Coronavirus : quand le Washington Post met en lumière la Lozère, épargnée par un "confinement permanent"

Photo reporter plus habituée à travailler au Moyen-Orient qu'en France, Emilienne Malfatto s'est retrouvée confinée sur la terre de ses ancêtres, dans une Lozère relativement épargnée par le COVID-19. Elle en a fait un photo reportage que le Washington Post publie dans un spectaculaire grand format.

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Quand les Américains posent leurs yeux sur la Lozère, c'est à travers l'objectif d'une descendante de Lozériens. A travers les photos d'Emilienne Malfatto, dont la mère est originaire du département, et les textes de James Mc Auley, le Washington Post explore dans un époustouflant grand format les raisons pour lesquelles ce territoire rural a été relativement épargné par le coronavirus.
 


De l'Irak au retour aux sources en Lozère


D'habitude, son objectif se pose sur les zones reculées d'Irak et les événements du Moyen-Orient. Entre deux reportages, c'est à Montpellier qu'elle reprend son souffle. Mais ce fameux weekend du 15 mars, Emilienne Malfatto avait décidé d'aller le passer dans la famille de sa mère, en Lozère. "Prise de cours par la pandémie", deux jours plus tard elle s'y retrouvait confinée. Alors elle a pris son appareil photo :
 

Avouons-le, ça m'a permis d'être dehors, d'échapper un peu à l'enfermement. J'ai attendu que le ciel soit un peu tourmenté, parce que c'est sous cette lumière que j'aime la Lozère. J'étais déjà consciente de la beauté de l'endroit, du sens de la solidarité et de la communauté des Lozériens. Et je suis contente à présent que les gens me disent qu'ils reconnaissent bien leur département à travers mon travail.

   

J'étais au téléphone avec mon éditeur du Post en Français. On discutait de tout autre chose et il m'a demandé si j'avais une idée de sujet. Je lui ai alors proposé ce photo reportage sur la Lozère "un peu en confinement permanent" : quand vous marchez sur les causses, la distanciation, vous l'avez de toutes façons ! Les choses, ici, n'étaient pas tellement différentes de d'habitude. Il m'a laissé une grande amplitude pour traiter cette problématique, c'était super intéressant !


Un portofolio du confinement en Lozère


Le résultat, ce sont 20 à 25 tirages mis en lumière dans ce grand format. On y voit les rues du centre ancien de Langogne, où le marché reste le seul moyen de s'approvisionner pour de nombreuses personnes âgées, l'église de Saint-Jean-de-la-Fouillouse fermée pendant le confinement, mais de toute façon sans prêtre permanent depuis 30 ans, les éleveurs de chèvre Céline et Sébastien Dole, dont le travail ne peut s'interrompre malgré la crise.
 

Je n'avais jamais travaillé en Lozère, je n'y allais que sur mon temps libre. Alors demander aux gens de rentrer chez eux, je ne savais pas comment ça allait se passer. Mais ils ont été très coopératifs, ils m'ont tout de suite ouvert leurs portes, personne ne m'a dit non. Pour ouvrir l'église, un vieux monsieur s'est même déplacé spécialement un dimanche matin.

 
On y voit aussi les gendarmes, à pied d'œuvre sur toutes les routes de Lozère pour faire respecter le confinement. Enthousiasmés, ces derniers n'ont pas manqué de relayer l'article sur leurs réseaux sociaux. Emilienne Malfatto l'avoue : "depuis, ça a été beaucoup partagé. Dans l'ensemble, les gens sont assez contents du résultat".


L'exception lozérienne expliquée aux Américains


Difficile de dire ce qui a séduit le grand journal américain dans le choix de cette mise en lumière : sans doute le fait que, dans une France où le nombre de victimes du COVID-19 dépasse les 26.000, la Lozère ne compte à ce jour qu'un seul décès et très peu de cas de contamination.
  

L'isolement du territoire devenu un atout


La distanciation sociale naturellement à l'œuvre du fait de l'isolement de cette population (la Lozère est le département le moins peuplé de Métropole) y est sans doute pour quelque chose, mais pas seulement.
 
Dans le texte qui accompagne les photos d'Emilienne Malfatto, le correspondant du Washington Post James Mc Auley, qui a auparavant beaucoup travaillé sur les fractures territoriales qui ont conduit au mouvement des Gilets Jaunes, met l'accent sur ce renversement de perspectives dans nos territoires ruraux où l'isolement est soudain devenu un atout.
 
La photographe a maintenant hâte de retrouver le Moyen-Orient, mais elle avoue :
 

Je suis contente d'avoir pu parler de la Lozère de cette façon. Que ce soit ici ou à l'étranger, c'est intéressant de travailler sous l'angle de l'intime, du sensible. Les territoires isolés, en France ou ailleurs, ça m'intrigue. Or, en Lozère, l'isolement est une réalité permamente. Et franchement, les grands espaces, la campagne, c'était pas mal comme confinement ! Il y avait longtemps que je n'y avais pas passé autant de temps.


Emilienne Malfatto réfléchit à présent à la manière d'amener les tirages de ses photos aux plus âgés, sur place, qui n'iront pas forcément sur internet voir son travail pour le Washington Post.
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