Moissac : le maire RN supprime les aides à la famille d'un mineur, auteur de dégradations sur la commune

Le maire de Moissac (Tarn-et-Garonne), Romain Lopez (RN), a décidé d'empêcher une famille dont le fils, mineur, serait à l'origine de dégradations sur la commune, de bénéficier d'aides communales versées par sa municipalité. La décision soulève des questions sur son efficacité et sa légalité.

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La vidéo du maire de Moissac a été publiée mercredi 13 octobre sur les réseaux sociaux : "J’ai décidé de signaler à ces parents, totalement irresponsables et démissionnaires, qu’ils ne bénéficieraient plus de la solidarité municipale. S’ils veulent donc des aides pour payer leurs factures de gaz, d’électricité, de téléphone, d’assurance habitation ou voiture, ou même les loisirs de leurs enfants aux écoles, ils ne bénéficieront plus de ces celles-là (d'aides)." Une fois sa prise de parole terminée, face à la caméra, Romain Lopez (RN), dans une mise en scène rappelant celles de Donald Trump et d'Emmanuel Macron, signe un courrier dans lequel est expliqué son choix à la famille concernée.

Inéligibles aux aides municipales

Selon l'élu du Rassemblement National, un Moissagais de 14 ans, serait à l'origine de la récente dégradation, avec d'autres personnes, des fenêtres du Lycée agricole de Moissac. Le jeune homme aurait également craché sur une voiture de la Police municipale et insulté les forces de l'ordre. S'appuyant sur un récent protocole signé avec le Parquet de Montauban, Romain Lopez convoque l'auteur des faits et ses parents pour un rappel à l'ordre.

Ces derniers refusent de se déplacer. Le maire a donc pris, seul, la décision de couper toutes aides municipales à cette famille. "Dans notre ville, il y a des règles à respecter, martèle-t-il. Ceux qui ne les respectent pas, c'est clair pour moi, qu'ils entendent bien ce message, ils ne bénéficieront plus de la solidarité municipale.

"Nous rendons inéligibles ces parents aux aides municipales, précise le maire de Moissac. Si ces personnes nous sollicitent, automatiquement, nous rejetterons leur dossier." Depuis son arrivée à la tête de la municipalité, l'élu n'a jamais eu aucune demande d'aide de cette famille.

Absentéisme scolaire et allongement de la durée de résidence

L'opposition n'a pas été mise au courant de cette résolution mais n'est pas étonnée : "Avec ce type de communication, Romain Lopez renforce son image sécuritaire, estime le conseiller municipal Franck Bousquet (TEMS). C'est aussi la preuve d'une véritable concentration de ses pouvoirs sur la commune. Nous ne connaissons pas le fond du dossier mais tout cela nous parait très brutal et arbitraire. C'est un modèle de municipalité frontiste où règne la politique du coup d'éclat."

Mais la municipalité ne s'est pas arrêtée là. "Nous avons également inscrit dans nos demandes d'aides au Centre Communal d'Action Social (CCAS), l'inégibilité des familles où il y a de l'absentéisme scolaire et l'allongement de la durée de résidence de 3 mois à 1 an pour toucher les aides sociales." Le militant du Rassemblement National ne manque d'ailleurs pas de souligner, avec un certain plaisir, que Marie Castro (PRG), vice-présidente au Conseil régional, membre du CA du CCAS, s'est abstenue sur la question de l'absentéisme, mais a voté favorablement l'allongement de la durée de résidence.

Juridiquement attaquable

L'annonce de la suppresion de ces aides municipales aux familles de délinquants réjouit les partisans d'extrême-droite très présents sur les réseaux sociaux. Déjà adoptée dans d'autres communes en France, comme Valence (Drôme), Rillieux-la-Pape (69) ou Poissy (78), elle soulève malgré tout des questions sur sa légalité et des interrogations sur son utilité réelle.

Juridiquement, la mesure de la mairie de Moissac, en elle-même, n'est pas illégale mais elle ne peut se baser sur des principes discriminatoires. 

"Si la commune a la faculté de suspendre une aide, cela doit se faire sur des critères objectifs et non discriminants, explique en avril dernier à Dossier Familial Me Anne-Sophie Laguens, avocate en droit de la famille. En l’occurrence, il serait logique de suspendre une aide si la famille revient à de meilleurs revenus, par exemple, ou en dissimule. Une décision qui viendrait suspendre une aide parce qu’un membre de la famille aurait eu un comportement troublant l’ordre public pourrait être contestée."

Un message politique

Dans le Parisien, Me Louis le Foyer de Costil, avocat en droit public, rappelait un autre principe : celui de l'individualisation de la peine. On est puni pour ce qu'on a fait, pas pour ce qu'a fait un autre membre de la famille. "Si on venait à considérer la suppression des prestations comme une sanction, on serait dans une situation dans laquelle les parents seraient sanctionnés pour des faits qu'ils n'ont pas commis", explique le juriste.

Des points faibles connus, mais aucun recours n'a, à cette date, jamais été engagé pour contester cette décision. Depuis de nombreuses années, juristes chercheurs et sociologues s'accordent aussi à dire que ce type de mesures ne produisent pas "d'effet positif". La baisse des ressources provoquerait une diminution des "capacités éducatives" de ces familles.

Peu importe pour Romain Lopez. "Si certains veulent attaquer ces mesures au Tribunal administratif, qu'ils le fassent, répond-t-il. Au-delà de cela, c'est un message politique que nous voulons passer aux étages supérieurs".

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