Littérature : Maria Pourchet dégaine son « Western » lotois

Elle flingue à tour de bras. Tout y passe : la domination masculine, le féminisme, le vedettariat, l’influence des médias et des avocats, l’opinion publique versatile. Le méchant n’est pas forcément celui qu’on croit et il n’y a jamais de vrai vainqueur. Comme dans les films de cow-boys et comme chez Molière aussi.

Pas étonnant donc que « Western » débute à Paris en pleine répétitions finales d’un « Don Juan » dont toute la presse bruisse. Machisme, jeu de la séduction où c’est toujours l’homme qui gagne, les codes de la pièce de Molière vont bel et bien être  bouleversés par l’un des personnages centraux du livre, le comédien en vogue Alexis Zagner.

Rusée comme une sioux, Maria Pourchet aime brouiller les pistes. Sinon comment relier ce qui semble être parti comme une histoire de bobos parisiens mettant en scène des acteurs de théâtre aux dents longues et la roche lotoise qui pourrait être celle du Colorado ? Et qui a dit que le western était un truc de mecs ?``

Si le Western est un genre, c’est le féminin. Il articule en un seul trajet l’idée du destin, l’idée du tragique de la condition humaine à celle de la plus fascinante liberté. C’est quoi, tout ça en une seule forme, sinon une femme.

Ne jamais se fier aux apparences quand on commence un livre de cette sociologue de formation. Tous ses romans ont été écrits sur les Causses du Lot et où elle chercherait une maison. Du moins si l’on en croit le beau portrait de l’auteure par Virginie Bloch-Lainé dans Libération.

Far West ? Non, Sud-Ouest !

Mais qu’est-ce qui va conduire Alexis le bellâtre vers l’ouest (non le Far-West mais le sud-ouest) ? La fuite ? En partie. « Tout va bien. J’ai trouvé un endroit qui me donne envie d’y vieillir ». Deux phrases sur une carte postale adressée à sa mère peuvent aussi aider à comprendre l’eldorado choisi. Ou là encore nous mettre sur une fausse piste.

Seulement Aurore, mère célibataire, « abîmée » très tôt par la vie, mais en rémission, avait déjà trouvé le filon la première et s’interroge :

Pourquoi cette maison. Le Lot pullule de baraques à vendre autrement mieux rénovées, et l’Aveyron aussi. Vous êtes allé faire un tour en Aveyron ? C’est juste à côté. Et lui de faire encore une réponse sans réponse dedans, suggérant qu’il en va des pierres comme des amours et des choix sans raison. Quand c’est comme ça, le cœur part devant. On ne sait jamais pourquoi elle, pourquoi lui et surtout pourquoi pas l’autre.

Dans le sud-ouest comme au Far-West, quand l’étranger ou l’inconnu débarque quelque part, il faut qu’il se fasse accepter. Or « Aurore ne vient jamais au café et n’achète pas de pain, c’est toujours inquiétant les gens qui ne mangent pas de pain, comme ceux qui n’ont pas d’amis ». Le principal étant, comme à l’époque des shérifs et des cow-boys, de ne « pas vouloir d’histoires ». Ce qui est son cas.

Seulement quand elle apprend qu’elle héberge une « star » en cavale, les chasseurs de prime (médiatique) sont déjà en route. Peut-être Alexis veut-il tout simplement qu’on lui foute la paix ? Avec Aurore, ça leur ferait un point commun. A quoi ressemblent leurs existences pour en être arrivés là ? Chacun veut savoir et interroge l’autre. Auparavant ils ont fait l’amour ou plutôt, comme le dit Aurore « ils se sont obtenus ».

Après les chasseurs de prime, c’est le Marshall (procureur de la République plutôt) qui va se mettre sur la piste d’Alexis. La presse fait de son dossier un nouveau « #MeToo ». Lui ne veut pas lire ce qu’on raconte. Jusqu’à quand ?

Cow-boy à terre

En attendant, le cow-boys en prend pour son grade. « N’est-ce pas souvent cela un héros de western, une merde autonome, un queutard ? Qu’il sache ouvrir des coffres avec une pelle, chevaucher debout et faire le pitre masque en la montrant sa nature de brigand et signifie son devenir de paria. Que ferait-il dans les déserts s’il était encore désiré ailleurs ? »

Pas de duels mortels dans ce « Western ». Les réseaux sociaux les ont remplacés. Mais un style sec et puissant tel un coup de fouet ou d’éperon. Des phrases qui sifflent comme des balles qui ricochent. Il n’y a pas de gras dans l’écriture de Maria Pourchet. Pas même 300 pages mais chacune est dense comme un plan de Sergio Leone.

"A quelques soixante kilomètres, la gare de Cahors s’apprête à recevoir le train Intercités parti de la gare d’Austerlitz à 15h40. L’attendent des familles, des adolescents, des dames seules et des chauffeurs de taxi, qui, les yeux sur l’horizon noir, sur le ballast ou sur les panneaux d’annonce selon sa poétique personnelle, restent attentifs aux différents frémissements annonciateurs. On peut frémir en effet. Dans le Western, le rail est aussi vivace que les montagnes, aussi présent. Il est l’élément du destin, il assure la rencontre, exposant les habitants d’un ouest à l’arrivée de tout et n’importe quoi. Le train, on ne sait jamais qui va en descendre, nouvelles richesses ou nouvelles menaces, des hommes ou des bêtes, ou pire, un mélange des deux", Maria Pourchet "Western", éditions Stock.

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