"Le coup de chalumeau dans les vignes du Midi n’est pas qu'une calamité": le cri d'alarme d'une vigneronne

Dans une tribune diffusée sur les réseaux sociaux, Catherine Bernard, vigneronne, près de Montpellier lance le cri d’alarme d’un "hôte de la terre". Selon elle, la brûlure des vignes du Midi est « un carton rouge » et doit être prise comme un avertissement.

Catherine Bernard est une ancienne journaliste reconvertie en vigneronne.

Au lendemain de la canicule qui a brûlé les vignes, elle publie un texte poignant, un cri d’alarme sur l’avenir du vignoble et plus généralement sur celui de l’humanité.

J’écris en qualité de témoin du changement climatique à l’œuvre

" Ce qui s’est produit dans les vignes du Gard et de l’Hérault vendredi 29 juin, est d’une tout autre nature, d’un tout ordre, ou plus exactement d’un tout autre désordre. J’écris en qualité de témoin du changement climatique à l’œuvre".

Catherine Bernard nous livre ses impressions et son inquiétude quant à l'avenir.

 Avant on avait l’orage du 14 juillet et celui du 15 août, qui aidaient à passer le cap de la maturation des raisins

« Cela fait trois ans que l’on observe des périodes de plus en plus longues de chaleur intense avec des pics de plus en plus élevés qui surviennent plus tôt et plus tard dans la saison, juste avant les vendanges alors qu’auparavant, et comme le disaient les anciens « on avait l’orage du 14 juillet et celui du 15 août, qui aidaient à passer le cap de la maturation des raisins". Or depuis trois ans, les dernières pluies ont été observées début juin et les premières début octobre.

 Changement de climat

"Ce sont des plages de sécheresse très longues qui changent le type de climat. On est censés être dans un climat tempéré mais de fait, il se rapproche de plus en plus de celui de l’Afrique du Nord. Les plantes doivent s’adapter à ces conditions-là et la vigne aussi », précise l’auteure du texte.

 Brûlées

 La conséquence de ce climat c’est le stress hydrique des végétaux sauf si on irrigue.

Brûlées, les feuilles, les raisins, comme si on les avait passé au chalumeau

"Ce 29 juin, son voisin de vignes l’appelle pour lui dire que « les syrah sont brûlées ». Comment ça brûlées ? 
- Oui, brûlées, les feuilles, les raisins, comme si on les avait passé au chalumeau". (....)
La pensée m’a traversée que c’était là l’annonce de la fin de l’ère climatique que nous connaissons, la manifestation de la limite de l’hospitalité de la terre.

Halte au rendement

Le rendement ne m’intéresse pas tant que la pérennité de la vigne

«  Le rendement ne m’intéresse pas tant que la pérennité de la vigne », note Catherine Bernard.

"Ce qui s’est produit ce vendredi 29 juin dans les vignes du Midi, est un avertissement, un carton rouge. (...) C’est aussi la résultante d’un demi-siècle de pratiques anagronomiques.

J’ai inventé le terme anagronomique, qui va à l’encontre des bonnes pratiques de l’agronomie

« J’ai inventé le terme anagronomique, qui va à l’encontre des bonnes pratiques de l’agronomie. Depuis un demi-siècle on poursuit un seul but : le rendement et une meilleure qualité du raisin aujourd’hui on le paie". 

Porte-greffe inadapté

"Aujourd’hui, les vignes du Languedoc ont en majorité été plantées sur le porte-greffe 110-Richter. Il a certes des caractéristiques de résistance à la sécheresse mais qui ne sont plus adaptées aux nouvelles conditions climatiques », note l’auteure de la tribune.

Il faut donc se poser la question des techniques de plantation

"Il faut donc se poser la question des techniques de plantation, celle de la diversité des cépages, de l’environnement de la vigne".

Equilibre rompu

"Ce qui se passe au-dessus de nos têtes, les pics de chaleur, nous n’en sommes pas responsables. C’est un phénomène global, un mode de vie et chacun à son échelle doit penser ses gestes.

Si des alliés comme le soufre deviennent des ennemis à deux mois des vendanges, cela veut dire qu’il faut réagir

Si des alliés comme le soufre deviennent des ennemis à deux mois des vendanges, cela veut dire qu’il faut réagir. L’être humain ne brûle pas car il peut se protéger à l’ombre des arbres tandis que les vignes brûlent. Si on ne peut plus se protéger c’est que l’on va vers des zones désertiques. Il faut tout repenser », ajoute Catherine Bernard.

Parallèle avec le phylloxéra

L’auteure du texte fait ensuite un parallèle avec le phylloxéra.

 « Ceux qui voudraient circonscrire à la viticulture du Midi ce qui s’est produit le 29 juin s’illusionnent. Le phylloxéra a été identifié en 1868 à Pujaud dans le Gard. Les vignerons des autres régions ont cru ou feint de croire qu’ils seraient épargnés. En 1880, le puceron avait éradiqué la totalité du vignoble français, et gagné toute l’Europe. Le phylloxéra était lui-même la « récompense » de notre quête du mieux, du plus (...) 

Notre civilisation menacée

"Ce que les vignes disent, c’est que notre civilisation elle-même est menacée. Les abeilles l’ont aussi dit, avant la vigne. Mais nous ne les avons pas entendues », conclut Catherine Bernard.

 Réfléchir à long terme

"Je voudrais très modestement que ce texte s’inscrive dans une réflexion à plus long terme. On est encore à temps pour repenser les choses conclut celle qui en référence à Antonio Gramsci se définit comme pessimiste par la raison et optimiste par la volonté.
 
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