignorons tout de ce projet pour lequel personne ne nous a saisi officiellement et il n’y a pas de ligne budgétaire faisant état d’une quelconque subvention au groupe Florian dans notre budget de l’année 2020 » précise-t-il.

En revanche, la communauté de communes affirme s’être engagée dans la signature d’une charte visant à mettre en œuvre une politique de meilleure gestion de la ressource bois sur le bassin.

Un projet murement réfléchi

Pour le maire de Lannemezan, défenseur du projet, la future « unité de valorisation de la ressource locale », terme qu’il préfère à celui de scierie, trop réducteur, permettra une meilleure gestion forestière, et entrainera la création de 120 à 130 emplois sur le plateau.

Sans compter que les parties moins nobles des arbres abattus pourront être valorisées pour servir de bois de chauffage ou transformées en pâte à papier.

Enfin, ajoute Bernard Plano, « l’opérateur paiera un loyer et achètera le bois. Ce qui représente un revenu pour la collectivité de 4 à 5 millions par an »

Ce n’est pas quelque chose qui s’est fait au « doigt mouillé » dit-il. Derrière ce projet, il y a un travail de plusieurs années et nos projections sont étayées par des études réalisées par l’IGN, la DRAF, l’ONF et la COFOR. Des études qui permettent d’affirmer que le massif pyrénéen offre une ressource suffisante pour fournir 50.000 M3 de hêtre en bois d’œuvre à la future structure.

Avant la tempête de 1999, nous prélevions 110.000 M3. Aujourd’hui, nous en sommes à 25.000 M2. Or, depuis, la forêt s’est reconstituée et nous offre un potentiel de 42 millions de M3.

Bernard Plano – Maire de LANNEMEZAN

Plusieurs associations dont France Nature Environnement, Nature en Occitanie et SOS Forêts Pyrénées, remettent en cause les conclusions des études présentées par le maire de Lannemezan. Études qui, disent ces associations, sont "basées sur la statistique", contrairement à celles présentées par le Collectif "qui prennent en compte la réalité du terrain et les données fournies par les personnes qui y travaillent"

Le collectif « Touche pas à ma forêt » a lancé une pétition pour s’opposer à l’implantation de Florian sur le massif pyrénéen. Une campagne d’affichage est également menée pour sensibiliser sur ce sujet et une marche est prévue à l’automne.

Par ailleurs, plusieurs recours déposés en début d'année et suspendus durant la période de confinement devraient être prochainement étudiés par les instances saisies.

La date potentielle de début des travaux de la scierie Florian n’est pas encore annoncée. L’année 2020 doit servir à étudier la faisabilité du projet.

Les membres du collectif « Touche pas à ma forêt »
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