Habitante de Bédarieux, dans l'Hérault, Aurélie Vaquier n'a pas donné signe de vie depuis le 28 janvier dernier. Début mars, une information judiciaire pour "enlèvement et séquestration" a été ouverte par le parquet de Béziers. Mais près de deux mois après sa disparition, le mystère s'épaissit.
Aurélie Vaquier, 38 ans, a été vue pour la dernière fois le 28 janvier dernier. À cette date, son compagnon Samire quitte leur appartement commun de Bédarieux pour rendre visite à sa famille, dans l’Ain. À son retour, le 6 février, Aurélie est introuvable.
Le 23 février, Samire signale la disparition d’Aurélie à la gendarmerie de Bédarieux. Le parquet de Béziers ouvre immédiatement une enquête pour “disparition inquiétante” et lance un appel à témoins. L’appartement du couple est perquisitionné et Samire interrogé.
Un départ volontaire ?
Selon son compagnon, Aurélie serait partie d’elle-même pour s’adonner à sa passion, l’écriture. Elle n’aurait emporté que quelques vêtements, son téléphone portable et sa trousse de toilettes. Samire dit avoir reçu un autre message “rassurant” d’Aurélie via Messenger le 13 février.
Mais l’authenticité de ce message est mise en doute par certains proches de la jeune femme. “Il y avait beaucoup de fautes d'orthographe, alors qu’Aurélie était très attentive à ne pas en faire”, observe Emma* (le prénom a été changé), une de ses amies proches.
Et surtout, la piste du départ volontaire leur semble incompatible avec la personnalité de leur amie.
Ça ne lui ressemble pas du tout. Elle est joyeuse, sûre d’elle… Elle ne serait jamais partie comme ça sans laisser de nouvelles, sans le dire à ses amis… Oui, elle écrivait, mais pas besoin de disparaître comme ça pour écrire ! Surtout sans sa voiture, ni son ordinateur portable, ça n’a pas de sens…
Aurélie est très active sur les réseaux sociaux. Son silence brutal est d’autant plus troublant pour ses amis. Autre élément : Aurélie a laissé derrière elle son chat Latika, auquel elle était attachée “comme à son enfant”, selon ses amies.
Avis de recherche, battues… les proches se mobilisent
De leur côté, les amis d’Aurélie et son jeune frère Jérémy font tout leur possible pour trouver des indices pouvant les mener à la jeune femme. À la fin du mois de février, accompagnés par Samire, ils placardent des avis de recherche dans Bédarieux, mais aussi à Sète et Béziers.
Par la suite, Jérémy coordonne chaque semaine des battues autour de Bédarieux. Certains groupes sont guidés par les indications d’un medium, d’autres s’en tiennent aux cartes. Malgré la bonne volonté des participants, amis ou inconnus solidaires, les recherches “citoyennes” restent jusqu’à ce jour vaines. Les zones sont vastes, le terrain escarpé, les indices inexistants.
Ça devient très dur de n’avoir aucune information d’elle. On va de fausse piste en fausse piste. On sait que les battues sont souvent dramatiques… J’en suis au point où je cherche sans vraiment vouloir la trouver.
Le 1er mars, le parquet de Béziers a ouvert une information judiciaire pour “enlèvement et séquestration”. Dix gendarmes travaillent à plein temps sur cette affaire. Toute personne ayant une information permettant de faire progresser l’enquête peut joindre la section de recherche de Montpellier 24h/24 et 7 jours sur 7, au 0 800 971 430.
Spiritualité, ésotérisme et complotisme
Aurélie Vaquier aimait écrire. Sur Internet, elle avait publié un récit partiellement autobiographique, Lucie Ditée. Sur son profil, elle se présente comme “passionnée d’évolution humaine, de m’améliorer au quotidien et devenir la meilleure version de moi-même.".
Cette quête de vérité personnelle et de spiritualité se reflète dans son activité professionnelle.
Sur les marchés des Hauts-Cantons, Aurélie vend la production de son entreprise de cosmétiques bio, “Bulle d’Auré”. À Bédarieux ou à Lamalou-les-Bains, elle propose ses pierres “orgonites”, des objets censés transformer les ondes négatives en ondes positives.
Plus récemment, elle s’était formée à “l’hypnose de régression ésotérique” et proposait des séances à distance. Elle avait créé une chaîne YouTube la présentant comme une “coach de vie intuitive”. Prenant régulièrement position face caméra sur divers sujets de société, elle raconte son parcours et invite ses abonnés à “élever leur conscience", "trouver leur propre créativité, en évitant la fausse lumière luciférienne”.
Aurélie a une vision du monde singulière, imprégnée de thèses complotistes. Dans une vidéo datée du 11 avril 2020, republiée le 7 janvier 2021, elle évoque pêle-mêle des "rituels satanistes”, les “chemtrails”, ou encore le "nouvel ordre mondial”.
Le jour de sa disparition, deux vidéos de la mouvance “Q Anon” sont postées sur son profil Facebook, sans commentaire, alors qu’Aurélie avait déjà pris position contre ce mouvement. "L'heure est venue pour chaque être humain de se positionner. Le clivage éveillés/endormis devient extrême. Faites le saut !", peut-on lire dans l'une de ces vidéos.
Dans la dernière vidéo publiée le 4 janvier 2021 sur sa nouvelle chaîne “Bulle d’Auré”, (la précédente ayant été supprimée par YouTube pour des questions de droits d’auteur), la jeune femme se dit “un peu fatiguée” à cause de son travail, mais “hyper heureuse”. Elle évoque la création de sa propre structure et semble envisager de nombreux projets.
Une nouvelle habitante de Bédarieux
Aurélie Vaquier a grandi à Poussan, où vit encore son frère Jérémy. Elle est la fille de l’ancienne adjointe à l’éducation Véronique Hébert, qui a donné son nom à l'une des écoles primaires de la commune. La jeune femme n’a emménagé à Bédarieux avec son compagnon qu’en novembre 2020. Elle commençait à peine à s’intégrer à la vie de cette commune de 6.000 habitants, située au pied des Monts d'Orb.
Les habitants ont bien souvent découvert son nom et son visage à travers les avis de recherche placardés sur les vitrines du centre-ville.
Sur le marché aux fruits de Bédarieux, Jean-Pierre Servat, primeur, l’avait “croisée une ou deux fois seulement”. “D’autres commerçants, du marché du lundi matin, commençaient à sympathiser avec elle. Elle avait l’air gentille, mais on ne la connaissait pas plus que ça.”
“Les gens se posent des questions… Même s’ils ne la connaissent pas personnellement, ils s’inquiètent pour elle. Certains imaginent qu’elle est partie dans une secte”, rapporte Christine Leseur, boulangère dans la rue principale. “Quand il y a des battues, il y a beaucoup de monde, c’est sûr que ça interpelle”, poursuit-elle.
Martine Fabre, pharmacienne, a elle aussi accroché l’avis de recherche sur sa devanture. “Moi j’habite ici depuis toujours et je suis complètement dépitée de voir ça”, souffle-t-elle. “Qu’on disparaisse comme ça… Si c’est de son plein gré, ça va, mais sinon c’est affolant.”
Pour l'heure, le procureur de Béziers et les gendarmes en charge de l'enquête ne s'expriment pas sur ce dossier.