A près de 100 ans, Pierre Soulages, peintre de l’outrenoir, a reçu le grand prix du rayonnement français le 25 septembre dernier au Ministère des affaires étrangères, à Paris. Ce prix récompense chaque année des personnalités qui font rayonner les valeurs françaises à l’étranger.
Le siècle Soulages est lancé
De Sète où il réside par alternance depuis plus de 40 ans, Pierre Soulages voit les hommages se multiplier à l'approche de son centenaire, le 24 décembre prochain.
Une grande rétrospective va lui être consacrée dans le Salon carré du Louvre, du 11 décembre 2019 au 9 Mars 2020. Ses toiles viendront de la National Gallery de Washington, du Moma de New York, de la Tate Gallery de Londres. Tous les grands musées vont prêter. Seul son tableau du musée de L'Ermitage à Saint-Pétersbourg ne sera pas décroché. Il est le seul artiste vivant accroché dans ce musée et il entend bien le rester, comme il le disait dans un entretien au Midi Libre en décembre 2018.Ils enlèveront la toile après ma mort
D'ores et déjà, New York célèbre le centenaire du « peintre du noir et de la lumière » et Christian Bobin écrivain et poète lui consacre un essai qui vient de sortir et qui s'intitule "Pierre".
De Rodez à Paris en passant par Montpellier
Figure majeure de l’abstraction, Pierre Soulages a peint près de 1 550 tableaux et est à ce jour le peintre vivant le plus cher, mais ça ne l'impressionne pas. La seule chose qui l'intéresse c'est peindre, malgré l'âge, malgré les douleurs et l'arthrose qui limitent ses mouvements. Heureusement il réalise ses tableaux au sol et n'a pas besoin de lever les bras.
Cette passion de la peinture remonte à son enfance, très tôt, à Rodez où il est né en 1919, avant de monter à Paris à 18 ans pour passer le concours de l'école des beaux-arts où il est admis en 1938. Il n'y reste pourtant pas, et décide de rentrer à Rodez pour se consacrer uniquement à la peinture.
Son ancrage régional se diversifie en 1942 alors qu'il quitte Rodez pour Montpellier, afin d'échapper au STO. De ses années montpelliéraines il faut retenir son amitié avec Joseph Delteil qui lui dit :
Vous peignez avec du noir et du blanc, vous prenez la peinture par les cornes, c'est à dire par la magie.
Après Montpellier suivra Paris où il s'installe avec Colette son épouse et peint des toiles où domine le noir. Toiles qui seront refusées au salon d'Automne de 1946. Il ne se décourage pas pour autant, et en 1948 il est le plus jeune artiste d'une exposition collective de peintres français à Stuggart. Suivront de grandes expositions, à Paris, Hanovre, Zurich, La Haye. Dès 1953 le Kunsthaus de Zurich et le Moma acquièrent ses toiles. En 1962 Alfred Hitchcock achète une de ses toiles.
Si le noir a toujours été sa couleur préférée, janvier 1979 marque le début de sa période de l'outrenoir. Butant sur une toile entièrement recouverte d'un noir épais, il réalise qu'il vient de franchir un cap en striant l'oeuvre.
Suite à une commande, entre 1987 et 1994, il réalise 104 vitraux, en collaboration avec l'atelier de Jean-Dominique Fleury à Toulouse, pour l'église abbatiale Sainte-Foy de Conques. Abbaye devant laquelle, alors en classe de quatrième, il avait eu une révélation devant la beauté de l'édifice roman : il serait peintre. La boucle est bouclée.J'étais au delà du noir, dans un autre champ mental
Sa renommée n'en reste pas là et à Montpellier une salle du musée Fabre rénové lui est consacrée, permettant au public d’admirer la donation faite par le peintre à la ville. Cette donation comprend 20 tableaux de 1951 à 2006 parmi lesquelles des œuvres majeures des années 1960, deux grands outrenoir des années 1970 et plusieurs grands polyptyques. En février 2010 le musée proposera une exposition des cartons et verres des vitraux de Conques (travaux préparatoires de Soulages pour la cathédrale de Conques).
En 2009, alors qu’il fête ses 90 ans, le centre Pompidou lui consacre une rétrospective, la plus grande jamais organisée pour un artiste vivant par le centre. L'exposition reçoit 502 000 visiteurs, se classant en quatrième position des expositions les plus fréquentées de toute l'histoire du Centre Pompidou.
Le musée Soulages à Rodez
L'inauguration du Musée Soulages à Rodez, sa ville natale, en 2014 qui abrite la plus grande collection au monde de Pierre Soulages termine d'asseoir son prestige et sa renommée en Occitanie mais dans le reste du monde également. Il avait légué en 2005 à la municipalité de Rodez plus de 500 œuvres représentant l’ensemble des techniques employées tout au long de sa carrière : peintures, eaux fortes, sérigraphies, lithographies et même les ébauches de ses travaux sur les vitraux de l’abbaye de Conques.
Cet été et juqu'au 3 novembre le maître de l'outrenoir accueille le maître incontesté du bleu, Yves Klein, disparu brutalement à 34 ans et fasciné par le monochrome. Il ne veut surtout pas que le musée devienne un mausolée et il a demandé que d'autres artistes y soient invités.
Ouvert sept jours sur sept, le musée accueille plus de mille cinq cent personnes par jour. 950 000 depuis son ouverture, dont 15% d'étrangers. Des visiteurs qui sont ravis de l'offre proposée et des expositions temporaires, et qui l'expriment.
Je considère que l'art doit être porteur de beauté, au sens où la beauté c'est de l'énergie qu'on vous accorde, qui vous vient, gratuitement
Une belle définition de l'art comme un écho à l'oeuvre de Pierre Soulages.