Ancien élu régional, Silvain Pastor s'est fait arrêter à Sète le 28 octobre dernier en marge d'une manifestation. Grâce à une vidéo que France 3 Occitanie a pu visionner, nous retraçons cette interpellation plus que musclée.
De tous les retours médiatiques envisageables, Silvain Pastor n'avait pas imaginé celui-là. D'ailleurs, il n'en aurait préféré aucun. Autant dire que l'ancien élu régional et municipal de Nîmes - disparus des radars depuis dix ans - se serait passé volontiers d'une arrestation, puis d'une garde à vue, le 28 octobre 2023.
Manifestation interdite
Ce jour-là, les membres du collectif Bancs Publics se réunissent - comme chaque samedi depuis plusieurs mois - sur le chantier de la place Aristide-Briand de Sète dans l'Hérault pour manifester leur opposition au projet de parking voulu par la municipalité à cet endroit. Comme chaque samedi depuis plusieurs mois, ce rassemblement n'est pas autorisé. Mais comme chaque samedi depuis plusieurs mois, les manifestants entonnent en chœur plusieurs chants contre la mairie et son projet "écocide", devant des policiers vigilants que le cortège ne pénètre pas sur le chantier. Habituel jeu du chat et de la souris. Toujours bon enfant entre police et manifestants... jusqu'au samedi 28 octobre.
Interpellation
Désormais domicilié à Sète, Silvain Pastor décide de se greffer à la manifestation cette fois-là. Il connaît bien ce collectif dont il soutient la cause. Certains le reconnaissent, il passe une fois par mois. Le grand gaillard, au passé politique connu de ses compères, se joint au cortège qui parvient cette fois-ci à rentrer sur le chantier. C'est une fois dehors, sorti par la police, que la situation dégénère.
Ce qu'on voit dans la vidéo
La vidéo, que France 3 Occitanie a pu visionner, dure neuf minutes. Au début, Silvain Pastor se tient debout, mains dans les poches, casque autour du cou, et discute avec un homme : un agent de la Brigade anticriminalité (Bac) de Sète, habillé en civil. "Il ne savait absolument pas que c'était un policier, il ne s'est signalé à aucun moment", avance l'avocat du sympathisant écologiste, Stéphane Fernandez.
Là, un autre policier en civil de la Bac s'approche. Leur échange est inaudible, mais la vidéo montre clairement le deuxième policier coller son front à celui de Silvain Pastor. En réponse, ce dernier pousse le policier pour l'écarter, en lui mettant la main au visage. "Un doigt dans l'œil" sera retenu dans le procès-verbal. Le geste déclenche l'ire des agents, qui donne un coup de pied à Silvain Pastor avant de l'interpeller.
"Venus pour en découdre"
"On voit au début de la vidéo que Silvain est calme, il a les mains dans les poches et discute avec l'un d'eux. Ils sont les premiers à provoquer. Ils sont clairement venus en découdre avec un gars plus costaud que les autres", argumente Stéphane Fernandez. Les policiers sont effectivement les premiers à faire un geste dans la vidéo.
Une version à nuancer, cependant, car nous n'entendons à aucun moment ce que les trois hommes s'échangent. Néanmoins, les agents ne portent à aucun moment de la vidéo un brassard de police, même pendant l'interpellation. Une obligation pourtant.
Rien d'anormal dans cette interpellation.
Fabrice Aebi, policier délégué syndical
"Ils se sont déclarés policiers en arrivant sur la manifestation. De toute façon, Silvain Pastor connaissait très bien leur fonction puisqu’ils opéraient en collaboration avec la police municipale", défend Fabrice Aebi, délégué du syndicat Unité SGP Police Force Ouvrière 34, qui s'est entretenu avec un des deux agents auteur de l'interpellation avant nous répondre. "Rien d'anormal selon moi dans cette interpellation, d'autant que Silvain Pastor vociférait et ne montrait absolument aucune coopération", ajoute le délégué syndical.
Trajet "horrible" et "cellule indigne"
De l'interpellation jusqu'à la voiture, l'ancien élu écologiste se débat, demande à voir la plaque des policiers, refusant de monter dans le véhicule avant d'y être contraint, moment où il hurle de douleur. Le trajet qui s'ensuit jusqu'au commissariat sera "horrible" selon les mots de son avocat. Silvain Pastor aurait essuyé à son encontre tutoiements, insultes et autres coups de poing.
Du samedi au dimanche, il passera 24 heures en garde à vue dans une cellule "indigne". Excréments et crachats séchés sur le mur, toujours selon son avocat. "Je pense qu'il en rajoute, le commissariat de Sète n'est pas mieux ou plus mal entretenus qu'ailleurs" répond Fabrice Aebi, qui a travaillé vingt ans dans ce commissariat.
Présence de la BAC en question
Au-delà de la vidéo de l'interpellation, une autre chose interroge. Celle de la présence de la brigade anticriminalité sur une manifestation réputée pacifiste, réunissant majoritairement des militants âgés, tandis que Sète est sujette à des trafics de drogues, et que la ville de l'Hérault est pointée pour son manque d'effectifs de police.
Une volonté de museler l'opposition municipale et écologiste.
Stéphane Fernandez, avocat de Silvain Pastor
Là où Stéphane Fernandez considère leur présence comme "une volonté de museler l'opposition municipale et écologiste", Fabrice Aebi la justifie tout autrement. "Ce jour-là, la BAC est arrivée en renfort car quelques manifestants avaient bloqué les policiers municipaux sur le chantier." Cette affirmation n'est pas vérifiable dans la vidéo. "De toute façon, il est tout à fait normal que la Bac se déplace sur une manifestation, qui plus est non autorisée, pour s'assurer de tous débordements ou mises en danger".
Plaintes, et procès le mois prochain
Silvain Pastor, via son avocat, a fait savoir qu'il avait déposé plainte contre les agents de la BAC, et contre le maire de Sète François Commeinhes, bien que la BAC dépende de la police nationale. "Nous portons plainte contre le maire puisqu'il est responsable de ce qu'il se passe sa commune, surtout quand sa police municipale assiste sans rien faire à une arrestation aussi violente qu'injustifiée" explique l'avocat.
Silvain Pastor passera le 14 décembre devant un juge unique du tribunal correctionnel pour, entre autres, outrage à agents et rébellion.