Mathilde Gauchier, chercheuse scientifique qui a réalisé sa thèse à Montpellier, fait partie des 14 lauréats du Prix Bettencourt, pour ses travaux sur les séquences répétées d'ADN, avec des conséquences possibles sur le traitement de maladies génétiques et de cancers.
Elle n'aime pas se mettre en avant. Et pourtant, c'est ce qu'il s'est passé, un peu malgré elle, mardi 1er décembre. Mathilde Gauchier était dans la liste des 14 lauréats du Prix Bettencourt pour les jeunes chercheurs, de la Fondation Bettencourt-Schueller, fondée en 1987 notamment pour attribuer des fonds pour la recherche. Les travaux de la chercheuse, passée par Montpellier, sur les séquences répétées et les éléments transposables de l'ADN qui peuvent, dans certains cas, provoquer des pathologies comme des maladies génétiques, de l'infertilité ou certains cancers, ont attiré le jury.
Elle était aux anges lorsqu'elle a appris la nouvelle. C'était une surprise : elle ne connaissait pas ce prix avant que l'Université de Montpellier n'envoie un mail. "J'ai peut-être réussi à transmettre ma passion pour les séquences répétées."
La Fondation Bettencourt Schueller s'est montrée dythirambique à propos de la jeune femme de 29 ans. "Ses travaux représentent un espoir pour la connaissance scientifique et le traitement de maladies génétiques et de certains cancers. Ils pourraient permettre de réguler les éléments transposables et d’imaginer des thérapies innovantes contre certaines maladies génétiques et contre le cancer.""C'est une surprise et un vrai coup de boost, surtout quand on débute. Ca m'encourage dans mes convictions, mes projets. C'est une grande fierté."
Une thèse effectuée à Montpellier
Mathilde Gauchier a grandi à Bollène (Vaucluse), entre Avignon et Montélimar. "A la maison, on était proche de la nature." Rapidement, elle se passionne pour la biologie et "la connaissance de la vie". "J'ai toujours été curieuse, j'aimais poser des questions."Naturellement, elle s'est tournée vers des études de biologie générale à Avignon : "J'étais fascinée par la dissection des mécanismes moléculaires." Puis elle a effectué un Master d'épigénétique et de génétique moléculaire à Grenoble. En Isère, elle étudie plus précisément l'organisation du génome humain et des techniques qui permettent de l'analyser. Un premier déclic.
Puis direction l'Hérault et Montpellier, où elle effectue ses stages de Master et de thèse. Tout se précise : Mathilde commence à s'intéresser aux séquences répétées et aux élements transposables, appelés "ADN poubelle". "Je me suis prise de passion, explique t-elle. Mes stages ont confirmé mon goût pour la recherche et la biologie."
Des recherches sur l'infertilité et le cancer
Elle s'est engouffrée dans une brèche qu'elle a envie d'explorer. "On connaît très peu de choses sur les séquences répétées. De plus en plus d'études montrent qu'elles régulent les activités du génome.""Je veux montrer comment ces répétitions d'ADN et l'instabilité de ces séquences peuvent participer à la progression de certaines pathologies comme l'infertilité, les maladies génétiques ou le cancer."
Elle poursuit : "Ce sont des gènes qui ne devraient pas être là. On ne sait pas quelle est l'origine de ces séquences, ce sont peut-être des virus qui ont envahi notre génome il y a des millions d'années."
"J'ai envie de comprendre cette variation génétique. Il y a encore beaucoup de verrous technologiques qu'il faudrait réussir à faire sauter pour mieux étudier ces gènes. Je veux également comprendre comment tout marche à un niveau non-pathologique."
Acquérir de l'expérience aux Etats-Unis
Sa passion se ressent dès qu'elle recherche le sujet. La chercheuse fait le métier qu'elle rêvait. "Je fais ce que j'aime. J'aime faire des hypothèses, mener l'enquête, comprendre comment ça marche. On apprend chaque jour de nouvelles choses et on se remet en question tous les jours. C'est un métier qui m'a tout de suite attiré", avoue t-elle depuis les Etats-Unis, où elle se trouve depuis fin octobre, après avoir travaillé au sein du laboratoire "Biologie des séquences répétées" à l’Institut de génétique humaine de Montpellier.A Bethesda, près de Washington, elle fait partie du laboratoire de Todd MacFarlane, au sein du NICHD/NIH (National institute of child health and human development). "Il aime la science. Il publie beaucoup d'articles sur l'évolution des génomes, sur les séquences répétées. C'est la science que j'aime bien. Ca a été assez naturel de postuler là-bas."
Aux Etats-Unis, où elle est en post-doctorat pour au moins deux ans, la Vauclusienne veut acquérir de l'expérience. "Je veux découvrir une autre façon, de nouvelles approches de voir la science, notamment au laboratoire." Le labo, elle va bientôt y mettre le pieds.
Revenir en France
Mathilde Gauchier se voit bien rester entre trois et cinq ans à Bethesda, avant "de revenir en France". "J'aimerais avoir un poste, une équipe, si j'en ai la maturité, avec laquelle je pourrai développer les idées que j'ai." Elle se voit bien enseignante-chercheuse.Alors qu'elle a évoqué les lauréates du Prix Nobel de chimie, Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, qui ont découvert un outil capable de simplifier la modification du génome, pour par exemple, soigner des maladies rares, la perche était tendue : Mathilde Gauchier se verrait-elle Prix Nobel un jour ? Non, selon l'intéressée. "Je ne cherche pas le Prix Nobel. Ce que je veux, c'est participer au progrès et à l'enseignement de la science.""La science, c'est la connaissance, on doit instruire, il faut partager ce qu'on apprend tous les jours. Vulgariser la science, c'est important dans notre métier."