Frappés par le norovirus en plein pic d’activité annuelle, fin décembre, les conchyliculteurs du bassin de Thau estiment à près de 7 millions d’euros les pertes liées à un mois d’interdiction de récolte et de vente de leurs coquillages. Même si la commercialisation a repris, les consommateurs peinent à revenir et misent à présent sur les aides des collectivités pour rebondir.
Un mois après la réouverture de l’étang de Thau, frappé par le norovirus en pleines fêtes de fin d’année, les ostréiculteurs font leurs comptes. Les pertes sont estimées à près de 7 millions d’euros et l’Etat n’indemnisera pas la filière par le mécanisme de catastrophe naturelle, car la contamination du milieu est d’origine humaine. La filière table à présent sur les aides débloquées en urgence par les collectivités pour sortir la tête de l’eau.
Car les clients peinent à retrouver le chemin des étals, comme l’explique Laurent Arcella, le secrétaire du Comité Régional de Conchyliculture de Méditerranée (CRCM) et producteur à Loupian (Hérault).
Médiatiquement, on en a beaucoup parlé, d’autant qu’il y a eu des problèmes aussi sur la côte Atlantique. Ça a freiné la consommation. Sur les marchés de plein vent, on observe une baisse d’environ 50%. Sur les sites de dégustation autour du bassin de Thau, c’est moins grave mais la fréquentation aussi est en baisse.
Laurent Arcella, secrétaire du Comité Régional de Conchyliculture de Méditerranée (CRCM)
Communiquer pour reconquérir la clientèle
Julien Jamma, ostréiculteur à Bouzigues, confirme : "depuis la réouverture, on continue à perdre du chiffre d’affaires, entre 50 à 70%. Les consommateurs ont perdu confiance".
Réunis vendredi 17 février pour un point d’étape, les professionnels, les collectivités et la préfecture ont acté le financement d’un plan de communication afin de rassurer les consommateurs. Une campagne d’un coût de 145000 euros qui devrait démarrer début mars dans les régions Occitanie, Sud (ex-Provence-Alpes-Côte d’Azur) et Auvergne-Rhône-Alpes. Objectif : faire revenir les consommateurs d’ici les vacances de Pâques, peut-être avant.
Les 460 conchyliculteurs du bassin de Thau vont aussi bénéficier d’aides directes et indirectes. Le conseil départemental de l’Hérault a promis un million d’euros réparti en trois volets :
- 35000 € d’aides à la communication dans le cadre de ladite campagne
- 90000 € d’exonérations de droits de tables
- 875000 € d’aides directes
Aides directes et indirectes
Yvon Pellet, le vice-président du Département délégué à l’Agriculture et à l’Economie rurale, veut aller vite.
Quand il y a une crise, l’important ce sont les besoins immédiats du producteur. Il faut aller très vite. On a souhaité mettre en place une aide directe sur justificatifs, bonifiée pour les jeunes, car on part du principe qu’une entreprise qui démarre n’a pas forcément la trésorerie pour se relever.
Yvon Pellet, vice-président du conseil départemental de l’Hérault délégué à l’Agriculture et à l’Economie rurale
Le conseil régional et l’agglomération de Sète Agglopôle verseront également chacun un million d’euros. Ces deux collectivités ont également débloqué respectivement 920000 euros et 300000 euros sous forme de prêts d’honneur à taux zéro et d’aides remboursables.
Et pour le plus long terme, les communes de Sète Agglopôle entameront d’ici fin 2024 des travaux sur le réseau d’assainissement, afin que les eaux usées ne viennent plus polluer la lagune. Enfin, l’Etat entend accentuer sa lutte contre la cabanisation autour de l’étang, également à l’origine de nuisances environnementales sur le bassin versant.
Plainte pour atteinte à l'environnement
Une solidarité bienvenue, mais qui n’a pas empêché les professionnels de maintenir leur plainte pour atteinte à l’environnement contre X et envers Sète Agglopôle et la société Thau Maritima, gestionnaire du réseau d’assainissement. Cette procédure, enclenchée dans le cadre des articles L.216-6 et L.432-2 du code de l’environnement concernant le délit de pollution des eaux, est une première en Méditerranée. Laurent Arcella attend beaucoup de cette procédure : "on veut une réponse concrète et claire sur d’éventuels dysfonctionnements ou façons de travailler dans les stations d’épuration : qui est responsable ?"
De son côté, l’agglomération de Sète Agglopôle, dans un communiqué publié sur son site internet et intitulé « Soutien aux conchyliculteurs du bassin de Thau », rappelle qu’elle a déjà engagé d’importants travaux de réduction des rejets d’un montant de 19 millions d’euros, à quoi s’ajoutent les 65 millions investis dans la nouvelle station d’épuration en cours de construction à Sète. Elle précise : "Si des incidents ont été enregistrés au cours des pluies du 15 décembre dernier, ceux-ci sont sans commune mesure avec les déversements qui ont pu survenir par le passé. Aucune alerte n’a d’ailleurs été déclenchée suite à ces épisodes et des ouvrages comme le bassin de stockage-restitution de Marseillan ont démontré leur efficacité".
L’enquête sera longue, "sans doute 4 à 5 ans" selon Laurent Arcella.