ENTRETIEN. "On ne gouverne pas la France par l’injustice" : le maire de Montpellier appelle Emmanuel Macron à "entendre son pays"

Maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, Michaël Delafosse est l’invité de "Dimanche en politique" ce 2 avril, à l’occasion de la sortie du livre "Michaël Delafosse, l’atypique maire socialiste de Montpellier". L’élu confirme qu'il reste au PS, mais en dissident opposé à la NUPES.

A l'occasion de la sortie du livre de "Michaël Delafosse, l’atypique maire socialiste de Montpellier" (éditions du Rocher), l'élu répond aux questions d'Anne-Sophie Mandrou de France 3 Occitanie. Alors que les auteurs - deux journalistes du Figaro, la Montpelliéraine Christine Ducros et François Delétraz - lui prédisent un destin national, Michaël Delafosse confirme vouloir rester au PS, tout en éreintant son premier secrétaire Olivier Faure et son choix d'alliance avec la NUPES.

C’est un livre plutôt étonnant et flatteur sur vous alors que vous n’avez que 45 ans, écrit par des journalistes d’un quotidien classé à droite, vous êtes sur un petit nuage ?

Je suis dans l’action au service des habitants de la métropole. Que des journalistes d’un journal plutôt conservateur s’intéressent à l’action d’un maire socialiste m’a plutôt surpris. C’est flatteur et même peut-être un peu intimidant. Je suis très engagé mais très pudique, je ne livre pas facilement certaines parts de moi-même. Par leur travail, on apprend un certain nombre d’anecdotes qui ont ponctué mon parcours et, peut-être, qui permettent de mieux comprendre l’action que je m’efforce de conduire avec l’équipe municipale.

Le fait que ce soient des journalistes du Figaro qui ont écrit ce livre vous a-t-il fait vous demander si vous étiez encore à gauche ?

Moi, rien ne me fera changer ! Quand le président de la République m’a proposé d’entrer au gouvernement, je ne pouvais que décliner (c’est écrit dans le livre). Je suis un homme de gauche et en ce mois de mars 2023, je fête ma trentième année d’adhésion au parti de Jean Jaurès : le Parti Socialiste. Je compte plutôt lui donner un nouveau souffle que le quitter pour un opportunisme qui fait tant de mal à la vie politique française.

Moi, rien ne me fera changer !

Le 20 mars, au soir de la motion de censure qui a suivi l’utilisation de l’article 49.3 pour faire adopter sans vote la réforme des retraites, vous avez twitté : "la responsabilité serait de pas publier le texte et d’ouvrir le dialogue avec les syndicats". Qu’est-ce qui reste comme possibilité pour stopper cette réforme ?

C’est la responsabilité du président de la République et de la Première ministre. Cette réforme est rejetée par l’opinion. L’ensemble des organisations syndicales sont unies […] On ne gouverne pas la France par l’injustice. Demander aux gens de travailler deux ans de plus quand vous êtes routier, ATSEM, auxiliaire de vie : c’est un effort important et qui n’est pas juste parce que l’espérance de vie dans ces métiers est moins importante que celle d’un chercheur ou d’un médecin.

La sagesse de Jacques Chirac et Dominique de Villepin a été d’entendre le pays, parce que leur projet n’était pas partagé et largement incompris.

Au moment du CPE (Contrat Première Embauche), tous les syndicats étaient contre. Il y a eu de nombreuses journées de grève sans violence. La sagesse de Jacques Chirac et Dominique de Villepin a été d’entendre le pays, parce que leur projet n’était pas partagé et largement incompris. Moi je crois que notre démocratie sociale doit vivre, que les partenaires sociaux soient autour de la table pour réformer les retraites par répartition dans un esprit de justice. Aujourd’hui, je crois que la sagesse c’est de savoir dire : "là, on s’est trompé". Sinon, ça va se tendre parce que les gens vont continuer à sacrifier des jours de grève. Personne n’a intérêt à ce que le pays se divise.

