"Ramasse ton pin". C'est le nom de l'opération en cours jusqu'à dimanche prochain à Nébian. Les habitants sont invités à couper leur pin de Noël sur le massif de la Ramasse. Pour lutter contre l'invasion des pins d'Alep qui exposent les garrigues héraultaises aux incendies.
C'est sur les flancs de la Ramasse, ce massif calcaire entre Clermont-l'Hérault et le village de Nébian, que les habitants peuvent choisir et couper leur pin de Noël jusqu'à dimanche prochain. Pour cette deuxième édition de "Ramasse ton pin", pas de fête, de conférence ni de collecte en groupe à Nébian. Covid oblige, chacun y va de de son côté. Avec les mêmes motivations : consommer local et lutter contre l'invasion du pin d'Alep, une espèce très prolifique qui rogne inexorablement la garrigue en la surexposant aux risques d'incendies.
Le pin de Noël, plus local que le sapin!
C'est comme ça que "Ramasse ton pin" est finalement né l'an dernier et la première édition a remporté un franc succès. A Nébian, une trentaine de familles ont passé les fêtes avec un pin d'Alep décoré dans leur salon.Un Noël, je n'ai pas eu le temps d'acheter de sapin, alors je suis sorti près de chez moi, à Nébian, et j'ai coupé un pin d'Alep. Je savais que cette espèce a tendance à nous envahir, alors je n'ai pas hésité! En me voyant passer dans le village avec mon pin, plusieurs personnes ont rigolé mais l'idée a fait son chemin....
"En plus, ça tient plus longtemps que certains sapins", a constaté Antony Meunier."Au bout d'un mois, quelques aiguilles de pin commençaient juste à jaunir" .
Dernier atout, et pas des moindres, du pin de Noël, sa collecte à Nébian a un bilan carbone très faible. Difficile de trouver une économie en circuit plus court! Rien à voir avec les sapins venus par camions d'autres régions de France. Et à la clef un arbre de Noël qui sent le sud!
Choisir son pin d'Alep
La zone où les pins peuvent être coupés a été balisée par l'association "Cerise sur le Château" dont Antony Meunier est président. Il s'agit d'une parcelle communale et attention, pas question d'y couper des pins toute l'année. L'opération est très encadrée, sur autorisation de la mairie et pour une semaine seulement. Et évidemment l'opération est réservée aux habitants de Nébian.C'est un autre aspect positif de cette opération, faire bouger les gens, pour qu'ils connaissent mieux le milieu qui les entoure, je me suis rendu compte que de nombreux habitants étaient rarement allés sur la Ramasse!
Limiter la prolifération des pins d'Alep
Prélever un arbre pour Noël dans la nature en se disant qu'on oeuvre pour la sauvegarde du milieu, ça change tout! Et c'est aussi ce qui a motivé l'initiative. Le pin d'Alep (qui ne vient pas de Syrie mais de Provence) menace la garrigue lorsqu'il prolifère.Dans les années 1900, alors que l'élevage entretenait ces espaces naturels méditerranéens typiques, on comptait à peine 200 hectares de pins d'Alep en Languedoc-Roussillon. Ils se sont aujourd'hui développés sur près de 300 mille hectares.
A la différence du pin de Salzmann, menacé de disparition mais protégé en zone Natura 2000, le pin d'Alep, qui se propage à grande vitesse dans tous les terrains abandonnés par le pastoralisme a une fâcheuse tendance à appauvrir la flore et l'ensemble de la biodiversité de la garrigue.
Les pins d'Alep appauvrissent le milieu naturel
D'une part les pins d'Alep acidifient les terrains, ce qui nuit aux plantes des garrigues adaptées aux milieux calcaires. Et surtout, ils sont très gourmands en eau."Ils pompent l'eau des autres plantes" alerte Philippe Martin, conférencier qui avait participé à la première édition de Ramasse ton pin, et très au fait de l'impact des pins l'Alep sur une garrigue qu'il connaît comme sa poche.
Un grand pin "évapo-transpire" 80 litres d'eau par jour, c'est autant d'eau en moins pour le biotope de la garrigue.
De formidables propagateurs d'incendies
Le pin d'Alep est très sensible aux incendies. Ses cônes (pommes de pin) persistant très longtemps, éclatent et contribuent à propager l'incendie rapidement. De plus, son couvert très clair abrite un sous-bois très combustible, contrairement à d'autres pins plus épais sous lesquels rien ne pousse.
Le rôle de cette prolifération des pins dans les incendies de garrigue a d'ailleurs été observé et analysé scientifiquement dans l'ouvrage "Le feu dans la nature, mythes et réalités" édité en 2004 par les Ecologistes de l'Euzière.
En plus, l'incendie favorise la régénération du pin d'Alep : la chaleur fait éclater ses pommes de pin qui dispersent leurs graines...Ainsi sur un terrain de garrigue incendié, le pin d'Alep va repousser très vite et plus serré au détriment du reste de la végétation.
Les résineux sont des arbres à risque pour les incendies car ce sont des espèces très explosives!
Une problématique que Nébian connait bien. La commune a été victime d'un gros feu de garrigue dans la nuit du 29 au 30 août 2001. Cette année-là, 40 hectares de forêt et de garrigue ont brûlé. Le feu qui a débuté sur la Ramasse a même menacé le haut du village qui a dû être en partie évacué. C'est d'ailleurs après cet épisode que Nébian a créé son Comité communal des feux de forêts. Tous les étés, à partir du mois de juin, ses membres patrouillent le week-end dans la garrigue et alertent les pompiers à la première fumée.
A Mourèze, l'ONF regule la population de pins d'Alep
A 10 kilomètres de Nébian, la prolifération des pins d'Alep est gérée par l'Office national des forêts, dont la vocation première est pourtant plus de planter des arbres que de les couper. Mais le site classé de Mourèze, remarquable par sa géologie, était menacé d'"étouffement" par les pins de plus en plus nombreux qui masquaient les reliefs insolites.Depuis 2014, l'ONF a donc été chargé d'effectuer plusieurs coupes de pins d'Alep dans le site classé.
" On a fait 4 ou 5 campagnes et on a arrêté en 2017. On s'est cantonnés à la zone classée et on continue d'entretenir le coeur du site de Mourèze car les jeunes semis de pins d'Alep se réimplantent très vite"