La nuit, les rosés sont gris. Les vendanges commencent en Camargue, où certains viticulteurs récoltent à la tombée du jour, pour garantir la fraîcheur et les arômes d'un vin de plus en plus plébiscité.
"C'est tout le fruit de notre travail de l'année", lance Alban Bechard depuis sa machine à vendanger. Un accent à couper au couteau et une voix saillante qui couvre à peine le vrombissement de son alliée de la nuit. Pendant un mois, il parcourra le domaine du Jarras entre 20h et 4h du matin avant la relève, pour récolter les grappes du millésime 2022. "Une bonne année", prédit d'ailleurs le directeur du domaine Bruno Mailliard.
Entre tradition et anticipation, les vendanges de nuit ont de quoi surprendre. Au milieu des 3000 hectares du domaine, seuls les rayons de la lune (quand elle est là) éclairent des vignes plongées dans l'obscurité. Lampes torches, phares et caméras infrarouges aiguillent alors les vendangeurs tout au long de leurs incessants allers-retours parmi des pieds de vignes bien garnis. En pleine canicule, ces récoltes nocturnes sont les bienvenues. "Il fait quand même plus frais", jugent les vendangeurs. Moins de 25°C la nuit, quand les températures grimpent facilement au dessus de 30°C en pleine journée.
Acidité, sucre et arômes
Un mois durant, les vendangeurs du domaine tirent un trait sur leurs nuits de sommeil, pour chausser leurs bottes et prendre les commandes de leurs tracteurs. Parce que le vin rosé, qu'il soit servi à l'apéro, en terrasse ou entre amis, ça se boit frais. C'est à cette fin que les grappes sont récoltées une fois le soleil couché. Récoltés sous la barre des 25°C, les fruits sont plus frais qu'en pleine journée, et conservent donc leurs arômes. "Quand on ramasse un raisin à faible température, on va en extraire moins de couleur", détaille Julien Fort, en dévoilant la pulpe blanche d'un grain qu'il vient de ramasser. "Le goût du fruit frais se retrouvera dans le vin.", ajoute le viticulteur. "Si on vendangeait la journée, on aurait des goûts plus compotés, plus confiturés", détaille le directeur du domaine.
Demande exponentielle
Les viticulteurs du domaine expliquent aussi répondre à une demande croissante. Le marché du rosé est en plein essor, avec une population française toujours plus demandeuse. Premier producteur de rosé, l'hexagone reste surtout son premier consommateur, avec plus d'un tiers de la production totale consommée en France (35%), bien devant les Etats-Unis (15%) et l'Allemagne (7%) en 2019 selon des chiffres publiés par l'Observatoire Mondial du Rosé. "Le marché est très porteur, et les consommateurs veulent des fins frais, avec une aromatique élégante et simple. Ce sont des vins de plaisir". Avec modération, toujours.