France 3 s'est procuré un code de conduite transmis aux assesseurs de l'alliance Ciotti/RN dans la 1re circonscription de l'Hérault. Il leur est demandé une "vigilance absolue" dans les bureaux de vote de Montpellier : vis-à-vis des risques de fraudes, mais aussi des assesseurs de gauche et des femmes qui portent le voile.
Hypervigilance, paranoïa ou désordre organisé ? À Montpellier, la droite et l'extrême droite nourrissent une inquiétude particulière quant aux risques de fraudes dans les bureaux de vote. Candidat investi par Eric Ciotti et soutenu par le RN dans la 1re circonscription de l'Hérault, Josyan Oliva annonçait déjà saisir le Conseil constitutionnel à ce sujet pendant l'entre-deux-tours.
Au second tour, un autre document révèle les craintes du parti bleu marine et de ses alliés. Il s'agit d'une feuille de consignes distribuée aux assesseurs du RN à Montpellier pour se prémunir de toute fraude. France 3 se l'est procurée grâce à une source anonyme. Un code de conduite de trois pages qui comprend des propos choquants et ouvertement racistes.
Sollicité, Josyan Oliva dit ne pas avoir connaissance de l'existence de ce document. En tête de la première page figurent son nom et son numéro de téléphone, ainsi que ceux de son directeur de campagne Michel Moxin. Tous deux référencés comme personne à joindre en cas de besoin.
Recherche d'annotations manuscrites
Lors d'élections, chaque parti envoie des sympathisants bénévoles prêter main-forte aux employés de la mairie dans les bureaux de vote. C'est aussi la garantie d'un scrutin organisé et surveillé par des personnes de différentes sensibilités politiques.
Un rôle de surveillance que le Rassemblement national prend très au sérieux. Dans la 1re circonscription de l'Hérault, les assesseurs du parti ont reçu pour consigne de consulter le cahier d’émargement, le procès-verbal et la liste des procurations pour y photographier d’éventuelles “annotations manuscrites”, susceptibles d'invalider chacun de ces documents.
De vieilles méthodes, selon Jean-Louis Roumégas
Ce mode de fonctionnement fait écho aux récentes déclarations de Josyan Oliva. Battu par Jean-Louis Roumégas (NFP) dimanche, le candidat de l'alliance Ciotti/RN a déjà distillé le doute quant à de "possibles fraudes" au premier tour, dans des déclarations à France 3. En cause, selon lui : des “irrégularités” dans la manière dont les cahiers d’émargement et les procès-verbaux ont été annotés le 30 juin.
La mairie et le Nouveau front populaire (NFP) ont démenti la semaine dernière. Selon Jean-Louis Roumégas, les mêmes méthodes avaient été utilisées à son encontre en 2012 par son rival d'alors, le candidat de la droite Christophe Jeanjean, dont le directeur de campagne était déjà Michel Moxin.
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Priorité au parti
Retour à la feuille de consignes. Il n'y est pas simplement conseillé aux assesseurs du RN de surveiller la signature des documents officiels en bureau de vote. “S’assurer que l’urne est bien vide”, “que le stock des enveloppes soit hors de portée”, “de la hauteur de chaque tas de bulletin” : une “surveillance absolue" leur est en réalité demandée.
Et cette surveillance doit avant tout bénéficier au parti. S’il faut "s'assurer que les scrutateurs (ceux qui décomptent les voix, ndlr) soient soigneux”, c’est pour “qu'aucun d'entre eux ne puisse maculer ou déchirer un bulletin JOSYAN”.
“N’acceptez pas de place de scrutateur”, ordonne encore le parti dans la même logique : “vous ne pourriez pas vérifier l’ensemble du dépouillement et cela pourrait servir à vos ennemis”.
Identifier ses ennemis
Ces "ennemis", aux yeux du RN, ce sont tout d'abord les assesseurs d'autres couleurs politiques. C’est pourquoi le parti demande à ses sympathisants de transmettre "tous les renseignements [qu’ils auraient] pu glaner" sur leurs collègues dans les bureaux de vote, afin de "ne pas donner sa confiance à un beau parleur de gauche".
Une paranoïa déclinée en longueur sur cette fiche, parfois en lettres capitales : "SURTOUT N'OBÉISSEZ PAS" si "le Président du bureau (...) vous dit que vous pouvez aller vous promener”, alerte par exemple le parti dans son mode d'emploi.
A contrario, le ou la secrétaire du bureau de vote, chargé(e) de rédiger le procès-verbal et de faire remonter d'éventuelles perturbations, est décrite comme "un élément central du bureau" qui “peut devenir une amie". "Soyez toujours courtois et précisez à la secrétaire que vous pouvez l'aider si nécessaire" est-il donc recommandé aux assesseurs du parti d'extrême droite.
"Déguisements musulmans"
Et puis, le plus choquant. Cette vigilance toute particulière souhaitée face aux électrices de confession musulmane. “Vous pouvez refuser le vote si l’électeur refuse de montrer son visage pour l’identifier”, est-il encore inscrit en lettres capitales, au sujet de personnes qui porteraient "un masque ou un déguisement musulman".
Une expression choisie par le parti pour désigner le hijab de certaines citoyennes dans les bureaux de vote de Montpellier. Josyan Oliva juge de tels propos "inadmissibles". Le candidat ciottiste répète ne pas être lié à ce document.