Les trois avocats de Daniel Malgouyres, le principal accusé dans ce dossier, s’étaient manifestement bien répartis les rôles pour défendre leur client. Instiller le doute pour l’un, insister sur la légitime défense pour l’autre. Et enfin charger les co-accusés pour le dernier

Car Daniel Malgouyres risque gros dans ce dossier. La veille, 30 ans de prison avaient été requis contre lui par Georges Gutierrez l’avocat général de ce procès qui se tient depuis trois semaines devant la cour d’assises de l’Hérault. Pour lui, pas de doute, Daniel Malgouyres est bien l’organisateur de la funeste expédition du 5 octobre 2017.

Ce soir-là, un cambriolage avait mal tourné sur la propriété du couple Malgouyres. Deux cambrioleurs, David Viers et Richard Bruno, s’étaient introduits dans la soirée afin de se faire remettre de l’argent par les propriétaires du jardins Saint-Adrien, un grand domaine avec un jardin exceptionnel, dont le couple faisait payer l’entrée aux nombreux visiteurs. Les deux cambrioleurs avaient molesté les deux victimes pour savoir où était dissimulées les économies du couple.

L’incroyable rebondissement

Alors que l’un d’entre eux, David Viers, était à l’étage en compagnie de Daniel Malgouyres, celui-ci a fait usage d’une arme, tuant le malfaiteur sur le coup. De la légitime défense, avait plaidé le septuagénaire dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Mais le 17 octobre 2017, le second complice, Richard Bruno, qui avait pris la fuite, est interpellé. Dès ses premières auditions, il désigne Daniel Malgouyres comme l’organisateur du cambriolage. Et livre un mobile : alors que le couple traversait des difficultés, le mari aurait souhaité faire peur à sa femme pour annihiler toute volonté de sa part de récupérer le domaine familial en cas de séparation.

Daniel Malgouyres est interpellé le lendemain.

Un avocat tente d’instiller le doute

Premier à plaider ce matin pour défendre son client, Maître Archibald Celeyron du barreau de Paris. Il est longuement revenu sur de nombreux points du dossier d’instruction et des trois semaines d’audience , cherchant manifestement à instiller le doute sur l’enquête mais aussi sur le scenario proposé la veille  par l’accusation. Et terminant justement sa plaidoirie par un appel aux jurés :

 

Je vous demande d’acquitter Daniel, il a droit au bénéfice du doute !

Le second avocat plarelève des incohérences

C’est ensuite Maitre Cyril Malgras, du barreau de Montpellier qui a pris la parole. Il est lui aussi revenu sur de nombreux éléments incohérents pour lui : la trop grande place prise selon lui dans le procès par le comportement du chien lors de la soirée du 5 octobre 2017 par exemple. Mais aussi l’absence d’échanges téléphoniques préparatoires entre le principal accusé et ses complices présumés. Ou encore le flou qui entourait apparemment la répartition du futur butin entre les cambrioleurs.

...et plaide la légitime défense

L’avocat montpelliérain s’est surtout attaché à démontrer que son client avait agi en état de légitime défense : « L’atteinte ? Elle existe ! Les violences ? Elles existent ! Les menaces de mort ? Elles existent ! »

Insistant ensuite sur l’importance du concept juridique de « légitime défense » et d’une disposition dans le code pénale dont l’avocat fait la lecture en audience : « Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l’acte pour repousser de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité. Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »

La tentative de meurtre pas caractérisée non plus pour la défense

Pour l’avocat, Daniel Malgouyres doit bénéficier de cette cause d’irresponsabilité : « C’est évident qu’on est dans cette situation-là. La proportionalité de la réponse n’est pas dans le texte. On est dans un domicile, dans une chambre, dans un lieu habité, peu importe qu’il y ait eu une arme ou non dans les mains du cambrioleur à l’étage… »

Et l’avocat montpelliérain balaie aussi la tentative de meurtre dont est suspecté son client : après le meurtre à l’étage, il aurait tiré en direction de Richard Bruno, le cambrioleur fuyard. Semant le doute sur le moment où il est intervenu. Pour le défenseur, le coup de feu s’est produit bien après la fuite, la tentative de meurtre ne peut donc être retenue.

