Réfugiés afghans à Montpellier : l'ex maire de Ghazni et sa famille sont arrivés après un long voyage via la Macédoine

Comme de nombreuses familles, depuis la prise du pouvoir par les Talibans en Afghanistan, celle de Hakimullah Ghazniwal a fui le pays. L'ex-maire d'une commune du sud de Kaboul a trouvé refuge à Montpellier grâce à la mairie et au club de handball du MHB. Tous sont arrivés en avion dans la nuit.

La fatigue est là mais Hakimullah et 9 membres de sa famille foulent enfin le sol français... le tarmac de l'aéroport de Montpellier. Nous sommes jeudi 14 octobre, il est près de 3h du matin.
Accompagné de son épouse, de ses sept enfants et d'une belle-fille, il est de retour dans la capitale du Languedoc, 18 ans après sa première visite officielle en tant que maire de sa commune afghane.

Nous sommes très heureux d'être en France. Avec les Talibans, la vie en Afghanistan était très difficile. On n'était pas en sécurité.

explique l'un des fils avec quelques notions d'anglais.

Pour la famille, c'est la fin d'un long voyage, d'une attente angoissante, de la peur pour leur vie dans leur pays depuis le retour des Talibans à Kaboul et c'est aussi un nouveau départ.

La fuite a été la seule solution pour la sécurité de ces Afghans dont le père de famille était jusqu'au mois d'août dernier, conseiller du gouvernement déchu.

L'humanité, c'est ce qui dépasse les frontières. Depuis 2003, nous avons avec Montpellier une relation profonde. La Ville de Montpellier, a pris la main de notre famille, de nos enfants, pour leur ouvrir un espoir. Que la France garde toujours la tête haute et ses valeurs, et je lance un appel pour que ce pays ami ne laisse pas seul le peuple afghan. Je suis heureux et soulagé pour ma famille d'être ici, mais je pense très fort aux milliers d'Afghans qui restent aujourd'hui bloqués entre deux frontières dans une situation extrêmement difficile.

Hakimullah Ghazniwal, ancien maire de Ghazni, citoyen d'honneur de la ville de Montpellier depuis 2003.

VOIR notre reportage à Skopje en Macédoine.

La mobilisation de Montpellier... et du MHB

Cette opération de solidarité débute durant les vacances d'été. Le 21 août précisément, Hakimullah avait lancé un appel au secours, via l'adresse email générique de la ville de Montpellier : "Je suis l'ancien maire de Ghazni, en Afghanistan, et j'ai été très honoré de visiter votre ville et d'y recevoir la médaille d'honneur en 2003. Aujourd'hui, à Kaboul, (...) je sollicite votre aide d'urgence pour sortir du pays avec ma famille, car nous sommes en danger", disait-il, en s'adressant à Michaël Delafosse, maire PS de Montpellier.

Depuis ce jour, la municipalité s'est mobilisée pour faciliter sa sortie d'Afghanistan, avec l'aide de l'ONG Open Society. M. Ghazniwal et sa famille "figuraient sur la liste des personnes à évacuer, mais l'attentat (du 26 août) à l'aéroport de Kaboul n'a pas permis de leur délivrer un laissez-passer avant sa fermeture" explique la ville.

On a pas eu le choix. J'ai été obligé de partir d'Afghanistan, le danger était immense pour moi et ma famille.

Hakimullah Ghazniwal.

L'ex-maire afghan et ses proches ont finalement rallié en car Mazar-i-Sharif, dans le nord de l'Afghanistan, le 3 octobre, d'où ils ont pris un vol pour Tbilissi en Géorgie, le 8 octobre, puis un autre à destination Skopje.
Skopje, capitale de la Macédoire où, hasard du calendrier, le MHB, le club de hand de Montpellier, jouait mercredi soir une rencontre de Ligue des champions. Match remporté 31 à 25. Et où nos réfugiés étaient assignés à résidence dans un hôtel, surveillés 24 heures sur 24 par la police. Ils n'en sont sortis que sous escorte policière pour aller à l'aéroport.

