Elles ne sont pas prioritaires à la pompe et ne peuvent pas profiter des files réservées dans les stations-services pour faire le plein. Dans l'Hérault, les aides à domicile continuent malgré tout à faire leur tournée auprès des personnes âgées dépendantes.
Chaque semaine ou presque, elle sonne à la porte des Ordones, un couple de retraités. Nathalie Derblum est aide à domicile. Sans elle, aujourd'hui, ils ne pourraient plus vivre seuls chez eux. "Vous savez je ne tiens pas l'équilibre, explique la vieille dame. Je ne peux pas bouger beaucoup. Je tombe d'un coté, de l'autre. Il me faut quelqu'un pour m'aider."
Nathalie exerce le métier d'aide à domicile depuis 6 ans et elle sait tous les besoins et les attentes des bénéficiaires. "C'est super important. Ils nous attendent pour les repas, pour les transferts, pour les rendez-vous médicaux. Et si on est là un quart d'heure après ou une demi-heure après, comment on fait ?"
Car depuis que le carburant se fait rare dans les stations, elle n'a qu'une hantise : être en retard chez ses bénéficiaires ou ne plus pouvoir tout simplement intervenir. Contrairement à ce qu'il s'était passé durant la crise du Covid-19 et pendant les différents confinements, les services à domicile ne sont pas jugés cette fois prioritaires. "Même avec ma carte professionnelle, je dois faire la queue dans les stations-services. On n'a pas le choix mais ça rajoute au stress. C'est pour cela qu'on s'entraide et qu'on se donne les adresses entre collègues pour trouver de l'essence."
Même avec ma carte professionnelle, je dois faire la queue dans les stations-services. On n'a pas le choix mais ça rajoute au stress. C'est pour cela qu'on s'entraide et qu'on se donne les adresses entre collègues pour trouver de l'essence.
Nathalie Derblum, aide à domicile agence ADMR Lunel
Services à domicile menacés
Le réseau ADMR de l'Hérault intervient sur toutes les communes du département. Plus de 13 000 familles font appel à la structure pour des prestations de ménage, repassage, jardinage, bricolage, garde d'enfants, soins aux seniors, accompagnement des personnes en situation de handicap et d'incapacité temporaire.
Nathalie travaille pour l'agence de Lunel qui compte 47 aides à domicile dans ses rangs. Aucune ne peut se passer de la voiture. Ici, il a donc fallu s'organiser. "on a mis en place un groupe WhatsApp sur lequel elles peuvent échanger et sur lequel on indique les stations approvisionnées, explique Noémie Have, responsable de l'agence. Et à l'ADMR, on a également mis en place le chèque carburant pour les aider." Un chèque qui permet de compenser la perte de pouvoir d'achat liée à la hausse des tarifs.
Au siège de l'ADMR de l'Hérault, on tire malgré tout la sonnette d'alarme. "La population à prendre en charge au domicile est doublement importante, aujourd'hui et dans les années à venir, assure Sylvie Louriac, directrice Générale ADMR Hérault. Il faut vraiment que nos métiers soient valorisés, que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités et nous donnent les moyens de prendre en charge nos aînés."
Pour un accès prioritaire aux stations-services
ll y a quelques jours, plusieurs organisations professionnelles du secteur, ont plaidé au niveau national pour que les aides à domicile puissent bénéficier d'un accès prioritaire aux stations-services. "Certaines personnes vont rester alitées. L'essence est un besoin vital", s'est notamment alarmé dans un communiqué, Brice Alzon. le président de la Fédération du service aux particuliers (FESP). Selon cette fédération qui représente les entreprises privées du secteur, beaucoup d'aides à domicile en effet "ne peuvent plus assurer leurs visites et doivent prioriser leurs interventions".
Certaines personnes vont rester alitées. L'essence est un besoin vital !
Brice Alzon, président de la Fédération du service aux particuliers (FESP).
La pénurie d'essence provoque une "vive inquiétude des professionnels du grand âge", a également souligné le Synerpa, principal syndicat privé des Ehpad et des structures d'aide à domicile, qui réclame des "dispositifs de priorisation de l'Etat".
La situation diffère beaucoup d'un département à l'autre. Les préfets ayant accordé un accès prioritaire à la pompe aux services à domicile sont actuellement très minoritaires "Nous avons écrit à la Première ministre pour lui demander de donner des consignes claires aux préfets", a indiqué Marie-Reine Tillon, la présidente de l'UNA, une des principales fédérations représentant le secteur associatif.
Ecrit avec Laurent Beaumel, Enrique Garibaldi et AFP.