Selon vous, quel sera le prix à payer pour cette France qui est à vif ?

De la tension. On ne rassemble pas, on ne mobilise pas ce pays par la discorde et l’injustice. Le chef de l’Etat doit entendre son pays. Ces métiers qu’on a applaudis pendant la crise sanitaire, on leur demande un effort de deux ans de plus. C’est dur ! Par contre moi je suis très clair : pour ceux dont l’espérance de vie est plus importante, on doit cotiser plus longtemps. Et puis l’effort de financement doit peut-être aussi être porté par les cotisations sociales, peut-être un petit peu de CSG. Moi je dis merci aux milliers de retraités qui font la vie sociale en s’occupant des petits-enfants, des associations : ils font solidarité.

On ne mobilise pas ce pays par la discorde et l’injustice.

La NUPES, ce n’est pas votre gauche, vous êtes contre cet accord entre LFI, le PCF, PS et les Verts, vous êtes en rupture totale avec Olivier Faure le premier secrétaire socialiste qui prône le rassemblement comme seule option contre le Rassemblement National. A-t-il fondamentalement tort ?

Est-il crédible quand il parle ? Non ! Moi, je crois à l’union et au rassemblement de la gauche, mais dans la clarté. A Montpellier, je suis à la tête d’une majorité de socialistes, de radicaux, d’écologistes, de communistes, qui est au travail. Mais je ne suis pas pour l’union à n’importe quel prix avec une partie des dirigeants de La France Insoumise qui considère que la valeur de la laïcité, qui est garante de la concorde dans la République, est un problème et une forme de racisme. Quand on s’exprime à gauche, on le fait avec nuance !

Des leaders disent que la police tue, alors qu’elle nous protège et que nous en avons besoin. Evidemment que tout fonctionnaire doit être exemplaire, a fortiori quand il porte l’uniforme. Mais pas d’anathème ! Si M. Faure veut courir après des positions issues du populisme de gauche, il peut le faire. Mais dans ce cas-là, la gauche ne gagnera jamais les élections. La gauche doit être claire sur la laïcité, sur sa crédibilité à porter un programme de justice sociale, à aborder les questions qui préoccupent les hommes et femmes qui vivent dans ce pays comme la sécurité ou les services publics. Il défend une alliance avec M. Mélenchon, c’est son droit. Le mien, c’est de continuer à penser que la gauche doit être républicaine, laïque, sociale et écologique.

Comment reconstruire une gauche et avec qui alors ?

Mais Olivier Faure, qu’a-t-il reconstruit ? Voilà son résultat ! On reconstruit en travaillant. A Montpellier, quand on met en œuvre la gratuité des transports, c’est une mesure sociale et écologique. On va commencer à travailler sur les idées, en mettant en avant la clarté. Il y a plein de gens comme Fabien Roussel ou Yannick Jadot, avec lesquels nous pouvons travailler sur des questions essentielles comme la laïcité par exemple. Quant à ceux qui, à l’Assemblée Nationale, considèrent qu’il vaut mieux manier l’outrance que l’éloquence, je ne suis pas d’accord. Quand Mme Rousseau défend le droit à la paresse, moi je crois au travail. La gauche a des choses à dire là-dessus.

Quant à ceux qui, à l’Assemblée Nationale, considèrent qu’il vaut mieux manier l’outrance que l’éloquence, je ne suis pas d’accord. Quand Mme Rousseau défend le droit à la paresse, moi je crois au travail.

Quel serait votre rôle dans cette reconstruction au niveau national ?

J’ai promis aux Montpelliérains d’être leur maire et je tiens ma promesse, j’ai beaucoup de travail. Par contre, en tant que maire, je participerai, avec mes convictions, parce que je ne suis pas de ceux qui se replient sur leur territoire pour échapper au débat d’idées national.

Dimanche en Politique - Dimanche 2 avril 2023 à 11h30 sur France 3 Occitanie

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