"Peur de rentrer à la maison la tête défoncée" : le malaise des policiers avant la manif des gilets jaunes à Montpellier

Montpellier accueille samedi 7 septembre la manifestation nationale des gilets jaunes. Acte 43 du mouvement. Une nouvelle fois, les forces de l'ordre seront présentes en nombre : "Le problème, ce sont les casseurs." Entre fatigue, lassitude et résignation, paroles de policiers. 

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"J'ai toujours voulu faire ce métier pour arrêter les voleurs et les méchants. C'est une vocation. Je fais le travail que j'aime. Mais, j'ai peur de rentrer à la maison la tête défoncée".
Vincent est policier depuis une vingtaine d'années et depuis plus de dix ans, il travaille à la BAC de l'Hérault. La brigade anti-criminalité est l'unité de la police nationale spécialisée dans la lutte contre la petite et moyenne délinquance. Elle veille à l'ordre public. 

La peur de rentrer à la maison la tête défoncée


Alors, tous les samedis, ou presque, avec ses collègues, à Montpellier, il est en première ligne lors des manifestations des gilets jaunes. "Ils ont le droit de manifester, on entend leurs doléances. Mais le problème, ce sont les casseurs. Nous n'avons pas assez de moyens pour les interpeller". 


Un policier blessé, c'est normal !


"Un policier blessé, c'est normal !"se désole Vincent qui a déjà obtenu une interruption temporaire de travail (ITT) de deux jours à la suite d'une manifestation des gilets jaunes. "Je tentais d'interpeller un jeune qui avait jeté un projectile. Il ne s'est pas laissé faire. J'ai reçu des coups, je me suis défendu et le jeune a porté plainte contre moi.
 

Il y a une justice à deux vitesses : une présomption de culpabilité pour les policiers et une présomption d'innocence pour les casseurs. Nous sommes tout de suite mis en cause avec la plate-forme de signalement de l'IGPN  (NDLR: elle permet à toute victime ou témoin d'un comportement susceptible de mettre en cause des agents affectés dans un service de la police nationale de le signaler). Et pourtant, on nous jette des bouteilles d'eau congelée, du cacatov et plein d'autres choses."

Une présomption de culpabilité pour les policiers et une présomption d'innocence pour les casseurs


Un problème que comprend bien Jérôme, officier de police judiciaire : "Le travail de terrain est très compliqué et le nôtre aussi. Avec les interpellations, on ne sait pas toujours ce qu'il s'est passé. On nous présente quelqu'un et nous devons travailler avec les seuls éléments inscrits sur la fiche d'interpellation. Il faut auditionner.

Si tu te loupes, ça retombe sur toi


Si les enregistrements vidéo de la ville existent, tant mieux. Car, souvent, les interpellés déclarent ce qu'ils veulent et il faut faire vite. On appréhende le week-end avec beaucoup de stress. Si tu te loupes, ça retombe sur toi. C'est ton nom qui ressort".

Après avoir assisté à 46 audiences de Gilets jaunes poursuivis en justice, la Ligue des droits de l’homme de Montpellier a publié un rapport en juin dans lequel elle dénonçait la répression judiciaire qui vise le mouvement social.

Mais pour Vincent, le policier de la BAC : "Y'en a ras-le-bol. On va au charbon, nous sommes une cible tous les jours. Et pour quelle considération ? Moi, policier, 20 ans de boite, je gagne 2000 euros par mois", soupireVincent.

Moi, policier, 20 ans de boite, je gagne 2000 euros par mois


Il poursuit : "La vie de famille ? J'ai de la chance, je ne travaille plus la nuit depuis deux ans mais je n'ai qu'un samedi sur 6 de repos. Ma femme me dit : " Ce serait bien que tu puisses avoir plus de week-ends. Le samedi, on ne peut rien prévoir. J'ai deux enfants de 8 et 15 ans".

Les réseaux sociaux qui attisent la haine

 
Vincent et Jérôme ont accepté de se confier mais de nombreux policiers n'ont pas osé s'exprimer car ils ont peur d'être reconnus par la hiérarchie ou par les casseurs. "Il faut les comprendre. Ils en ont marre d'être jetés en pâture sur les réseaux sociaux qui attisent la haine car tout est filmé durant les manifestations et mis en ligne," assure Rémy Alonso, secrétaire départemental du syndicat Alliance.
 

Une haine contre l'Etat qui s'est retournée contre la police

Il précise : "A Montpellier, un policier accusé d'avoir tiré au flashball, ce qui était faux, a subi les foudres du mouvement anarchiste qui avait fait circuler sa photo. A Béziers, un agent a du être muté pour assurer sa sécurité et celle de sa famille. Ou cette rumeur faisant état de morts à Montpellier le 8 juin. Il y avait une haine contre l'Etat qui s'est retournée contre la police. Nous sommes pris entre le marteau (l'Etat) et l'enclume (les gilets jaunes).

Fatigue, lassitude et résignation


"Une synthèse de l'état d'esprit des policiers dans l'Hérault aujourd'hui ? Je dirais fatigue, lassitude et résignation," analyse Yann Bastière, délégué départemental du syndicat SGP Police FO.

On n'en peut plus

"Depuis très longtemps, nous demandons de meilleures conditions de travail. Il y a des déclarations d'intention mais peu d'actes. Par exemple, est-ce anormal de demander de meilleurs équipements ? Un collègue me racontait qu'il avait une jambière défaillante. Elle a dix ans et il est obligé de la scotcher ! D'autres n'ont pas de casques ! On n'en peut plus".

Un peu moins d'une centaine de policiers de l'Hérault ont travaillé durant le G7 à Biarritz. "Les congés ont été limités car il a fallu assurer toutes nos missions cet été. Tout le monde est fatigué et on repart sans aucune considération", explique Yann Bastière. 

Comme tous les samedis, le planning des hommes de la BAC sera immuable. "Nous arriverons vers 10h30. Dans l'après-midi, nous ferons plusieurs interpellations. A la fin de la manifestation, il faudra taper les comptes-rendus qui prennent chacun entre 45 minutes et une heure 15. Il nous est arrivé de terminer à une heure du matin", raconte Vincent.

Mais si on baisse les bras, on fait quoi ? Il se passe quoi ?


"Heureusement, on a la chance de bien s'entendre dans l'équipe mais certains de mes collègues travailleront la boule au ventre et la peur de la bavure tellement ils sont fatigués. Mais si on baisse les bras, on fait quoi ? Il se passe quoi ? La police n'a jamais été aussi mal. L'Etat doit faire le nécessaire".

 
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