Un an après la tentative de sécession de la Catalogne, le parquet espagnol a requis vendredi de lourdes peines de prison contre les dirigeants indépendantistes. Ils doivent être bientôt jugés. Les réquisitions confirment l'accusation controversée de "rébellion" pourtant rejetée par le gouvernement.
La date du procès n'a pas été encore fixée mais son ouverture est attendue début 2019. L'ancien président catalan Carles Puigdemont, qui a fui en Belgique pour échapper aux poursuites judiciaires, n'est pas concerné par ce procès, la justice espagnole ne jugeant pas "en absence".
Un procès début 2019 pour 18 indépendantistes ? sauf pour les "exilés"
Le parquet général a requis de sept à vingt-cinq ans de prison contre douze dirigeants indépendantistes accusés de "rébellion", "détournements de fonds publics" ou "désobéissance grave".
Six autres indépendantistes, qui comparaîtront seulement pour "désobéissance grave", encourent une amende.
En prison depuis un an, l'ancien vice-président catalan Oriol Junqueras est le seul à encourir la peine la plus élevée de 25 ans de prison et d'inéligibilité. "Ils pourront nous enfermer ici des années et des années, cela ne fera pas faiblir le désir de liberté qui se changera en clameur", avait-il dit jeudi dans une lettre.
Le parquet a également demandé 17 ans de prison contre l'ancienne présidente du parlement régional catalan Carme Forcadell, et les ex-présidents de puissantes associations indépendantistes, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart.
"Est-ce que quelqu'un croit qu'en réclamant 200 ans de prison contre les leaders indépendantistes, on fera disparaître les deux millions de partisans de l'indépendance?", a vertement réagi le président indépendantiste catalan Quim Torra.
Depuis la Belgique, Carles Puigdemont a lui accusé l'Etat espagnol de continuer à exercer ainsi "une vengeance" contre le mouvement indépendantiste.
Après avoir organisé le 1er octobre 2017 un référendum d'autodétermination interdit, les séparatistes catalans avaient vainement proclamé le 27 une "république catalane" indépendante.
Selon le parquet, leur "plan sécessionniste envisageait l'utilisation de tous les moyens nécessaires pour atteindre leur objectif, y compris - puisqu'ils avaient la certitude que l'Etat n'allait pas accepter la situation - la violence nécessaire pour s'assurer du résultat criminel visé".
Le ministère public affirme que les dirigeants indépendantistes ont pu se prévaloir de "la force d'intimidation" représentée par "l'action tumultueuse" des grandes manifestations indépendantistes et le recours à la police régionale dont les 17.000 membres "auraient suivi exclusivement leurs instructions".
Dans un autre dossier judiciaire, le parquet a réclamé 4 à 11 ans de prison contre quatre responsables de la police catalane, dont son ancien chef, Josep Lluís Trapero, accusé de rébellion.
Le gouvernement écarte la rébellion
Les militaires espagnols qui avaient mené le coup d'Etat avorté du 23 février 1981 à Madrid avaient été condamnés pour "rébellion".
Mais dans le cas de la Catalogne, cette notion est très contestée, notamment par des juristes réputés.
"Il est difficile d'admettre l'existence d'un +soulèvement public et violent+, ce qui caractérise la rébellion selon le code pénal espagnol", avait estimé à la mi-octobre un ancien président du Tribunal constitutionnel et du Tribunal suprême, Pascual Sala.
"Il existe un débat juridique et même un débat social", a fait valoir vendredi l'actuelle ministre de la Justice, Dolores Delgado.
Le gouvernement socialiste a donc choisi d'écarter ce chef d'accusation, via le représentant des intérêts de l'Etat dans le dossier, qui a opté pour celui moins grave de "sédition" et demandé des peines allant jusqu'à un maximum de 12 ans de prison.
L'opposition de droite a aussitôt accusé le chef du gouvernement Pedro Sanchez de céder face aux séparatistes dont il a besoin pour faire approuver le budget.
Dans un tweet, le dirigeant conservateur Pablo Casado a présenté M. Sanchez comme "un otage des auteurs d'un coup d'Etat" qui n'est "plus légitime pour présider le gouvernement".
Le jour du référendum interdit, les images des violences policières avaient fait le tour du monde. Des policiers nationaux avaient ensuite été mis en examen pour usage "disproportionné" de la force.
Mais pour le parquet général, c'est parce que les policiers catalans étaient restés "volontairement passifs" que les forces de l'ordre espagnoles étaient intervenues, "ce qui a abouti à de nombreuses situations de tension, d'affrontement et de violence, face à la résistance" des indépendantistes occupant les bureaux de vote.