Pour la dernière étape d'un périlleux périple, ce père de famille de 60 ans et les siens ont voyagé, depuis la Macédoine, à bord de l'avion du club de handball de Montpellier qui ramenait les joueurs à la maison.

Après 2h30 de vol, à l'arrivée à Montpellier, un coup de tampon à la douane et ils ont le sourire... pour eux, c'est le début de la liberté et d'une nouvelle vie.

Je suis très heureuse d'arriver à Montpellier. Mon père m'a si souvent parlé de cette ville de France.

Une des filles Hakimullah Ghazniwal.

L'histoire débute en 2002

Les liens entre cet ex-maire de la commune de Ghazni et Montpellier remontent il y a 18 ans. Dans la foulée du 11 septembre 2001, les Talibans sont chassés du pouvoir par une coalition internationale et Georges Frêche, alors maire de Montpellier depuis 1977 entend participer à la reconstruction de l'Afghanistan.

En 2002, une délégation montpelliéraine se rend sur place, puis des autobus sont envoyés à Ghazni, à 150 km au sud de Kaboul. C'est là que le maire de Montpellier fait la connaissance d'Hakimullah. Puis en 2003, le maire de cette localité afghane est reçu à Montpellier et y reçoit la médaille de la ville des mains de Georges Frêche. 18 ans après, il vient y trouver refuge.

Une réception à la mairie était organisée ce jeudi soir en présence du maire Michaël Delafosse.

Quel avenir pour la famille ?

En sécurité à Montpellier, la famille "invitée par la ville" est logée dans un hôtel avant de trouver une solution plus pérenne, une maison mise à disposition. Elle va ensuite devoir effectuer de longues démarches administratives pour pouvoir rester en France. L'autre priorité, c'est l'apprentissage du Français, indispensable pour bien s'intégrer. Car les 10 réfugiés ne parlent que le Persan et quelques mots d'Anglais.

Retour sur 50 jours de tractations diplomatiques

23 août 2021 : Suite à l'appel à l'aide envoyé par mail par Hakimullah Ghazniwal, ancien maire de Ghazni, le Maire de Montpellier demande immédiatement  à son directeur de cabinet de contacter le Quai d’Orsay. Les premiers contacts sont pris immédiatement au sortir d'une réunion de travail consacrée à l'accueil des réfugiés afghans et réunissant la diaspora afghane de Montpellier.  Notamment via les contacts collectés pendant l’organisation du Nouveau Sommet Afrique France. Parallèlement, le premier contact avec Hakimullah Ghazniwal est pris. Le premier message de Masihullah Ghazniwal, qui gère le téléphone de son père, est le suivant : « La situation en Afghanistan se détériore chaque jour et nos vies sont en danger parce que mon père Hakimullah Ghazniwal a travaillé au gouvernement afghan pendant de nombreuses années et a servi son peuple. ».

24 août : Le travail de constitution d'un dossier pour le Ministère des Affaires étrangères s'enclenche pour permettre leur départ. Il s'agit de qualifier la réalité du danger que court la famille Ghazniwal et de souligner ses liens avec la France. Les dix jours du 23 au 31 août sont très difficiles car tous les dossiers parvenant au Quai d’Orsay sont urgents et la situation autour de l’aéroport très confuse.

25 août : Le dossier est discuté avec David Martinon, ambassadeur de France pour l'Afghanistan, avant son retour en France avec les derniers ponts aériens. Plusieurs autorités confirment que la famille Ghazniwal figure sur la liste des personnes à évacuer mais la fermeture de l’aéroport de Kaboul empêche leur rapatriement.

31 août : Malgré les attentats à l’aéroport et le retrait des troupes américaines, un contact permanent est maintenu par la Ville de Montpellier avec la famille Ghazniwal. L’hypothèse alors travaillée est celle d’une fuite de l’Afghanistan pour rejoindre la France par un pays tiers.

