Régionales 2021 : Carole Delga, l’incarnation de l’Occitanie coûte que coûte

A 49 ans, Carole Delga va entamer son second mandat à la tête de la région Occitanie. Lors de cette élection, l'élue PS a rappelé qu’elle était une personnalité politique qui sait imposer un véritable rapport de force, bien loin de l’image lisse et chaleureuse qu’elle a su imposer.

Pour reprendre une image de cette période de vaccination contre le Covid 19, les négociations à gauche de l’entre-deux tours des élections régionales d’Occitanie ont fait office de piqûre de rappel. Carole Delga n’est pas seulement cette élue de province à l’«accent chantant», au large sourire, comme se plaît à la décrire avec une certaine condescendance la presse nationale, où cette femme «simple» et «authentique» comme elle aime elle-même à se présenter.
En refusant de s’allier avec la France Insoumise et en mettant rapidement un terme aux négociations avec la liste EELV, trop gourmande en termes de places et de programme à ses yeux, la présidente de la région Occitanie a démontré qu’à près de 50 ans, elle était un personnage politique sachant trancher, parfois dans le vif avec ce que certains présentent comme une certaine forme de brutalité.

Ce portrait Claire Fita n’y adhère, bien entendu, absolument pas. Conseillère régionale du Tarn en charge au cours des cinq dernières années de la commission des finances au sein de la région et à nouveau candidate sous l’étiquette L’Occitanie en commun, elle côtoie au quotidien Carole Delga : « On peut comprendre qu’on puisse la redécouvrir, estime-t-elle. Elle a toujours été une femme politique qui assume ses décisions et qui sont fortes. Sa méthode, ce n’est pas la dureté. C’est le dialogue, c’est l’écoute. Elle prend ses responsabilités. Avant le premier tour, elle voulait rassembler, elle avait ouvert les bras. Elle a fait vraiment des gestes. Mais le 20 juin au soir, l’équation avait changé. ».

En l’occurrence, avec une liste de Myriam Martin (LFI) dépassant à peine les 5 % et surtout avec un score de 8,84 % des voix au premier tour des élections régionales pour Europe Écologie les Verts, la socialiste avait les mains libres. Un coup de massue pour son candidat, Antoine Maurice, amer face, selon lui, à l'attitude et "aux propositions insultantes" de la présidente PS.

Ne lâche rien, n'oublie rien

« Peut-être a-t-on pêché par naïveté lundi, analyse Guillaume Cros vice-président écologiste du conseil régional du Tarn aux côtés de Carole Delga sous l’ancienne mandature. La politique, c’est aussi, voire surtout, au moment des échéances électorales un rapport de force. Il n’y a pas d’affect, d’autoritarisme qui compte. Avec les échéances à venir, je pense, que cela aurait été bien d’avoir un large regroupement. Son entourage et elle-même ont voulu nous faire payer de partir seuls et peut-être d’avoir dit un certain nombre de choses qui ne leur a pas plu. Après, c’est le jeu politique. »

Ce jeu politique, Carole Delga l’a apprivoisé au fil des ans en s’appuyant à la fois sur ce qu’elle estimait être, en 2016 dans un article que lui consacrait le magazine l’Express, sa principale qualité (« Je ne lâche rien ») comme sur son principal défaut (« Je n’oublie rien »). «Elle a su progresser et avoir les réseaux qui lui ont permis de le faire» analyse Guillaume Cros.
En un peu plus de 10 ans, l’ancien directrice générale des services du Syndicat des eaux de la Barousse, du Comminges et de la Save, en Midi-Pyrénées, devenue adhérente au Parti socialiste en 2004, a progressivement grimpé les échelons politiques : élue maire de sa ville Martres-Tolosane (Haute-Garonne), elle devient, deux ans plus tard, vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées, sous la présidence de Martin Malvy. En 2012, elle se présente et remporte l’élection législative de la 8e circonscription de la Haute-Garonne. Elle est nommée, en 2014, secrétaire d'Etat chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire, dans les gouvernements Valls I et Valls II avant d’être élue en 2015 présidente de la région née de la fusion du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, l’Occitanie.

Depuis « elle est à fond dans son mandat, certifie Vincent Garel conseiller régional PRG et tête de liste pour la liste l’Occitanie en commun dans le Tarn. J’ai vu rapidement en elle une personnalité qui avait des convictions, était décidée et avait un projet : celui de « faire région ». C’est quelqu’un qui travaille beaucoup que j’ai pu le constater en travaillant avec elle sur des dossiers que j’ai pu partager. Elle va au fond des dossiers, elle partage la réflexion et lorsque la décision est prise, c’est quelqu’un qui tient ses engagements. »

Une bosseuse omniprésente

Le constat fait consensus, aussi bien chez les pro que les anti-Delga. L’ancienne maire de Martres-Tolosane est en effet une « bosseuse », « pouvant être d'une mauvaise foi confondante mais difficile à prendre en défaut sur un dossier » et « ne comptant pas ses heures ». « Bosseuse ? C’est une évidence » reconnait Guillaume Cros. Mais l’élu écologiste y met aussitôt un bémol : « Elle sait sentir les enjeux du temps, mais je pense que son action est parfois trop superficielle ou trop dans la communication ».

