Le Conseil constitutionnel vient de censurer une partie de la loi sur la protection et la promotion des langues régionales. En cause : la pédagogie immersive et certains caractères. En Catalogne du nord, les défenseurs des langues régionales perçoivent cette décision comme une attaque idéologique.
Le Conseil constitutionnel, saisi par une soixantaine de parlementaires, a rendu son avis au sujet de la loi sur la protection et la promotion des langues régionales, adoptée par le Parlement le 8 avril. Les Sages estiment que certains articles ne sont pas compatibles avec l’article 2 de la Constitution, qui stipule que "la langue de la République est le Français".
L'article 4 de cette loi prévoit que l’enseignement d’une langue régionale peut être "immersif", c'est-à-dire s'appliquer à la majorité des matières et à l'environnement scolaire lui-même. L’article 9 prévoit que les signes diacritiques des langues régionales (les accents notamment) sont autorisés dans les actes de l’état civil. Ces deux articles ont été jugés "contraires à la Constitution".
La pédagogie immersive bannie des écoles publiques
"Refuser des pratiques pédagogiques ou l’orthographe de prénoms sous prétexte qu'elles seraient anti-constitutionnelles, c’est une honte, c’est scandaleux, c’est une décision incompréhensible et absurde !", s'exclame Alà Baylac, président de l'association pour l'enseignement du catalan (APLEC).
C'est une décision historique dans le sens où on aurait pu faire un pas en avant, mais on préfère émettre un avis qui revient à euthanasier les langues régionales ! Ces gens raisonnent comme s’ils étaient au temps de l’empire colonial. On est au 21e siècle, le temps du respect de la diversité.
"C’est dans la droite ligne de ce que le Conseil constitutionnel a toujours fait, et c'est purement idéologique", conclut Alà Baylac. "C'est une grande déception, mais ce n'est pas non plus une surprise", abonde Jean-Sébastien Haydn, président de la Bressola, une école associative catalane, qui pratique justement la pédagogie immersive. Celle-ci n'est pas directement concernée par la décision, qui s'applique seulement à l'enseignement au sein des écoles publiques. Mais pour lui, c'est aussi à travers l'école publique que peuvent vivre les langues régionales. "C’est bien triste de ne pas pouvoir exercer dans tous les girons, qu’ils soient associatifs ou publics."
Ca ne changera rien pour nos réseaux d’écoles immersives associatives, mais ça changera fortement la capacité à former des locuteurs qui soient bilingues en langue régionale et française. L'Education nationale n'ouvrira plus de classes immersives. Ca veut dire que notre Etat français a décidé de détruire son patrimoine.
Les établissements qui pratiquent cette pédagogie immersive se trouvent dans l'embarras. "Est-ce que ça va impliquer des ordres de fermetures ? Des attaques envers les écoles qui continuent ?", se demande Alà Baylac. Une chose est sûre : "la sécurité juridique sur laquelle on comptait pour consolider ces expériences n'est plus d’actualité", regrette-t-il.
Les défenseurs des langues régionales préparent la riposte
Pour les défenseurs des langues régionales, ce revers est une "incitation à continuer de batailler encore plus, voire désormais, de désobéir". "Soit on ne tient plus compte du cadre juridique, soit il faut se débarrasser d’un article complètement scélérat et inique qui ne sert à rien d’autre qu’à éliminer les langues régionales", avance Alà Baylac.
Si le Conseil constitutionnel invalide une méthode pédagogique reconnue pour ses excellents résultats scolaires, ce n'est pas la méthode pédagogique qu'il faut changer, mais la Constitution.
C'est ce que propose le député du Morbihan Paul Molac, porteur de cette loi.
Incroyable ! Le conseil constitutionnel censure l'enseignement par immersion et l'usage des signes diacritiques en #languesregionales car contraire à l'article 2. Je réclame en urgence un projet de loi constitutionnel pour modifier cet article.
— Paul Molac (@Paul_Molac) May 21, 2021
Les défenseurs des langues régionales appellent également à manifester partout en France le samedi 29 mai. A Perpignan, le rendez-vous est donné à 15h place de Catalogne.