Témoignage. "Être autonome, vivre tout seul avec son sac à dos" : la randonnée solo séduit les jeunes femmes dans les Pyrénées

Publié le Écrit par Christine Ravier

Laurie Scheveiler a 25 ans, elle avait pour projet de randonner seule dans les Pyrénées et a profité de quelques jours mi-août pour se lancer. Une belle aventure... à plus d'un titre et les cimes ne sont pas, en fait, les obstacles attendus.

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Laurie Scheveiler est consultante à Paris. Elle caresse depuis un certain temps le rêve de faire une randonnée en itinérance dans les Pyrénées, seule. Un massif qu'elle souhaitait découvrir car elle avoue ne pas le connaître tant que ça, bien qu'elle soit originaire de Bayonne.

"Ça faisait un moment que je faisais de la rando et du bivouac avec des amis que j'aime beaucoup. Mais j'avais envie d'essayer toute seule, d'être autonome, d'être indépendante et de voir si j'allais aimer ou pas, explique la jeune femme de 25 ans. L'idée, c'était d'être libre et de ne pas attendre d'être avec des gens pour faire ce que j'ai envie de faire".

"On finit toujours par improviser"

Laurie se déplace en train et en bus. La sélection des sites a commencé par ce critère. "J'ai cherché dans les coins accessibles en transport. Et donc, j'ai trouvé très classiquement les portions de GR10 entre Cauterets et Luz-Saint-Sauveur. De là, j'ai essayé d'adapter avec ce que j'avais envie
de voir et les coins qui me plaisaient, notamment la brèche de Roland ou Gavarnie qui ne sont pas exactement sur le GR mais où il est possible de faire des petits crochets".

La voilà partie avec une feuille de route détaillée : jour 1, jour 2, jour 3... Au total 4 jours d'excursion itinérante avec tente, matelas et une partie des vivres sur le dos. "Je suis un peu une maniaque de l'organisation, sauf qu'en fait, ça ne se passe pas toujours comme prévu et qu'on finit toujours par improviser".

Laurie a renoncé à l'une des destinations programmées. "J'ai pris un itinéraire sur une sorte de chemin qui n'existait pas au final, un chemin qui était censé relier le refuge de Bayssellance et celui de Sarradets (le refuge de la Brèche de Roland). Et je me suis rendu compte que ce n'était pas trop possible et que ce n'était pas très raisonnable de passer par là, par ce sentier, pas très "safe".

Bivouac près des refuges

Ces changements font partie de l'expérience pour la jeune femme. "Je trouve que c'est intéressant d'essayer d'améliorer ma capacité d'adaptation parce que j'aime bien tout organiser et tout prévoir. Sauf qu'en montagne, c'est bien d'avoir des plans A, B, d'être renseigné, de savoir où on va. Mais quand on discute avec des gens, parfois, il y a des plans qui changent ou on se rend compte que les sentiers ne sont pas forcément super accessibles. Donc, c'est bien de rester ouvert, de ne pas se focaliser sur une idée en particulier".

Laurie plante sa tente à proximité des refuges parce que dans le Parc National des Pyrénées, on ne peut pas bivouaquer n'importe où d'une part mais aussi pour d'autres raisons. "J'ai ma tente, j'ai ma popote, j'ai "mon manger" en général. Ça me permet d'avoir de l'eau pour cuisiner et de me sentir peut-être un peu moins seule si jamais j'ai un coup d'angoisse, de pouvoir échanger avec quelqu'un d'autre, avec des gens qui sont au refuge ou qui dorment en tente. Mais j'ai tout mon matériel et je suis autonome".

Au 3ème jour, Laurie s'offre un repas au refuge des Sarradets. Au menu, omelette, salade et gâteau au chocolat maison. Une pause appréciée après l'ascension jusqu'à la Brèche de Roland. Elle est ravie. "J'appréhendais de marcher toute seule toute la journée, de m'ennuyer un peu. Mais en fait, ça va. Il y a toujours de quoi réfléchir, quelque chose sur quoi se concentrer. Et j'ai besoin de ces moments de solitude. A contrario, ça fait toujours plaisir de discuter avec des gens ou de faire des rencontres par hasard. J'ai parfois du mal à enclencher la première discussion. Mais si ce n'est pas moi qui le fais, après je suis assez bavarde. Donc, ça "blablate" tranquillement". 

La peur des proches

"J'ai discuté avec des gens très sympas. C'est l'occasion de faire des rencontres, de partager. C'est ce qui est sympa, en montagne, c'est très simple. Tout le monde se tutoie. Il n'y a pas de barrière sociale. Tout le monde est curieux de savoir ce que fait l'un, fait l'autre. Et puis, c'est assez naturel. Il n'y a pas de chichi".

