Remettre ses enfants à l'école. Ou pas. Beaucoup de questions et d'inquiétude aussi à l'heure où les écoles primaires et maternelles envoient des questionnaires aux familles pour recenser les effectifs potentiels de la future rentrée. Nous avons interrogé Hélène Denis, pédopsychiatre à Montpellier.
Depuis quelques jours, c'est la question que tous les parents d'enfants en maternelle et/ou primaire posent à leurs amis dans la même situtation: "Et toi, tu le remets à l'école?".
Difficile de prendre une décision et de s'y tenir tant les informations sont multiples et les situations diverses.
Age de l'enfant? Taille de l'école? Mesures prises? Relations avec l'équipe enseignante? Autant de paramètres qui influent sur les choix.
Un grand flou, porteur d'angoisse
Dans l'académie de Montpellier, depuis la semaine dernière, les directions des écoles font le tour des parents d'élèves pour tenter de connaître l'effectif de leurs classes puisque le retour à l'école se fait sur la base du volontariat à partir de la semaine du 11 mai."Il faut se décider avant de connaître l'organisation de l'accueil de nos enfants" râlent certains parents.
Mais tout le problème est là : la mise en place des conditions d'accueil et donc la sécurité sanitaire des enfants et des enseignants dépend du nombre d'élèves qui feront effectivement leur rentrée mi-mai.
"Un travail d'orfèvrerie" comme l'a expliqué dans son message aux parents un directeur d'école de l'agglomération montpelliéraine.
Dans ce petit établissement, les trois-quarts des parents ont répondu au questionnaire envoyé ce week-end. Environ 60% sont prêts à remettre leurs enfants à l'école. Mais seulement quand les conditions du retour en classe les rassureront.
Sophie, maman d'un garçon de 9 ans scolarisé à Agde dans l'Hérault, a "fait un petit sondage de mamans : la moitié ne remettra pas ses enfants en classe car il y a trop d'incertitudes et qu'il reste peu de jours d'école avant les vacances d'été. Les autres n'ont, soit pas le choix , reprise d'activité, problème de garderie, soit réfléchissent encore."
Mélanie, maman de deux fillettes en maternelle et primaire à Montpellier, a décidé de les garder à la maison, puisqu'elle le peut. "D'abord, on permet à ceux qui n’ont pas le choix d'avoir une place et puis les enfants éviteront de connaître l’école dans cette situation ubuesque avec des enseignants tendus."
Les parents d'élèves d'une école maternelle de l'Hérault ont reçu, eux, un message de la directrice précisant quelques informations sur le retour des élèves. De quoi, c'est sûr, les faire réfléchir sur l'intérêt d'un retour à l'école en mai.
"Les élèves présents auront accès seulement à du papier, des crayons, des ciseaux et de la colle. Nous ne pouvons pas désinfecter chaque jour les milliers de pièces de légo, clipo et autres jeux de la classe. Il n’y aura pas de regroupement pour les comptines ou les chants. En ce qui concerne les récréations, il n'y aura pas d’accès aux vélos ni aux trottinettes, ni d'ailleurs à aucun jeux d’extérieur type ballons, cerceaux."
L’école ne sera qu’un lieu de frustration, d'interdits, le personnel ne fera rien d'autre que faire respecter les règles sanitaires pour protéger tout le monde. Gardez à l’esprit que nous avons des enfants de 3 à 5 ans, conclut la directrice.
Un bon entraînement pour la suite
Pour le docteur Hélène Denis, pédopyschiatre au CHU de Montpellier et spécialiste du refus scolaire anxieux (ou "phobie scolaire"), il est normal que les parents d'élèves aient bien du mal à prendre une décision sur le retour de leurs enfants à l'école.
"On a fait peur aux gens pour qu’ils comprennent la gravité de la situation. Maintenant on leur dit qu’il faut vivre avec le virus. Ce type de discours est normal pour nous soignants, parce que nous vivons avec ce genre de contraintes, la maladie, les risques de contagion, tout le temps. C’est beaucoup plus compliqué pour le grand public".
Au début, ça va être bizarre, c'est sûr.
La pédopsychiatre n'est pas inquiète pour les enfants. "Au début, ça va être bizarre bien-sûr. Mais il est important pour les enfants de vivre avec le virus en dehors de la maison. Et l'école est normalement un bon endroit pour recommencer une vie normale avec le virus."
Pour le docteur Denis, qui reçoit dans son service des enfants en grave rupture scolaire, "la vie en collectivité s'apprend à partir de la grande section de maternelle. Comment vont s'adapter les enfants en CP en septembre s'ils n'ont pas vu l'école depuis 6 mois?".
L'école est un bon endroit pour apprendre les gestes barrières, se laver les mains, rester à distance. Cela peut être un apprentissage ludique. C'est un complément avec la maison, parce qu'à l'école on est confronté aux autres, on apprend à vivre ensemble.
Hélène Denis estime qu'il faut faire confiance aux enseignants pour trouver comment enseigner dans ces conditions particulières. "Il faut que les adultes expliquent bien la situation aux enfants. Si les enseignants sont stressés, si les parents ont peur, la situation devient plus compliquée."
Si les parents sont angoissés, il est d'autant plus important que les enfants aillent à l'école, pour qu'ils voient d'autres adultes, d'autres enfants, qu'ils se confrontent avec d'autres visions que celle de leurs parents.
"Les enfants vont devoir vivre avec le virus, les gestes barrières, la distanciation physique tout l'été, et peut-être à la rentrée prochaine. Ils connaîtront d'autres épidémies sans doute dans leurs vies. Alors s'entraîner à vivre avec et ensemble deux jours par semaine pendant deux mois, cela ne peut être qu'utile."
La rentrée des classes doit se faire progressivement à partir du 11 mai.