Municipales 2020 : au Barcarès, le couple Ferrand se dispute la garde des électeurs

Configuration inédite au Barcarès, commune du littoral catalan : Joëlle et Alain Ferrand qui se succèdent à la mairie depuis 25 ans seront cette année face à face. 
 

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Jour de marché au Barcarès. A peine une trentaine d’étals. On est hors saison, l’affluence est réduite, la clientèle essentiellement retraitée. Normal… dans cette station balnéaire de la côte catalane, la moitié des électeurs a plus de soixante ans. Jocelyne, habitante de longue date du Barcarès, vote Ferrand depuis 1995. Tantôt pour Alain, tantôt pour Joëlle. «L’un et l’autre m’ont aidé dans les moments difficiles », explique-t-elle. Pour la première fois, pourtant, elle va hésiter. « Je voterai peut-être pour elle, peut-être pour lui, je me déciderai au tout dernier moment ».

L’un et l’autre m’ont aidé dans les moments difficiles (électrice)


« C’est dommage, ils sont complémentaires », regrette Corinne qui pour la première fois votera au Barcarès aux prochaines municipales. « Lui est dans l’animation, le festif ; elle, c’est plutôt la vie quotidienne ». « Ils ont un bon bilan tous les deux », confirme André. Tout comme Jocelyne et Corinne, cet électeur n’est pour l’instant sûr que d’une chose : il glissera dans l’urne un bulletin qui portera le nom de Ferrand. Pour le prénom, il n’a pas encore choisi.  
 


"Dallas" à la sauce catalane

Si de nombreux Barcarésiens parlent de véritable dilemme ou de choix cornélien, d’autres déplorent un « Dallas » à la sauce catalane. « C’est du grand n’importe quoi », lâche une jeune femme avant de tourner les talons. Au Barcarès, les opposants du maire sont toujours moins loquaces que ses partisans.


Prise illégale d'intérêt et inéligibilité

Patron de discothèque, originaire de l’Aveyron, Alain Ferrand a été élu pour la première fois en 1995. Un mandat de courte durée puisque, dès 1999, deux condamnations pour abus de biens sociaux et prise illégale d’intérêt le rendent inéligible. Sa femme Joëlle se présente alors devant les électeurs et elle est élue dès le premier tour. Elle restera en place jusqu’en 2011… jusqu’à ce qu’elle soit déclarée à son tour inéligible par la justice pour prise illégale d’intérêt lors d’une opération de dragage du port. Entretemps, son mari avait retrouvé ses droits civiques. Il est donc candidat, il sera élu lui aussi dès le premier tour, puis réélu pareillement en 2014.

Ici, on gave les vieux (électeur)

Au Barcarès, pour Joëlle comme pour Alain, l’élection au premier tour est devenue une habitude. « Ici, on gave les vieux », confie, amer, un électeur d’origine pied-noir dont le cœur balance plutôt vers le Rassemblement national, « dès que le maire apparaît, c’est apéritif dinatoire. La population est achetée ».

On est un couple avant-gardiste (Joëlle Iglésias-Ferrand)


Après s’être succédé à la mairie durant 25 ans, les époux Ferrand se retrouvent donc cette année face à face. « On est un couple avant-gardiste », tente d’afficher Joëlle Iglésias-Ferrand avant de reconnaître que, depuis l’annonce de sa candidature, « on ne se parle plus avec Alain ». Et d’ajouter un peu plus tard dans la conversation : « J’ai eu à faire à des rumeurs malsaines, elles viennent de lui, j’en suis convaincue ».
 

Pour expliquer sa candidature, Joëlle Iglésias-Ferrand évoque son expérience – douze ans à la tête de la mairie -, sa passion pour sa commune et un style différent du maire sortant : « Je suis plus dans la proximité avec les gens et je serai davantage disponible ». Dès cet été, elle aurait fait part à son mari de son souhait d’être candidate, elle lui aurait même proposé une primaire. « Il n’a jamais pris le temps d’en parler sérieusement avec moi », déplore-t-elle. En octobre, elle annonce donc sa candidature. Deux élus de la majorité sortante – celle de son mari donc – la rejoignent aussitôt.