Laurie enchaîne à son rythme, sans pression, les cols et apprécie la vue du Vignemale, le point de vue sur l'Espagne à hauteur de la Brèche de Roland à 2804m, le cirque de Gavarnie. Malgré le poids du sac, elle est à l'aise. L'obstacle, elle l'a finalement plus rencontré dans le regard qu'ont porté ses proches sur son initiative.

"Comme je suis une fille ou que je suis un peu jeune, c'est plutôt l'entourage, que ce soient les amis ou la famille qui ne sont pas contents. C'est une sorte de carcan social où l'on se dit : non, la femme elle n'est pas capable de faire les mêmes choses que les hommes, seule en plus. Ça soulève beaucoup
d'inquiétudes, enfin pour mon entourage. Je l'ai ressenti vivement. C'est dommage parce que je pense qu'on est déjà suffisamment à se mettre des barrières soi-même. C'est difficile de faire ce pas de côté pour sortir de ces barrières et faire ce qu'on a envie de faire".

Mais ces barrières se sont vite estompées. Une fois dans le train, les bus, Laurie dit n'avoir ressenti que du plaisir.

"Je n'avais aucun problème, je ne me suis pas sentie du tout en galère. Je n'ai pas senti non plus de regard déplacé comme quoi j'aurais été plus en galère que quelqu'un d'autre. C'est cool ! Je pense que c'est important de montrer qu'on peut faire des choses, qu'on soit un homme et une femme seul aussi et que si on est bien préparé, si on fait les choses intelligemment, il n'y a pas de raison que ça se passe mal".

Laurie estime avoir beaucoup appris en faisant de la rando en itinérance avec des amis. Elle reconnaît que seul, ll faut penser à tout, on ne peut pas se décharger sur les autres pour la nourriture, l'itinéraire, etc. Mais elle trouve l'expérience très accessible pour ces quelques jours. "Je me rends compte des petites erreurs qui ne sont pas très importantes... Des choses sont perfectibles pour les prochaines fois ou des nouvelles façons de faire".

C'est important d'apprendre aussi par soi-même, je pense.

Laurie Scheveiler

Quand on lui demande ce qu'elle apprend justement de ce périple en solitaire, la jeune femme répond : "sur la programmation, sur comment tracer un itinéraire, réfléchir plus concrètement, mieux vérifier les cartes. Je vois qu'il faut que j'apprenne un peu mieux comment utiliser des cartes topographiques, avec les sentiers et tout ça. Prendre plus le temps de bien réfléchir et pas foncer tête baissée parce que j'ai un peu de tendance à faire ça parfois. J'ai quand même tout mon matériel même si je n'ai pas pris de crème solaire, je suis en train de devenir une merguez ! Ou même une trousse de secours. En général, moi, je ne la prends pas, il y a toujours quelqu'un qui l'a, mais là, je pars toute seule, je n'ai pas pris de trousse de secours. Ne serait-ce que des pansements !" dit-elle avant de marmonner dans un sourire.

Seule et autonome

"Mais sinon, je trouve que globalement, je n'étais pas trop mal préparée. J'ai de la documentation, j'avais mes itinéraires sur différents endroits. Et je vois que je suis capable d'être autonome et d'improviser avec des sentiers que je ne connais pas forcément. Ne pas hésiter à demander aux gens, des locaux souvent qui connaissent mieux... ça, j'ai un peu du mal à le faire".

Laurie compte réitérer l'expérience. Pas tout le temps car elle aime partager avec des amis et s'apprête à partir dans le Mercantour avec des proches pour finir les vacances. La jeune femme a déjà l'habitude de voyager seule à l'étranger, mais pas en trek. L'idée est en train de germer. Les Dolomites ? Pourquoi pas ? "Je crois que ma mère, elle ne va pas être contente. Mais je pense que je le referai. C'est un bon moyen de prendre confiance en soi quand la confiance n'est pas très, très élevée déjà. Et même sur l'estime de soi, de se rendre compte de façon concrète de ce qu'on est capable de faire tout seul. Parce que marcher, c'est facile, mais marcher, se diriger, c'est autre chose. Être autonome, vivre tout seul avec son sac à dos, ce n'est pas pareil".

"Du coup, je suis contente et c'est une petite fierté quand même ! Dans ma famille, ils me prennent pour une folle, mais ce n'est pas grave. Ma grand-mère dit "mais d'où on la sort celle-là". Ma famille, ce n'est pas trop son délire. Mais quand je parle avec des personnes d'autres milieux, ça leur paraît normal. Ce sont des visions différentes...".

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