Municipales à Perpignan : quatre clés pour un scrutin serré entre Jean-Marc Pujol et Louis Aliot

Net vainqueur du premier tour, Louis Aliot est le favori du duel qui l’opposera le 28 juin au maire sortant LR. Perpignan sera-t-elle la première ville de plus de cent mille habitants depuis Toulon à être conquise par le Rassemblement national ? Voici quatre clés pour ce scrutin.

 

Le maire sortant saura-t-il rassembler son camp ?

Un sondage réalisé l’été dernier par les Républicains avait conforté à l’époque Jean-Marc Pujol dans l’idée qu’il était le mieux placé pour faire barrage à Louis Aliot. Fort de cet enseignement, il s’est lancé dans la course, sans un geste, sans un mot même, pour les rivaux de son camp, deux de ses anciens adjoints, Romain Grau et Olivier Amiel, bien décidés à se présenter malgré lui, voire contre lui. « Jean-Marc Pujol a incontestablement manqué de rondeurs avec ses adversaires et surtout avec ses anciens adjoints », constate aujourd’hui le politologue Dominique Sistach.
 

Jean-Marc Pujol a incontestablement manqué de rondeurs avec ses adversaires et surtout avec ses anciens adjoints 

Dominique Sistach


Le maire sortant a effet tenté le pari qu’il arriverait en seconde position derrière Louis Aliot au premier tour et que tout le monde serait bien obligé de se rassembler autour de lui pour le second. Un pari risqué dont il a gagné néanmoins la première manche puisqu’il a devancé de plus de cinq points Romain Grau, candidat de la République en marche et qu’Olivier Amiel (Divers Droite) a plafonné à 3,6%. Mais la division coute chère au maire sortant qui a vu se disperser la moitié de son électorat entre 2014 et 2020.

Reste maintenant faire le rassemblement à droite et au centre. Pas si facile. Après deux mois et demi de mutisme, Romain Grau a fini par faire connaître sa décision à la fin du mois de mai. En position de se maintenir grâce à ses 13,1%, il s’est prononcé – par un simple communiqué sur sa page Facebook – pour un « retrait républicain afin d’éviter l’accession de M. Aliot et du Populisme à la Mairie de Perpignan. ». A aucun moment, il ne cite le nom de Jean-Marc Pujol dans ce communiqué. On a connu mieux comme désistement. D’autant que depuis cette annonce, trois des colistiers de Romain Grau ont déclaré que, pour leur part, ils voteraient Louis Aliot au second tour et non Jean-Marc Pujol.

De son côté, Olivier Amiel a refusé de trancher. Il ne participera pas à un front républicain derrière le maire sortant « car il ne peut conduire qu’au statu quo et à l’entretien des pratiques et des clientèles politiques contre l’intérêt général ». Et plus les jours passent, plus l’ancien adjoint à l’urbanisme - et ancien trésorier des Républicains également- semble, dans ses déclarations, se rapprocher de Louis Aliot.

 

Le front républicain ou le flop ?

         Comme en 2014, la gauche a finalement décidé de se retirer de la course pour faire barrage au candidat du rassemblement national. Mais cette année, le report des élections pour cause de pandémie lui a offert plus de deux mois de réflexion et cette réflexion fut intense. « Jamais je n’ai eu une décision aussi difficile à prendre », a même précisé Agnès Langevine.  Arrivée en troisième position avec un peu plus de 14%, la candidate des Verts et du PS a utilisé ces deux mois de report pour tenter de mettre sur pied une troisième voie crédible en fusionnant avec d'autres listes. Estimant qu’elle ne pourrait l’emporter, elle a annoncé son retrait le 30 mai et appelé « tous.tes les électeurs.trices à user de leur vote pour confiner définitivement les ambitions du candidat du Rassemblement National et à voter pour la liste qui lui reste opposée ». Un communiqué qui, comme celui de Romain Grau, évite soigneusement de mentionner le nom du maire sortant.

Le front républicain à Perpignan a du plomb dans l’aile

Louis Aliot


« Le front républicain à Perpignan a du plomb dans l’aile", se réjouit Louis Aliot, qui, après le ralliement à sa cause des trois colistiers LREM parle même d’un «  flop républicain ». A gauche, il est vrai que ça renâcle fort, les électeurs se retrouvant dans la situation qu’ils redoutaient depuis le début de la campagne : devoir rejouer le match de 2014. « Beaucoup ouvrent de grand yeux quand on leur dit qu’il faudra voter Pujol", reconnaît Jean Codognès, colistier d’Agnès Langevine.

