Témoignage. "Trente ans après, c'est toujours aussi douloureux" : Rose-Marie Couchey, Rwandaise, raconte "l'horreur" qu'a connue sa famille

Publié le Mis à jour le Écrit par Bucero Lanzi Carla

Rose-Mary Couchey est née au Rwanda. Elle se bat pour faire connaître l’histoire de son pays avec son association Alliance Montpellier-Kigali. Ce samedi 11 mai, une stèle en mémoire des victimes du génocide est inaugurée. Un premier combat gagné pour cette femme qui a vécu ce drame loin des siens.

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"Je suis une rescapée indirecte", c’est ainsi que Rose-Marie Couchey se définit. Née au Rwanda dans les années 70, elle vit à Montpellier depuis de nombreuses années. Un mètre 65, cheveux attachés, sourire aux lèvres, elle est heureuse de pouvoir parler de son pays et de son histoire.

Mon ethnie était persécutée. Par exemple, je ne pouvais plus suivre ma scolarité. On était pourchassés par les Hutus.

Rose-Mary Couchey, "rescapée indirecte" du génocide rwandais

Lors de notre rencontre, elle porte une robe noire où elle a "commencé à dessiner sur les manches le logo de l’association Kwibuka. En kinyarwanda, cela veut dire 'souviens-toi'."

Rose-Marie s'assoit et son visage prend un air grave. "Les mots me manquent quand je commence à parler du Rwanda." Après une grande inspiration, elle commence à nous raconter son histoire.

“Trente ans après, c’est toujours douloureux”

Après une enfance passée à Kigali, l’insouciance s’arrête à cause des tensions grandissantes dans son pays depuis les années 60 et la révolte des Hutus. Cette ethnie majoritaire violente une autre minorité, les Tutsis. La jeune femme est contrainte à l’exil à l’âge de 18 ans car elle est tutsie.

Sa famille réussit à l’exfiltrer au Burundi en 1987 avec l'aide de Front Patriotique Rwandais. Dans ce pays limitrophe l'ethnie tutsi vit les mêmes persécutions. Son chemin d’exil se poursuit. Elle arrive en Tanzanie et termine sa scolarité. Elle prend la nationalité de ce pays d’accueil avant de rejoindre le Togo, puis le Cameroun où elle posera ses valises avec son mari.

Elle parvient à faire venir certains membres de sa famille : sa mère, son frère, sa sœur et une amie d’enfance. Pour des raisons personnelles, ils décident de rentrer au Rwanda en juillet 1993. Un an jour pour jour avant le début du génocide. "Je n’ai pas réussi à les sauver, confie Rose-Mary. Trente après c’est toujours aussi douloureux."

À la fin de cette même année, elle continue son exil et arrive à Toulon. "Je trouve un emploi à la mairie et je construis ma vie." Une vie loin des siens alors que la situation au Rwanda s’aggrave chaque jour.

"Je n’avais aucune nouvelle de ma famille"

Elle apprend en regardant la télévision l’"horreur" que vit son ethnie. "Je n’avais pas de moyens de communication. Je n’avais aucune nouvelle de ma famille. J’ai donc décidé d’arrêter de regarder les reportages télévisés. C’était très dur, j’étais très stressée et en dépression."

Son frère et ses deux petites sœurs survivront aux massacres "mais à quel prix". Le reste de sa famille, ses amis ont disparu : "On n'a pas pu enterrer les nôtres. C’est terrible. Mon frère a été emprisonné pendant le génocide puis pourchassé à l’étranger lorsqu’il a fui. Il n’en parle jamais. Il est traumatisé." Quant à l’une de ses sœurs, “aujourd’hui, elle a une vie de famille. Ça va."

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Rose-Mary évoque son premier retour au Rwanda depuis son exil en 1987. ©France télévisions

Même si elle n’a pas vécu de près le conflit, le vivre de loin a été une épreuve quotidienne, ses enfants en bas âge, lui ont "permis de tenir, ainsi que mes collègues."

"J’y suis retournée plusieurs fois"

Malgré l’éloignement, elle va se battre à son échelle en parlant du génocide autour d’elle. D’abord en parlant de cette tragédie, puis en organisant des soirées culturelles rwandaises et enfin en créant son association à Montpellier, il y a un an. "Alliance Montpellier-Kigali a pour mission en plus de faire connaître ce pays ou d’organiser des soirées culturelles, de mettre en avant les femmes rwandaises. L’objectif est de pouvoir les aider à se reconstruire. Sans elles, le pays ne se serait pas reconstruit."

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Rose-Mary confie sa difficulté à pardonner trente ans après. ©France télévisions

C’est dans cette dynamique qu’une stèle va être inaugurée ce samedi 11 mai au jardin de la Paix. "C’est magnifique, ce sera un lieu de recueillement pour les rescapés ou les descendants, mais pas seulement. C’est une vraie reconnaissance et sans l’action de la Mairie cela aurait été impossible."

Elle se réjouit aussi de la médiatisation du génocide, de l'implication des artistes aussi : "une nouvelle génération a déjà entendu parler du Rwanda grâce aux différents reportages et documentaires."

Rose-Mary ne compte pas s’arrêter à une seule stèle. "Je vais démarcher de nombreux élus et pourquoi pas écrire un livre ! C’est le début d’une nouvelle dynamique !" Vivre au Rwanda ? "J’y suis déjà retournée plusieurs fois. Je songe même peut-être y vivre une partie de l’année." 

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