En 2015, le maire de Rodez, Christian Teyssèdre, avant de rallier La République en Marche, était candidat comme tête de liste du Parti socialiste pour les régionales face à une certaine Carole Delga… Depuis, les relations entre les deux élus sont pour le moins tendues.
Sollicité, l’élu ruthénois refuse de parler de la présidente de région. Pour justifier son choix, il dénonce « l’omniprésence de Carole Delga dans la presse locale », notamment le groupe la Dépêche du midi appartenant au patron du PRG, Jean-Michel Baylet. Sujette à « un véritable culte de la personnalité », la présidente de région serait « devenue une marque où le Parti socialiste ou la collectivité n’apparaissent plus ».

Guillaume Cros se veut plus nuancé, mais sur le fond, l’analyse n’est guère différente. Durant cinq ans, il a été un observateur privilégié au sein du Conseil régional. « Dès 2015, on a su qu’il fallait préparer l’élection de 2021, avoue-t-il. Il fallait donner plus de notoriétés à la présidente et c’est ce qui a été fait. Dans le journal de la région, il n’y a jamais eu une autre tête d’élu que la sienne. Carole Delga devait être l’incarnation de l’Occitanie. On l’a vu dans ses affiches, dans le fait de mettre de la proximité en fin de mandat en appelant à voter «Carole ». Tout cela a été construit en termes de communication. Je l’ai dit à deux ou trois reprises : lorsque l’on veut faire de la citoyenneté, du travail collectif, il fallait aussi que les personnes de la majorité soient également mises en avant. Mais c’était écrit. Il fallait mettre en marche la machine Delga et que cette machine devienne une machine de guerre pour les élections suivantes. C’est comme ça que cela s’est passé aussi avec Martin Malvy. C’est finalement quelque chose d’assez classique. ».

Un discours du "en-même temps"

Une politique « à l’ancienne » où la communication prendrait « souvent le pas sur le fond » ou « le faire savoir est plus important que le savoir-faire ». « Durant la campagne des Régionales, nous avons souligné les contradictions de Carole Delga dans son discours, avance Guillaume Cros. À la fois capable de dire « nous sommes une région à énergie positive » et dans le même temps capable d’accepter de « faire l’autoroute Toulouse-Castres ». Je crois que nous avons appuyé là où cela faisait mal. Je suis persuadé que Carole Delga était sincère lorsqu’elle agissait pour l’écologie, mais avec son logiciel à elle, qui est celui d'une socialiste, productiviste. Il faut en prendre acte. »

« Quand on a rien à dire, on dit ça, rétorque à l’ensemble de ces reproches Claire Fita. L’Occitanie, c’est d’abord la région. Carole Delga est une personnalité très attractive. C’est un objet politique assez détonant dans le paysage national. Qu’il y ait cette incarnation et cette personnalisation, c’est aussi en raison de ses compétences personnelles et politiques qui prennent toute leur ampleur en région Occitanie. Elle mérite l’attention qu’on lui porte. Elle est exigeante intellectuellement. Notamment, par rapport à l’extrême droite, elle est très forte sur ses valeurs. Lorsqu’elle dit que nous serons une région à énergie positive en 2050, c’est très fort en termes d’engagement et d’affichage politique. Elle a toujours été dans cette affirmation politique forte. La rentrée la moins chère de France, cela a été une volonté politique très forte avec financièrement des répercussions conséquentes. Elle n’a jamais tergiversé. »

Tous les proches de l’élue socialiste battent en brèche ce procès qui lui ai fait. « Authentique », « simple », « sincère », « pugnace », Carole Delga « donne à voir ce qu’elle est véritablement » selon eux. D’ailleurs, Vincent Garel comme Claire Fita sont catégoriques : « le pouvoir ne l’a pas changé ».
« Je ne sais pas si on se serait posé la question si cela avait été un mec, reconnaît l’ancien vice-président de la région Guillaume Cros. Je pense qu’il y a aussi de ça. Il y a un côté super-machiste dans certains de ces propos contre Carole Delga. ».

Des attaques qui ne devraient pas freiner celle dont l'ambition pourrait l’amener à voir plus loin que la simple région d'Occitanie.

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