Poussif à se mettre en place, ce front républicain a toutefois reçu un coup d’accélérateur le 12 juin dernier avec la venue de Carole Delga à Perpignan. S’affichant dans les rues de la ville aux côtés de Jean-Marc Pujol, elle a appelé sans ambiguité et sans restriction à voter pour le maire sortant. « Quand on est présidente de région, on assume clairement son rôle de chef et on montre la voie » a-t-elle déclaré avant d’ajouter : « J’espère que d’autres voix vont suivre. Il y a des expressions qui vont voir le jour ! Qui doivent voir le jour ! Dans une élection, c’est le sprint final qui compte ! ».
 

 

Le plafond de verre existe-t-il encore à Perpignan?

Les commentateurs politiques font souvent référence à cette image d’un plafond de verre, d’une barrière invisible, qui empêcherait le FN de remporter une élection, surtout en cas de duel au second tour. « Il est déjà tombé dans la 2ème circonscription, rappelle Louis Aliot qui fut élu député en 2017 d’une courte tête face à la candidate du parti présidentiel, Il va tomber aussi à Perpignan ».

Louis Aliot aura en tout cas tout fait pour fissurer ce plafond. Après avoir annoncé opportunément en septembre dernier sa séparation personnelle d’avec Marine Le Pen dont il était le compagnon depuis dix ans, il a choisi de se présenter à l’élection municipale sans afficher d’appartenance politique. Une tactique qui n’aurait guère eu d’impact si le candidat n’avait pas réussi à mettre sur pied en 2020 cette liste d’ouverture dont il rêvait depuis longtemps. 

Au premier rang de ses recrues, André Bonet, une personnalité jusqu’ici consensuelle qui, en plus de trente ans à la tête du Centre  Méditerranéen de Littérature a su se constituer de solides amitiés dans tous les milieux et dans tous les partis politiques. L’écologiste  Jean Codognès ne se dit pas seulement étonné mais « traumatisé » par ce recrutement. « C’est le retour du refoulé au sein d’une droite qui n’a pas toujours été républicaine », s’inquiète-t-il.

Pour une grande partie de la droite, le souvenir de la prestation de Marine Le Pen lors du débat de la présidentielle est toujours très présent et il est rédhibitoire

Dominique Sistach


Alors Louis Aliot commence-t-il à séduire sérieusement l’électorat de droite ? Oui répond clairement Nicolas Lebourg. S’appuyant sur le résultat des bureaux de vote et notamment sur celui des Platanes dans le centre-ville de Perpignan, ce spécialiste des droites extrêmes, écrivait  dans Médiapart au lendemain du premier tour: « Sa stratégie de normalisation a pu pénétrer un électorat plus âgé et plus aisé, traditionnellement rétif à l’égard de l’extrême-droite (…) car il les a convaincus qu’il était la droite ». Pour le politologue Dominique Sistach, en revanche, si le plafond de verre se fissure, il résiste encore : « pour une grande partie de la droite, le souvenir de la prestation de Marine Le Pen lors du débat de la présidentielle est toujours très présent et il est rédhibitoire ».

Les abstentionnistes iront-ils voter et pour qui ?

Le premier tour de la municipale 2020 s’est caractérisé par un effondrement de la participation qui s’explique évidemment par un « effet coronavirus », 39,7% contre 59,6% en 2014. A qui cet effondrement a-t-il nui, à qui a-t-il profité ?

« Une part importante de la population âgée ne s’est pas déplacée, explique Jean-Marc Pujol, elle est en général plutôt favorable au maire sortant ». Une analyse que ne partage pas Nicolas Lebourg. Sur cette question aussi, le chercheur a scruté de près les votes et les listes électorales depuis le 15 mars et il s’avère selon lui que les citoyens nés dans le département ont cette fois-ci beaucoup moins voté que les autres.

Le niveau du rassemblement national a été minoré au bénéfice de la droite et conserve la capacité d’un plus grand potentiel 

Nicolas Lebourg


Or, traditionnellement ce sont les Catalans de souche qui constituent le gros des votes pour le RN. Et le politologue de conclure : « le niveau du rassemblement national a été minoré au bénéfice de la droite et conserve la capacité d’un plus grand potentiel ».

Le maire sortant conserve toutefois lui aussi une réserve importante dans une certaine partie de l’électorat qui vote habituellement peu: les jeunes issus de l’immigration. En 2014, c’est une surmobilisation de ces électeurs entre les deux tours qui aurait permis à Jean-Marc Pujol de l’emporter avec une avance confortable sur Louis Aliot. Le « miracle » aura-t-il lieu une nouvelle fois ? Il est certain en tout cas que ces électeurs seront particulièrement choyés durant les quinze jours prochains.


 

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