Un président «centriste» majoritaire d’un siège, une prétendante de droite qui ne peut plus se présenter et une gauche qui se veut unie mais pas officiellement derrière celui qui fut président pendant trente ans. Le scrutin est plus que jamais indécis dans ce département.
Il y a 6 ans, à peine élu, le nouveau président de Tarn-et-Garonne se targuait de voir son département figurer en gris sur les cartes électorales des quotidiens nationaux. Autrement dit ni en rose comme « à gauche », ni en bleu comme « à droite ».
Un président sortant discret
Six ans plus tard ? Silence radio. Christian Astruc n’a pas donné suite à notre demande d’interview. « Il n’est pas officiellement candidat à sa réélection » dit-on dans son entourage. « Et puis trop occupé par les réceptions de chantiers et audiences diverses et variées. Du retard pris aussi dans les échéances à cause du Covid ».
Un Président, comme il l’avait laissé entendre dans la précédente campagne, qui se désintéresse de ce qu’on dit de lui et privilégie l’action. Pourtant tous ses adversaires actuels s’accordent sur une critique principale à son égard : « son immobilisme ».
Une majorité sur le fil
Il faut dire que Christian Astruc ne s’est pas facilité la tâche. L’ancien Radical de Gauche, désormais classé au « centre-droit » s’était associé avec Brigitte Barèges, ex-maire LR de Montauban. Ensemble, ils avaient mis fin à trente ans de présidence Baylet (Jean-Michel Baylet à nouveau candidat et que nous n’avons pas réussi à joindre).
Seulement, quelques semaines à peine après la victoire, Astruc et Barèges font scission. Le nouveau président se retrouve avec une majorité de 16 sièges sur 30. Voilà qui ne pousse pas à l’audace politique.
L’immobilisme de Christian Astruc est une insulte aux talents du département
« Son bilan est à l’image de sa majorité : sur un fil » explique Thierry Viallon, délégué départemental du RN 82 également candidat. « Il a fait une gestion, pas la plus mauvaise, mais sans vague pour ne pas perdre l’élu qui lui donne cette majorité » poursuit-il.
« Son immobilisme est une insulte aux talents du département » lance Valérie Rabault. La députée PS, elle aussi candidate, assure le constater chaque fois qu’elle va « dans les services » à Toulouse. « On me dit que de tous les départements, nous sommes le dernier ». « Qu’en est-il des infrastructures, du logement ou encore du soutien aux séniors » égrène la présidente du groupe PS à l’Assemblée Nationale.
Nous avons fait des investissements majeurs
Cinquième vice-président du département, Jean-Philippe Bésiers ne partage évidemment pas cette analyse. « Moi je suis en charge du numérique. On y a consacré 250 millions d’euros avec une délégation de service public de trente ans. Ça c’est un investissement majeur ».
Le maire de Castelsarrasin met en garde. « Jean-Michel Baylet veut récupérer ce qu’il a perdu. Brigitte Barèges essaie d’être à la manœuvre même si elle ne peut plus se présenter. Mais attention, ces petits jeux font fuir les électeurs ». « Restons positifs, ceux qui comme moi repartent ont un bilan à défendre » assure l’élu de la majorité sortante.
« La fin de dépenses somptuaires »
« Christian Astruc, c’est surtout le président qui a incarné un changement après 30 ans de Baylet » rétorque François Bonhomme, sénateur LR. « Il a mis fin à des dépenses somptuaires. Regardez le pont de Verdun à 42 millions d’euros en partenariat public/privé. On continue de le payer ! »
Pour l’ancien maire de Caussade, lui aussi candidat, l’enjeu de la campagne est là : « soit on s’inscrit dans l’avenir, soit on veut un retour en arrière ! Le reste c’est de la littérature ». Il espère voir sortir des urnes en juin prochain « une nouvelle majorité large ».
D’abord une majorité, ensuite un(e) président(e)
« Le sujet ce sont donc les deux tours et pas le duel Baylet/Astruc » prévient-il tout autant, assurant qu’il n’est pas candidat à la Présidence du département. Et Valérie Rabault ?
Quand on lui pose la question, la socialiste dégaine la métaphore rugbystique : « un match on le joue jusqu’au bout. Il y a la phase régulière et après les phases finales. » Sous-entendu d’abord se faire élire pour obtenir une majorité et ensuite choisir qui la conduira.
Une gauche "revancharde"
Mais pousse-t-elle à une réélection de Jean-Michel Baylet comme le suggèrent certains de ses adversaires ? « Ils n’ont que ça comme arguments » balaie-t-elle d’un revers de main. Jean-Philippe Bésiers, lui, ne croit pas que toute la gauche œuvre forcément pour un retour de l'ancien président du département. « Mais ils veulent reconquérir ce qu’ils ont perdu » assure-t-il.
Côté Rassemblement National, son délégué départemental la joue modeste. « On y va avec une confiance raisonnable. On aura un ou deux cantons sûrs » avance Thierry Viallon. Sans le dire haut et fort, le parti de Marine Le Pen se verrait toutefois bien gagner plus de sièges en Tarn et Garonne.
Le spectre de l’abstention
« Il y a un malaise, un mal-être et un rejet de l’exécutif. Les gens pourraient se déplacer en notre faveur » reconnaît volontiers l’ancien candidat aux Municipales à Montauban. Son adversaire socialiste d’alors Arnaud Hilion constate, lui, que « les élections à faible participation sont favorables au RN qui arrive à mobiliser plus ». « La meilleure réponse au RN, c’est l’action » affirme de son côté Valérie Rabault.
L’ancrage territorial reste la base
« Il y a 15 cantons, rappelle François Bonhomme. A part celui de Moissac où le maire RN est connu, dans les autres ils n’alignent que des candidats fantômes ». « L’ancrage territorial reste la base » veut croire l’élu Les Républicain face à un Rassemblement National qui incarne, selon lui, « un vote de défiance ».
Jean-Philippe Bésiers partage cette analyse de scrutin de proximité. Mais pour le vice-président du département, « il ne faut jamais sous-estimer les concurrents » notamment « un RN en embuscade ».
La main tendue du RN aux électeurs de Brigitte Barèges
D’autant qu’à droite l’ancienne maire de Montauban déclarée inéligible « laisse des électeurs orphelins » selon Thierry Viallon. « Nous leur tendons la main » affirme sans détour le leader du RN 82. « Nous appliquerons son discours qu’elle n’a jamais mis en oeuvre » assure-t-il.
Quant au retour de Jean-Michel Baylet ? « Le retour des dinosaures aussi tant qu’on y est ! » plaisante l’élu régional comme pour se persuader que ce n’était pas possible. Jean-Philippe Bésiers n’y croit pas plus : « c’est compliqué de revenir quand on est parti » philosophe-t-il avant de conclure : « il faut une nouvelle énergie ».