Presque deux ans après les faits, le patron-pêcheur du Romain-Luca sera jugé devant le tribunal correctionnel de Béziers ce lundi 28 novembre. Le naufrage a coûté la vie à deux matelots, deux frères. L'enquête a révélé de nombreux manquements de la part du capitaine.
Le 30 novembre 2020 peu après minuit, le Romain-Luca lance un appel de détresse avant de faire naufrage au large d'Agde. Ses deux matelots, deux frères de 23 et 33 ans, sont portés disparus. Le capitaine et propriétaire du bateau est retrouvé vers 2 heures du matin, par la SNSM, en état d'hypothermie, après un long séjour dans une eau à 15 degrés.
La SNSM, des pêcheurs locaux, la gendarmerie maritime et un chasseur de mines venu exprès de Toulon poursuivent les recherches toute la nuit. A 10h30, la préfecture maritime y met un terme.
Les corps des matelots retrouvés dans l'épave
De nouveaux moyens sont déployés pendant plusieurs jours pour retrouver le bateau et les jeunes marins. L'épave sera finalement localisée à 12 miles des côtes et 58 mètres de profondeur. Les corps des deux matelots sont retrouvés le 3 décembre.
A l'issue de plusieurs mois d'enquête et d'expertises, menées par la gendarmerie de la brigade de surveillance du littoral de Port la Nouvelle et la brigade de recherche de la compagnie de gendarmerie maritime de Marseille, le propriétaire et capitaine du navire est mis en examen le 30 juin 2022. Le sexagénaire, domicilié à Agde et pêcheur expérimenté, est poursuivi pour homicide involontaire, exécution de travail dissimulé et escroquerie.
Homicides involontaires et travail dissimulé
Selon le parquet de Béziers, les investigations et expertises judiciaires intégrant également les analyses techniques du BEA mer ont permis d'établir plusieurs éléments, mettant en cause le capitaine du bateau.
Les deux frères marins-pêcheurs sont décédés par noyade. L’épave du Romain-Luca a été retrouvée à 8,7 milles au large d'Agde après avoir déclenché pour la première fois sa balise de détresse à dix milles, alors que ce navire ne devait pas réglementairement dépasser les cinq milles.
Le permis de navigation n'autorisait que deux personnes à bord.
L'un des deux frères marins-pêcheurs décédés travaillait illégalement à bord sans être déclaré, ni même titulaire d’aucun brevet professionnel. Les deux matelots n'ont reçu aucune formation à la sécurité à bord, pourtant obligatoire. Ils ne portaient pas non plus leurs vêtements de flottabilité intégré (VFI), obligatoires également lors du travail de nuit. Le bateau ne disposait pas de radeau de sauvetage utilisable.
Circonstances aggravantes : le sexagénaire avait déjà été verbalisé pour les mêmes raisons par la gendarmerie maritime quelques mois plus tôt, en janvier 2020. Et était donc sous le coup d'une enquête administrative.
Il encourt cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende pour homicides involontaires, trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende pour travail dissimulé.
Il est également reproché au capitaine d'avoir fait une fausse déclaration à son assurance, déclarant que son navire avait bien sombré dans la zone des cinq miles. Pour cette escroquerie, il est passible de cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende.
Des accusations contestées par le prévenu
Le capitaine du navire conteste avoir commis l'escroquerie en affirmant qu'il aurait tout de même été indemnisé même s'il avait déclaré que le naufrage avait eu lieu au-delà des cinq milles.
Il conteste également plusieurs des fautes retenues par le parquet comme ayant causé les homicides involontaires, en affirmant notamment qu'il n'avait pas eu le temps d'utiliser les équipements de secours (gilets et radeau de sauvetage) en raison de la gite trop importante du navire et qu'il avait ensuite tout tenté pour porter assistance à ses deux jeunes marins-pêcheurs, en vain.
Dans l'attente de la décision du tribunal en vue d'une éventuelle confiscation, 105 580 € ont été saisis à la demande du parquet et sur autorisation du juge des libertés de la détention : 80 000 € sur le plan épargne logement du capitaine du navire et 25 580 € retrouvés en espèces dans un coffre lors de la perquisition à son domicile effectuée par les gendarmes le 18 février 2021.