Le 10 août, la députée France Insoumise Muriel Ressiguier critiquait l'interventionnisme du maire de Montpellier Philippe Saurel dans les festivités de la Saint-Roch comme contraire à la laïcité. Face à la polémique naissante, les deux protagonistes jouent la carte du recadrage et de l'apaisement.
Une saint déjà "Roch' N Roll".Alors que les célébrations en l'honneur du Saint né à Montpellier vont se dérouler les 15 et 16 août prochains, la mairie de Montpellier est dans le viseur de l'opposition.
En cause, le rôle municipal dans l'événement qui existerait depuis 1387 à en croire Le Petit Thalamus de Montpellier.
La députée de la France Insoumise Muriel Ressiguier a dénoncé dans un tweet du 10 août les subventions allouées par la ville de Montpellier à l'événement célébrant le culte de celui qui soignait les pestiférés au XIVe siècle.
Un principe selon l'élue contraire à l'article 2 de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État.
CP : "Monsieur le #Maire de #Montpellier : on ne joue pas avec la #Laïcité!". #SaintRoch@Midilibre @lamarsweb @ladepechedumidi @F3Languedoc @lemouvementinfo @lagglorieuse @bleuherault pic.twitter.com/MoyDAj1zy7
— Muriel Ressiguier (@MRessiguier) 10 août 2018
Face à la vague de réactions suscitée par sa tribune sur Twitter, l'élue a tenu à revenir sur ses propos.
Je souhaitais recadrer et réexpliquer ce qu'était la laïcité souvent instrumentalisée politiquement. La loi interdit les subventions directes et indirectes pour une association célébrant un culte
Selon la députée, 15 000 euros ont été versés par la ville à l'association lors de l'édition 2017.
Un maire qui dément, une majorité qui fait bloc
Après Carole Delga à qui il avait reproché l'absence de Montpellier comme "grand site" du journal régional Occitanie, Philippe Saurel s'attaque non pas à la députée directement mais à sa famille politique de La France Insoumise.
Joint le 13 août, le maire de Montpellier réfute les allégations avancées par Muriel Ressiguier.
Elle est responsable de ses propos. Il n'y a pas de subventions cette année. Ce ne sera pas une année internationale. Lorsque les Italiens, Espagnols ou encore Portugais sont invités tous les deux ans, nous participons au financement de leurs déplacements.
Le 12 août, Philippe Saurel dénonçait la volonté de "déchristianisation" du passé de la France , évoquant même un risque de négationnisme.
Il faisait même référence au discours hologramme du leader insoumis Jean-Luc Mélenchon lors du meeting de Lyon le 5 février 2017 comme un symbole de manipulation.
.@FranceInsoumise rêve de déchristianiser notre passé, nos traditions, notre langue...
— Saurel Philippe ⭐️⭐️ (@Saurel_P) 12 août 2018
Ils voudraient réécrire l'histoire...
Le dogmatisme peut conduire au négationnisme.
Et on finit par manipuler les foules avec des hologrammes...@montpellier_ @Midilibre @canardenchaine
Au sein de la majorité, le conseiller municipal en charge de la lutte contre les discriminations Jérémie Malek n'a pas tardé à dénoncer le double jeu de la députée.
En vous offusquant de la tradition montpelliéraine de la #SaintRoch @MRessiguier, vous confirmez n’avoir aucun respect et aucun amour pour #Montpellier. Faciliter la casse du centre-ville ne vous a pas suffit ? Les montpelliérains s’en souviendront ! @Saurel_P pic.twitter.com/lhoUkBjmDZ
— Jérémie Malek (@jeremiemalek) 11 août 2018
Quand une polémique en cache une autre
Une nouvelle passe d'armes qui marque un climat tendu avec l'opposition.
On aurait presque du mal à croire que Philippe Saurel après avoir été exclu du Parti Socialiste en 2014, appartient à l'étiquette "Divers Gauche".
Lors de la manifestation d'avril dernier pour la convergence des luttes qui dénonçait la politique d'Emmanuel Macron, Muriel Ressiguier avait été pointée du doigt.
La majorité lui reprochait son rôle de "pompier pyromane" dans les dégradations du centre ville, qui avaient coûté près de 400 000 euros.
Jean-Luc Mélenchon avait même dû voler à son secours pour éteindre la polémique naissante sur les réseaux sociaux.
Le président de l'Office du Tourisme de Montpellier Jean-Luc Cousquer ne manque pas de revenir sur cet épisode.
La St Roch est la la fête patronale de @montpellier_ . Tradition, patrimoine populaire, tourisme.
— Jean-Luc Cousquer (@CousquerLuc) 13 août 2018
Alors, aller chercher la laïcité...@MRessiguier participe elle a des manifestations bien plus dangereuses pour les libertés!
Discrétion s impose!@Saurel_P
Entre culte et culture
Le point de discordance majeur entre les deux élus réside dans la vocation de l'Association Saint Roch.
Je suis pour aider le patrimoine culturel mais le programme des festivités appelle à des messes, c'est donc cultuel avance Muriel Ressiguier.
Pour le maire montpelliérain, l'association St Roch est culturelle et non cultuelle, car elle rejoint la culture et les traditions locales de Montpellier. La fête ne remettrait donc pas en cause le principe de laïcité.
Elle prend des positions contraires à l'histoire de la ville. Nous ne finançons pas des messes ou des manifestations religieuses, les festivités rejoignent la culture et les traditions locales. J'ai une vision ouverte et tolérante de la laïcité, non dogmatique.
Après la polémique vient l'apaisement
Ressiguier et Saurel ont fait preuve de pondération dans leur propos en exposant leurs points de vue respectifs sur la question de la laïcité.
Je n'ai aucun problème à voir Mr Saurel aller à cette messe, mais il doit s'y rendre sans son écharpe de maire représentant la République.
Remarque à laquelle Saurel a répondu avec franchise :
J'ai porté l'écharpe une fois dans l'Église Saint Roch lors d'une édition internationale car je me suis aligné sur les délégations étrangères. Tout ca c'est de la polémique pour la polémique.
Muriel Ressiguier s'est même réjouie de l'absence de subventions avancée par P.Saurel pour cette année :
J'ai appris son démenti. C'est une bonne chose. Il s'est peut être rendu compte qu'il était borderline sur la question de la laïcité
Peut être que les différents acteurs politiques de cette polémique se sont inspirés de l'état d'esprit de Saint-Roch pour apaiser les tensions.
Le programme des festivités iciLa question religieuse, une affaire d'Etat à Montpellier
La loi de 1905 le stipule formellement. Et Muriel Ressiguier le rappelle : "« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. […] »Or réside ici le coeur de la polémique puisque la ville de Montpellier, par le biais de sa mairie qui est un "agent de l'Etat" au sein d'une commune, subventionne les festivités de Saint-Roch.
Entre 2011 et 2017, les subventions allouées à l’Association internationale Saint-Roch de Montpellier, organisatrice des fêtes, ont quadruplé, passant de 4 000 à 15 000 euros.
Depuis 2015, la collectivité Montpellier Méditerranée Métropôle a intégré la filière « Tourisme et spiritualité » pour intégrer et développer le patrimoine religieux de la ville comme axe de travail touristique.
Un rapprochement avec la sphère religieuse qui ne va cesser d'alimenter les discussions entre majorité et opposition.