Magali Sire vit et travaille à Puisserguier dans l’Hérault. L’artiste démarre une nouvelle série de tableaux consacrée à des personnages de la mythologie grecque. Elle choisit Pandore, Médée et Éris, des femmes, dont les récits transmis jusqu’à aujourd’hui révèlent un point de vue phallocrate.
Dans son atelier baigné de lumière, la peintre Magali Sire travaille sur une nouvelle série de tableaux évoquant les grands mythes féminins de la Grèce antique et leur récit machiste. Elle fait le choix de trois personnages : Pandore, Éris et Médée.
Les femmes dans la mythologie grecque
Pandore "ornée de tous les dons" ouvre une boîte et devient responsable de tous les malheurs du monde. Elle incarne le féminin dans tout ce qu'il a de périlleux pour l'homme.
Éris lance au milieu des convives une pomme d'or sur laquelle est inscrite "Pour la plus belle" devenant l'initiatrice de la pomme de la discorde. Éris sème le trouble partout où elle passe.
Enfin, Médée, magicienne, trahit son père en aidant Jason à s'emparer de la toison d'or puis elle tue ses propres enfants quand ce dernier la quitte. Elle représente l'archétype de la féminité monstrueuse et puissante par ses dons et son intelligence.
Ce qui est frappant dans la mythologie grecque, c’est de constater à quel point la femme est caricaturée selon une vision masculine.
Magali Sire
Les mythes de la femme fatale
La publication du collectif de chercheurs et d'enseignants "Paragone" abonde dans le même sens. La représentation des femmes de la Grèce antique à travers la poésie des mythes, l'iconographie des céramiques, exprime un imaginaire à la fois d'éblouissement et de dénigrement, fruit d'une vision phallocrate. Il est question dans cet article des mythes de la femme fatale.
La connaissance du monde féminin en Grèce ancienne nous est essentiellement transmise par la parole des hommes dont les écrits manifestent une profonde ambivalence : se mêlent sentiment de supériorité, fascination et peur.
Christophe Primault
La poésie des mythes écrite par des hommes
Le poète grec Hésiode (776 av. JC) est l'auteur du mythe de Pandore que l'on trouve dans Les Travaux et les Jours et dans la Théogonie, la généalogie des divinités de l'Olympe. L'histoire de la déesse Éris et de la pomme d'Or de discorde trouve sa source dans l'Illiade d'Homère, poète grec antique (800 av. JC). Médée revient à Euripide, poète tragique grec (480 av. JC), adaptée à l'opéra par le compositeur italien Luigi Cherubini en 1797. Sur cet extrait Acte II, Scène 4 - Air de Néris : Ah ! Nos Peines seront communes la chanteuse lyrique Véronique Gens nous fait entrer dans le mythe.
Des papiers anciens entre passé et présent
Sur le principe de la marqueterie, l’artiste crée des motifs sur le fond de ses tableaux. Pour Pandore ce sont des boîtes, pour Médée, ce sont des poignards. Elle utilise des vieux papiers datant du XIXe siècle dont la qualité d’absorption est parfaite pour l’aquarelle. Elle apprécie tout particulièrement ces belles écritures à la plume. La peintre présente ses créations dans des cadres anciens. Il y a un dialogue permanent entre passé et présent, classicisme et modernité.
J'aime que le papier soit jauni, tâché, déchiré. On sent l'histoire, moi ça m'émeut de sentir qu'il a déjà servi à autre chose.
Magali Sire
Aux origines du sexisme et de la misogynie
Pour le psychanalyste Sigmund Freud, qui a développé la théorie psychanalytique du complexe d'Oedipe, les mythes sont les rêves de l'humanité et la mythologie est une psychologie projetée. La mythologie grecque exerce une influence significative sur le développement de la psychologie moderne, en particulier dans les concepts d'archétypes et d'inconscient collectif.
À partir des récits mythologiques de Pandore, Médée, Eris et de ses tableaux, l’artiste peintre Magali Sire rappelle comment s’est construite l’image de la femme dans notre culture occidentale. En constatant combien ces mythes sont stéréotypés, elle dénonce le caractère discriminatoire de cette construction identitaire.