Les récents incendies en Espagne dévoilent des charniers datant de la guerre civile : "des preuves tangibles pour contrer les thèses révisionnistes"

Après les incendies de juin 2022 ayant touché la Catalogne, des restes de squelettes humains ont été découverts récemment dans la province de Tarragone. Ils témoignent des milliers de victimes de la bataille décisive de l’Ebre lors de la guerre civile en Espagne.

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En France, un ancien combattant nonagénaire a témoigné de l'existence d'un charnier dans lequel sont enterrés les dépouilles d’une trentaine de soldats de la Wehrmacht et d’une Française accusée de collaboration dans le département de la Creuse. En Espagne, c'est le feu qui a parlé.

Au début de l'été 2022, d'importants incendies touchent le sud de la Catalogne. Des milliers d'hectares sont réduits en cendre. Un véritable spectacle de désolation qui va toutefois se révéler providentiel.

Dans la zone de Corbera d'Ebre, l'apparence du sol est si modifiée que de nombreux morceaux de squelettes humains datant de la guerre civile espagnole refont surface. Ce sont des victimes de la très meurtrière bataille de l'Ebre.

Les autorités catalanes ont dédié de nouveaux moyens techniques pour repérer ces ossements. Ainsi, depuis le mois de juillet 2023, un drone arpente 400 hectares de Corbera d’Ebre, petite commune du sud de la Catalogne, dans la province de Tarragone. Doté d’une caméra vidéo, mais aussi de capteurs thermique et infrarouge, il scrute la moindre parcelle de la zone du Mas de la Pila. Sa mission ? Repérer tous les restes humains présents sur la zone.

Bataille sanglante

En effet, entre juillet et novembre 1938, des milliers de personnes ont trouvé la mort dans cette lutte acharnée et sanglante, entre forces républicaines et insurgés nationalistes. Les chiffres varient selon les sources, mais d'après l'historien espagnol Julián Casanova, il y aurait eu au moins 13.000 morts lors de cette bataille de l'Ebre. L’échec des républicains a été décisif dans la victoire de Franco et de ses partisans. C’est donc un témoignage primordial de l’Histoire récente de la péninsule ibérique qui se fait jour aujourd'hui.

Afin de comprendre l’origine de ce charnier et de pouvoir restituer ces ossements aux familles de défunts, la Communauté autonome de Catalogne, la Generalitat, a confié les recherches à la Direction de l'Innovation du Centre des Télécommunications et des Technologies de l'Information et au Domaine des Technologies de l'Information et des Communications du Ministère de la Justice, des Droits et de la Mémoire. D’où l’action de ce drone.

"Le fait de retrouver des ossements datant de l'époque de la guerre civile dans cette zone n'est pas nouveau. Ce qui l'est en revanche, c'est le fait d'en retrouver en si grand nombre. C'est également nouveau de bénéficier de la mise à disposition d'un drone pour mener de telles recherches", souligne Maria Llombart-Huesca, historienne, professeure en civilisation de l'Espagne contemporaine à l'Université Paul Valéry de Montpellier. Depuis moins d'une dizaine d'années, des tests ADN sont réalisés sur ces ossements afin d'identifier les victimes et de restituer leurs ossements à leurs descendants.

Si la Catalogne met  de tels moyens pour les recherches, c'est en vertu d'une loi. Elle date de 2009. La Loi 10/2009, du 30 juin, sur la localisation et l'identification des personnes disparues pendant la guerre civile et la dictature de Franco, et le rendu de la dignité aux charniers, a relancé les recherches. "Dans la zone actuellement scrutées par le drone, les premières recherches datent d'ailleurs de 2009", rappelle Maria Llombart-Huesca.

Preuves tangibles

Ce recueil des ossements permettra non seulement aux descendants de ces combattants d'en savoir davantage sur leur histoire familiale, mais il servira aussi à consolider la mémoire collective. "Pour nous, la découverte et la préservation de ces ossements est primordiale, c'est si important d'avoir des preuves tangibles des faits historiques, afin de contrer le discours de ceux qui adoptent des thèses révisionnistes et veulent réécrire l'Histoire", s'exclame Placer Marey-Thibon, présidente du Centre Toulousain de Documentation sur l'Exil Espagnol (CTDEE). Et d'ajouter : "Il faut absolument que ces lieux et ces preuves soient préservés, malgré la montée actuelle de l'extrême droite en Espagne". D'après elle, les subventions publiques pour financer les recherches de preuves des victimes de la dictature de Franco ont tendance à diminuer dans certaines régions.

En Catalogne en tout cas, les recherches actuelles dans la zone du Mas de la Pila représentent une première étape. Ensuite, de vastes travaux de prospection sont programmés au cours du mois de septembre grâce aux images captées par le drone, a annoncé le Generalit sur son site. Des archéologues, des anthropologues et des historiens vont travailler conjointement afin de faire toute la lumière sur cette découverte. Le drone pourrait par la suite explorer d’autres zones susceptibles d’être fouillées ultérieurement, dont d’anciennes tranchées où combattaient les soldats du front de l’Ebre. 

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