Alors que le rugbyman de Béziers Taleta Tupuola doit être jugé, mercredi 13 novembre 2024, pour violences conjugales, le sociologue du sport, Seghir Lazri, revient sur l'impact du rugby et des valeurs qu'il véhicule sur certains comportements.
Le club de rugby de Béziers traverse une crise. Le joueur, Taleta Tupuola, trois-quarts centre d’origine néo-zélandaise, sera jugé mercredi 13 novembre 2024 pour violences sur son épouse. Mis à pied sur décision de Robert Ménard, maire de Béziers et propriétaire du club, il est soupçonné de faits de violences sur sa femme le 5 octobre dernier. Des violences qui auraient entraîné une incapacité de travail de six jours pour sa compagne.
Pour le sociologue du sport Seghir Lazri, une prise de conscience doit se faire dans ce sport où les violences envers les femmes sont plus présentes qu'on le pense, entre violences conjugales pouvant aller vers le féminicide et les agressions lors des troisièmes mi-temps.
Virilité et culte du corps
Ce sport favorise-t-il les comportements violents ? "Le rugby, c'est un sport de combat. Il propose une forme de masculinité qui s'impose également dans les relations que les joueurs entretiennent", souligne Seghir Lazri, auteur de la thèse Être racisé en ovalie publiée à l’Iris EHESS. "C'est un héritage de l'histoire du rugby. La masculinité règne dans le rugby". En effet, cette pratique, née en Angleterre au milieu du 19è siècle, visait à inculquer aux garçons issus des classes sociales supérieures des manières de penser et d'être propres à leur caste.
Dans cet univers rempli de virilité et où le culte du corps est omniprésent, les femmes ont une place particulière dans la vie des rugbymen. "Elles s'adaptent au mode de vie de leurs conjoints. Elles vont faire des choix de vie et professionnels en fonction d'eux, donc ça forme un sentiment de domination", détaille le sociologue.
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Il y a aussi la perception des femmes dans ce qu'on appelle dans le rugby "la troisième mi-temps". Ces excès répétés entre alcool, drogue, violence physique et sexuelle. "Les femmes des joueurs ont le stigmate très masculiniste. Leur représentation dans ces espaces est parfois réduite. Elles ne sont pas présentes dans cet espace de festivités. Elles sont là lors des matchs pour soutenir leur conjoint, mais c'est tout", précise le sociologue.
Dans le foot, on n'exalte pas la culture du masculiniste. On essaie de contrôler le comportement des athlètes, mais pas dans le rugby
Seghir Lazri, sociologue du sportFrance 3 Occitanie
"Le rugby favorise les comportements d'excès pour produire des performances, notamment avec cette troisième mi-temps. Il y a une forme d'analogie avec l'espace public et privé", explique-t-il en continuant : "Le rugby produit des représentations avec un entre-soi invisible, donc c'est une forme de violence".
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Si ces constats peuvent se faire dans le sport en général, la présence de la troisième mi-temps dans le rugby continue de faire dominer le masculinisme. "Dans le foot, on n'exalte pas la culture du masculiniste. On essaie de contrôler le comportement des athlètes, mais pas dans le rugby", donne-t-il comme exemple.
La lente déconstruction des rapports de force
Autour du rugby, il y a aussi toute une culture. "Quand on va voir un match de rugby, ce n'est pas que du sport. C'est un imaginaire lié à l'image du rugby qu'on se fait. On retrouve certaines traditions territorialisées. Il y a tout un imaginaire autour du rugby", décrit Seghir Lazri. Un imaginaire à déconstruire autour des valeurs du rugby, dans le but d’abattre les rapports de pouvoir. "Il reste dans le rugby des résidus de masculinisme dominant assez importants. On adopte des codes en suivant les sports. Ça fédère, mais ça reproduit des comportements de masculinité dominante", ajoute-t-il.
Bien entendu, il est important de rappeler que tous les rugbymen ne sont pas violents. Mais ces comportements doivent inviter le plus grand nombre à se remettre en question sur ce qu'apporte le sport.