C’était un homme discret, un homme qui ne s’en laissait pas compter mais qui aimait raconter la vie des gens, des lieux qui l’imprégnait jusqu’au plus profond de lui. Ce qu’il aimait par-dessus tout c’était les grandes chevauchées à bicyclette et de préférence en diagonale. Paul Fabre est mort mi-janvier entouré de ses amis et des amoureux des lettres et de l’Occitanie où il était né il y a 87 ans, à Nizas, dans l’Hérault.
Paul Fabre était diplômé de littérature française, grammaire et philologie françaises, phonétique et lettres étrangères (Portugais). Boulimique de savoir et de connaissance, il ne fera qu’une pause en 1961 pour épouser Françoise Tamiatto, celle qui sera le grand amour de sa vie et avec qui il aura trois enfants : Laurent, Sylvie et Céline.
Un professeur de lettres...et des mots pour le dire
Linguiste de tout premier plan, il deviendra par la suite, professeur à l'Université Paul-Valéry de Montpellier. Ces travaux de recherches ont occupé une très grande partie de son existence.
Grammairien et maître de la chaire de philologie romane à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, il a accompagné ses étudiants et les a initiés aux subtilités et évolutions de la langue française depuis le Moyen-Âge.
Chez Paul Fabre, le mot est un objet précieux, et la phrase un meccano étudié qu’il convient donc de préserver.
Dominique Garrel, son ami cévenol.
"Dans Cévennes Magazine, nous avons publié régulièrement ses chroniques toponymiques sérieuses, je dirais scientifiques pour être précis. J’ai eu à exprimer mon admiration devant ses travaux, sur ses manuels de linguistique et ses ouvrages sur la toponymie" ajoute-t-il.
Avec "Las Passejadas toponimicas", Paul Fabre passe de l’autre côté de l’écritoire pour nous donner en Lenga Nòstra un magnifique ouvrage sur la toponymie occitane.
Un défenseur de la langue occitane
Ce spécialiste de l’Occitan fut enseignant agrégé de Lettres au lycée d’Alès de 1963 à 1967 avant de devenir maître de conférences et professeur à l’université de Montpellier. Il publiera de nombreux ouvrages spécialisés sur la sémantique, la grammaire occitane ancienne, l’origine des noms de lieux et de personnes (la toponymie et l’onomastique) et des romans.
Représentant pour la France au Conseil international des Sciences onomastiques, Paul Fabre va intervenir dans les universités de Barcelone, Lleida et Tarragona à Palma de Mallorca et l’Institut Ramon Lull, mais aussi à Pelhrimov (Tchécoslovaquie).
Pour Dominique Garrel qui l’a bien connu, Paul Fabre avait "les pieds bien ancrés sur cette terre".
Il sera de 1967 à 1972, secrétaire général de Défense et Promotion des Langues de France, dont le président n’est autre que l’académicien gardois André Chamson et de 1968 à 1976 vice-président de l’Institut d’Etudes occitanes.
Ses travaux lui vaudront d’être nommé Chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques en 1993 et officier en 1997.
Il reçoit le « Prix Albert Dauzat » en 1999 pour son travail de toponymie et d’anthroponymie. Il était depuis 2004 secrétaire perpétuel de l’Académie cévenole.
Ces publications touchent la toponymie, avec en particulier sa thèse "L’Affluence hydronymique de la rive droite du Rhône. Essai de microhydronymie", en passant par le "Dictionnaire des Noms de lieux des Cévennes", celui des "Noms de lieux du Languedoc".
Il écrira aussi de nombreux romans dont le point de départ est bien souvent un nom de rue.
Ce sera le cas avec "Rue Daguerre", "Porte d’Orléans" ou encore "Rue Liancourt". Du liant au court, ou l’attachante chronique d’une vie ordinaire.
Si cette rue du XVIème arrondissement de Paris existe réellement, le choix n’en est pas moins symbolique et évocateur, comme pour tous les noms dans le roman. Un nom, évoquant à la fois le liant, les attaches, ce qui cimente l’existence, et le court, l’éphémère, qui se fait et se défait tandis que le temps, justement, court.
Un vélo en diagonale dans la tête...pour le faire savoir
Elu à l’académie cévenole en 1989, il avait une passion pour la petite reine et aura parcouru plus de kilomètres tout au long de sa vie que beaucoup de grands noms du cyclisme professionnel.
Paul Fabre parcourait la France sur sa "Follis" sa fidèle randonneuse, qui l’accompagnera de Brest à Menton, 1.250 km "d’un parcours dantesque".
Paul Fabre était un diagonaliste. Un cyclotouriste épris de longue distance dans le sens de la diagonale. Il effectuait des parcours souvent accompagnés d’amis et leur objectif était de relier deux points non consécutifs de l’Hexagone, du type Brest à Strasbourg, voire Menton ou encore un Dunkerque-Perpignan.
Paul Fabre réalisera 11 diagonales de 1978 à 2004, jamais seul, en compagnie de ses amis et complices. En 2001, il écrira le récit de ses Diagonales sous trois formes différentes, dans un recueil intitulé "Diagonalement votre". Il publiera aussi "Une ivresse continue ou la saga d’un cycliste ordinaire", le récit complet de ses aventures, des routes qu’il a emprunté et des régions traversées. Les tribulations d’un érudit sur sa petite reine entourée de ses amis et compagnon d’infortune ou non, sur les petites routes de France.
A Dominique Garrel, son ami, il dira avoir fait "plus de kilomètres à vélo que les plus grands champions du cyclisme – en citant comme exemple Eddy Merckx !".
Il sera président d’honneur de ces inclassables de la petite reine de 1999 à 2002 (Amicale des Diagonalistes).
Il écrira deux livres : "Mes Vélos…" préfacé par le journaliste et ancien cycliste Jean Bobet, avec des dessins de Jacques Faizant, et "Saint Eddius, priez pour nous" avec la participation de Raymond Poulidor.
Dominique Garrel, collaborateur du quotidien La Marseillaise, l’avait emmené plusieurs fois à la rencontre de grands coureurs sur les podiums de l’Etoile de Bessèges, la grande course cévenole du début de saison.