Imane Khelif, boxeuse algérienne de 25 ans, est victime, depuis sa victoire contre l'Italienne Angela Carini aux Jeux Olympiques, de harcèlement sur son genre. L'athlète s'est entraînée plusieurs mois à Tarbes (Hautes-Pyrénées), son ancien entraîneur s'indigne de la controverse. On décrypte les allégations qui visent la boxeuse.
Imane Khelif, la multimédaillée de la boxe algérienne, souffre depuis quelques jours d'une polémique concernant sa féminité. Pour les huitièmes de finale, la boxeuse est opposée à l'Italienne Angela Carini, chez les moins de 66 kilos. Après seulement 46 secondes de combat, l'italienne reçoit un direct au visage. Elle enlève son casque, hurle à l'injustice, s'écroule et fond en larmes. Imane Khelif est déclarée vainqueur. Depuis le combat, l'athlète est victime d'un déferlement de haine sur les réseaux sociaux. Plusieurs fausses informations ou allégations. On fait le point.
Imane Khelif est un homme ? Faux
Karim Aiouaz a entraîné la boxeuse, au club Poing D'1 Pacte de Tarbes, pendant plusieurs mois jusqu'en mai dernier. Pour lui, la polémique n'a pas lieu d'exister. "Imane, c'est une femme qui travaille énormément. Elle vient d'une famille modeste. La vie l'a entraîné avant que le sport ne le fasse. C'est une athlète qui est excellente, avec une grande technicité, mais qui a surtout de grandes prédispositions mentales."
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Selon le coach, les différences d'Imane Khelif dues à l'hyperandrogénie ne peuvent changer son genre, elle est une femme et il n'y a pas de questions à se poser. "Il ne devrait pas y avoir de débat. Le Comité International Olympique s'est exprimé. C'est une femme. C'est vraiment horrible de devoir se justifier sur cela. C'est très violent. Mais dans ce cas-là, pourquoi les basketteurs de plus de 2 mètres ne sont pas l'objet de discrimination ? Pourtant, ils sont avantagés du fait de leur physique. Certes, pour Imane, le facteur inné est là, mais elle dispose surtout d'une grande intelligence sur le ring et d'une technicité incroyable."
Lors des Mondiaux de boxe en Inde l'année dernière, l'athlète avait été exclue de la compétition alors qu'elle était arrivée en finale. Selon la Fédération Internationale de Boxe, elle aurait échoué à des tests médicaux, sans préciser la nature. Imane Khelif et son équipe se sont ensuite rendues chez de nombreux spécialistes et endocrinologues pour assurer que la boxeuse est belle est bien une femme. Des examens sérieux pour le Comité International Olympique (CIO). "Imane Khelif est née femme, enregistrée comme femme, vit sa vie en tant que femme et boxe en tant que femme" a annoncé Mark Adams, porte-parole du CIO.
Mark Adams of the IOC says the Games organisers are 'open to listen to anyone with a solution' to the gender eligibility issue which is dividing opinion at the Olympics and in sport generally.https://t.co/w07wYiM891 pic.twitter.com/umwB52bHtW
— Sky News (@SkyNews) August 2, 2024
Un taux plus élevé d'androgènes ? Vrai
L'hyperandrogénie est l'une des causes d'un syndrome bien connu chez les femmes, le SPOK. Le syndrome des ovaires polykystiques est une affection hormonale courante, qui touche environ 8 à 13% des femmes en âge de procréer. Mais 70% des cas ne sont pas diagnostiqués.
Toutes les femmes produisent de la testostérone, en quantité moins élevée que chez l'homme, mais ces taux peuvent grandement varier d'une femme à une autre
Dr Céline MoulyDocteure en endocrinologie
"Le syndrome des ovaires polykystiques touche un grand nombre de femmes, dans tous les pays. En Europe, c'est un syndrome qui est très commun. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que toutes les femmes produisent de la testostérone, en quantité moins élevée que chez l'homme, mais ces taux peuvent grandement varier d'une femme à une autre " explique la docteure Céline Mouly, endocrinologue à l'hôpital Larrey, du CHU de Toulouse. Le SPOK, provoque des déséquilibres hormonaux, des règles irrégulières, mais aussi des taux excessifs d'androgènes et donc de testostérone.
Dans le sport, de nombreuses femmes ont fait l'objet de discriminations dues à un taux de testostérones élevé, un manque de féminité ou des remarques sur leur apparence "trop musclée" selon certains. On peut citer le cas, par exemple, d'Amélie Mauresmo, caricaturée comme Body Buildeuse à la voix masculine par les Guignols de l'Info, alors que l'athlète venait d'effectuer son coming out.
d'ailleurs c'est drôle comme cette caricature de femme trans sportive me fait penser à celle de Amélie Mauresmo dans les guignols de l'info (en 1999) pic.twitter.com/DVTsEdvtRN
— Edwess (@liliat_) March 11, 2023
Mais aussi Caster Semenya, privée de compétition d'athlétisme pendant onze mois, juste après sa participation aux Mondiaux 2009 de Berlin.
- À lire aussi : Caster Semenya se pose en porte-parole des athlètes hyperandrogènes devant la Cour européenne des droits de l’homme
Si le syndrome est courant chez les femmes, les études et données dont le monde médical dispose restent limitées. "Il est prouvé selon certaines études que cette hausse des taux de testostérone puisse apporter un petit avantage, comme sur les capacités respiratoires ou autre. Mais en réalité, il y a très peu de données fiables. On ne connaît pas vraiment l'impact, et l'on ne peut que supposer" indique la docteure en endocrinologie.
Lin Yu-Ting, boxeuse taïwanaise, est aussi au cœur d'une polémique autour du genre lors de ces Jeux olympiques. La boxeuse est qualifiée pour les demi-finales en moins de 57 kg.
L'utilisation d'une "coquille" preuve de son genre ? Faux
Sur les réseaux sociaux, des photos d'Imane Khelif lors de son passage à Tarbes font parler. On voit la boxeuse sur le ring, avec un équipement appelé "coquille".
La boxeuse algérienne #ImaneKhelif porte une coquille de protection testiculaire à l'entraînement, étonnant pour une femme non ?
— L'Oise au Rouge (@au_oise) August 4, 2024
Le sport féminin n'est pas une affaire de #genre mais de #sexe.https://t.co/IUtszakpis pic.twitter.com/3qCdjQhznd
Cet équipement de boxe, unisexe, sert à protéger les parties sensibles de l'anatomie, chez les hommes, comme chez les femmes. Karim Aiouaz, son ancien coach, explique : "C'est un équipement qui permet de la protéger de certains coups. Ces propos ne sont pas valables. C'est comme lorsque, dans le temps, on affirmait qu'une femme qui porte un pantalon n'est pas une femme, car elle ne doit porter que des jupes. Ce n'est pas le matériel, ni l'équipement qui fait la femme qu'elle est."
Malgré le déferlement de haine et les fausses rumeurs, Imane Khelif garde la tête froide. La boxeuse doit combattre ce mardi 6 août à 22h34 sa demi-finale contre Janjaem Suwannapheng, boxeuse thaïlandaise.