Le troisième avocat charge les co-accusés

C’est M° Jean-Marc Darrigade, un habitué des grands procès montpelliérains, qui a conclu la journée. En faisant appel d’abord à la compassion des jurés :

Il a tellement souffert ! 68 ans à l’époque des faits, 72 ans aujourd’hui et 4 ans de prison avec cette accusation insupportable.

M° Jean-Marc Darrigade, avocat de Daniel Malgouyres

Et dressant un portrait flatteur de Daniel Malgouyres : « Je retiens que pendant 68 ans, il a été un honnête homme, qui ne vit que par la vertu du travail, de l’honnêteté. Et qui a eu un jour l’idée saugrenue de réaliser son rève. Qui aurait pu penser que cette carrière de pierre et de cailloux deviendrait le jardin préféré des Français ? »

Pour rappel, les spectateurs d’une émission de télévision avaient désigné le jardin Saint-Adrien, comme étant leur préféré, faisant du couple des petites célébrités locales. 

 

On rentre dans la zone dangereuse, la zone des hypothèses, des supputations. C’est quand on cherche à reconstruire que, parfois, on se trompe.

M° Jean-Marc Darrigade, avocat de Daniel Malgouyres

 

Le ténor du barreau de Montpellier a ensuite rappelé la fragilité des preuves qui pèsent, d’après lui, contre son client : « L’accusation ne repose sur aucun élément tangible irréfutable, incontestable. D’un côté, il y a une profusion de preuves qui existent contre les uns, et une absence totale de preuve contre un autre. C’est simple : c’est zéro, zéro, zéro, zéro… On rentre dans la zone dangereuse, la zone des hypothèses, des supputations. C’est quand on cherche à reconstruire que, parfois, on se trompe. »

Richard Llop au coeur de la plaidoirie

Mais Jean-Marc Darrigade s’est surtout attaché à déporter les soupçons et les interrogations sur les co-accusé de Daniel Malgouyres, et particulièrement l’un d’entre eux : Richard Llop.

Ce propriétaire de centre équestre et moniteur d’équitation, ami de la famille Malgouyres, comparait libre dans ce procès. Hier après-midi, Gorges Gutierrez, l’avocat général de la cour d’assises de l’Hérault, avait requis une peine de 18 ans de prison contre lui. Il est soupçonné d’être celui qui a recruté les deux cambrioleurs, Richard Bruno et David Viers, pour le compte de Daniel Malgouyres.

Pour M° Darrigade, il faut reconsidérer son rôle dans le déroulement de l’affaire. A la lumière notamment, de l’évolution de ses déclarations au cours de l’enquête : « Il fait ce qu’il fait le mieux et depuis toujours. Il ment, il reconstruit l’histoire en permanence ! » Jean Marc-Darrigade poursuit en émettant l’hypothèse d’un pacte scellé entre Richard Bruno et Richard Llop pour accentuer les responsabilités de David Viers, le malfrat tué lors du cambriolage : « un pacte qui permettra d’édulcorer nos responsabilités. »

Le spectre de l’erreur judiciaire

M° Jean-Marc Darrigade a conclu sa plaidoirie en agitant le spectre de l’erreur judiciaire et en s’adressant directement aux jurés : « Ce n’est pas de la littérature, cela existe. Je vous dis, de toutes façons, ne prenez pas le risque. Vous ne savez pas ! Vous avez des pièces de puzzle qui ne s’imbriquent pas. Vous allez l’acquitter parce qu’il est innocent !»

Tout au long des plaidoiries de ses avocats, Daniel Malgouyres est apparu attentif et concentré, hochant régulièrement de la tête pour soutenir les propos de ses conseils. La parole devrait lui être donnée demain, dernier jour de ce procès fleuve qui a démarré il y a trois semaines, ainsi qu’aux deux autres accusés. Avant que le jury ne se retire pour délibérer. Le verdict est attendu demain vendredi 17 décembre.

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