13 septembre : Un contact est établi avec la Directrice du programme mondial « Welcoming and Inclusive Cities » de Open Society Foundations (OSF) qui mène des opérations en Afghanistan. La situation de la famille Ghazniwal est présentée sans que l’on puisse trouver une solution immédiatement, mais avec une hypothèse, un dernier vol pouvant être organisé dans les prochains jours.

24 septembre : Dans la nuit, à exactement 2h53, l'ONG propose une solution de vol pour partir dans les prochains jours. L’ONG prévoyait d’organiser un vol initialement pour des étudiants mais qui va finalement accueillir 149 personnes d’horizons et de destination diverses : anciens membres du gouvernement, juges, acteurs d'ONG, militants de la cause LGBTQI+ ou des droits des femmes. Il reste 10 places dans cet avion, et la famille Ghazniwal peut embarquer à la condition d'obtenir des visas ou un équivalent. A partir de cette date, un contact permanent est établi avec la cellule de crise de notre diplomatie pour obtenir des laissez-passer pour les 10 membres de la famille Ghazniwal.

25 septembre : Le plan de vol semble acté avec un départ proche en bus pour Mazar-e-Charif avant d’embarquer pour un vol vers la Serbie. Toutefois, les nombreux contacts avec les autorités serbes finissent par échouer et l’ONG fait le choix de retravailler avec un pays qui a déjà beaucoup accueilli d’Afghans en transit, la Macédoine. Le vol fera finalement Mazar >Tbilissi >Skopje. Le bus est régulièrement annoncé mais partira finalement le 3 octobre à 9h du matin direction Mazar-e-Charif au nord de l’Afghanistan. Il arrive moins de douze heures plus tard dans une pension connue par l’ONG à Mazar. L’accueil est rudimentaire et la situation va devenir critique lorsque 10 talibans entrent dans l’hôtel et discutent longuement avec le tenancier. Les 149 personnes présentes sont inquiètes de ne jamais réussir à partir.

27 septembre : Le Maire de Montpellier signe les documents d'accueil de la famille, envoyés à l’ONG, garantie indispensable pour inscrire les 10 membres de la famille sur le plan de vol. Le bus pour Mazar-e-Charif, ville de départ du vol, est reporté à plusieurs reprises.

1er octobre : En fin de journée, après des dizaines de mails et d’appels à toutes les personnes décisionnaires sur le dossier, après avoir dû compléter le dossier avec des dizaines de nouveaux documents (photos officielles, contrats de mariage, …), des laissez-passer sont obtenus. Entre temps, les dix afghans ont quitté Kaboul pour Mazar-e-Charif.

7 octobre : A 10h, l’information d’un vol imminent est confirmée. Les bus arrivent 15 minutes après et l’embarquement pour l’aéroport se fait immédiatement. A 14h, ils embarquent dans un vol de la compagnie Kam Air. Après un passage par Tbilissi, ils seront à l’hôtel à Skopje à 3h du matin, le vendredi 8 octobre. A Skopje, les familles seront prises en charge par la Croix Rouge en attendant de pouvoir obtenir des visas et un billet pour leur pays de destination. Aisha Ghazniwal, qui est interne en médecine, participe activement à l’opération et aide la Croix Rouge avec les 149 personnes qui n’ont pas le droit de quitter l’hôtel. L’hypothèse d’un vol dès le lendemain pour la France n’est pas retenue, le laissez-passer obtenu pour quitter l’Afghanistan n’est pas valable sur le seul européen. Il faudra donc prendre le temps d’obtenir un visa.

12 octobre : A 10h, la famille Ghazniwal est reçue par l'ambassade de France en Macédoine pour déposer leur dossier de visa. L’engagement des différents ministères à traiter la demande en priorité permet de partir du principe qu’ils obtiendront leur visa dès le 12 ou au pire le 13 octobre.

13 octobre : C'est la date du match entre Skopje et le club de handball de Montpellier sur le sol macédonien. L’idée de les faire rentrer avec le vol du MHB germe naturellement. Elle sera rendue possible par une parfaite coopération avec le club. Club que la famille Ghazniwal avait soutenu le 12 mai 2003 lors d’un match contre Créteil où le MHB l’avait emporté 28-22

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