Il n’a jamais pris le temps d’en parler sérieusement avec moi  (Joëlle Iglésias-Ferrand)


Depuis, Joëlle Iglésias-Ferrand n’hésite plus à critiquer publiquement la gestion municipale et notamment un des projets-phares du maire, l’aménagement du port qu’elle juge trop gigantesque et « pas assez respectueux de l’environnement et de l’esprit du Barcarès. La sécurité sera également un des points forts de son programme. La candidate souhaite renforcer les effectifs de la police municipale et rétablir les patrouilles nocturnes que son mari a supprimées. Aux Barcarésiens qui s’inquiètent de voir mari et femme s’affronter politiquement, elle promet une campagne « élégante et à la hauteur ».

Duel factice ?

Après avoir longtemps attendu, Alain Ferrand vient d’annoncer à son tour sa candidature par une lettre à ses administrés et une interview au journal local l’Indépendant, seul entretien qu’il accordera aux médias durant sa campagne. Le maire sortant affirme qu’il veillera au respect de sa vie privée et à celle de ses filles. « C’est son choix et sa liberté » dit-il de la décision de celle qui reste son épouse.

Il y a de la haine aujourd’hui entre eux (membre du conseil municipal)


Si les déclarations des deux conjoints se veulent rassurantes, d’autres élus craignent tout de même quelques règlements de compte d’ici l’élection. « Il y a de la haine aujourd’hui entre eux », nous a confié sous couvert d’anonymat un membre du conseil municipal.
« Décidément, Barcarès-City est la terre des surprises », plaisante Virginie Brodin à la tête de Barcarès 2020, une liste d’opposition. La candidate parle de théâtralisation et de duel factice. Pour elle, Alain et Joëlle Ferrand ne sont que les deux faces d’un même système basé sur le clientélisme, le manque de transparence et… la peur.

Comme toutes les listes d’opposition au Barcarès, Virginie Brodin peine à trouver des candidats pour boucler sa liste. Aux journalistes qui l’interrogent, elle tend une feuille sur laquelle elle a compilé les différents motifs de refus des personnes contactées. Tel candidat potentiel a peur de ne pas obtenir le permis pour rénover sa façade, tel autre l’emploi qu’il a sollicité pour son fils à la mairie ou encore la place attendue sur le marché communal. « Alain et Joëlle, c’est blanc-bonnet bonnet-blanc ».
 


La crainte de figurer dans l’opposition au maire

Elu du rassemblement national au sein du conseil municipal, Daniel Philippot confirme la difficulté à monter une liste sur le Barcarès. Ici, Marine Le Pen a obtenu 60% au second tour de l’élection présidentielle. Et ce n’est donc pas par peur de figurer sur une liste d’extrême-droite que les candidats se font rares mais bien par crainte de figurer dans l’opposition au maire. De toute façon, le candidat du RN se lance dans cette nouvelle campagne avec peu d’illusions. Malgré les scores de son mouvement aux élections nationales, il avait peiné à atteindre les 10% en 2014. «  Alain Ferrand a fait beaucoup de choses sur la commune, constate-t-il, sa côte est toujours excellente auprès de nos électeurs ». Finalement, Daniel Philippot ne réussira pas à monter une liste.

Malgré quatre candidats contre lui il y a six ans, Alain Ferrand l’avait l’emporté avec un confortable 54,6% dès le premier tour. Si la vie politique a toujours été très personnalisée au Barcarès, les opposants de 2020 espèrent que la focalisation sur le duel conjugal finira par lasser l’électeur. Un doux rêve peut-être… On peut tout aussi bien imaginer que la première opposante de Monsieur Ferrand durant les six prochaines années au conseil municipal du Barcarès soit tout simplement… Mme Ferrand.
 
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